Gare de Lyon. Un dimanche de juin en fin d’après midi.
Cécile et Romain sont assis cote à cote dans le wagon du TGV qui va les ramener chez eux.

Ce n’est pas un dimanche ordinaire.
10 ans de mariage.
Romain lui a offert un week-end à Paris. Cadeau banal diront certains. Oui, sans doute. Et Ils n’ont pas attendu 10 ans pour s’offrir des sorties parisiennes.

Mais pour 10 ans de bague au doigt, l’émotion n’était pas la même.

Il y eut Aïda, hier soir à l’Opéra.

C’est la première fois que Cécile assistait à un opéra. Les morceaux de divers opéras qu’elle avait entendus jusqu’à maintenant, dans des émissions musicales, à la radio ou à la télévision, n’avaient jamais suscité chez elle un intérêt quelconque.

Elle les entendait. Elle ne les écoutait pas.

Mais hier, le cadre était exceptionnel, les décors à couper le souffle et l’histoire d’amour, à la Roméo et Juliette, l’a bouleversée.
Quand elle y pense, l’émotion la gagne encore.

Elle s’est sentie transportée par les chœurs.
L’amour à sens unique d’Amnéris l’a faite souffrir.
Elle a vibré de tout son être avec Aïda, et, l’amour éternel avec Adamès, au delà de la mort, lui a fait monter les larmes aux yeux.

Serait-elle capable de vivre pareil amour ? Une telle passion ?

Elle aime Romain. C’est certain.
Ils ont 36 ans tous les deux. Ils se sont rencontrés à un mariage, il y a douze ans. Et ils ne se sont plus quittés.
Deux enfants. 8 et 4 ans. Deux trésors.

Mais elle ne se laisserait pas enterrée vivante avec lui ! Assise sur le siège, dans le wagon, elle sourit à cette pensée.
Elle est du coté de la fenêtre. Son regard erre au hasard sur les gens qui déambulent sur le quai.
Un homme, lui, est immobile et semble attendre. Qui peut-il bien attendre ? Cette fugace pensée traverse Cécile.

Et après l’Opéra, ils sont rentrés à leur hôtel. Un quatre étoiles !
Romain n’a pas mégoté. Il adore sa Cécile.

Dans la chambre, deux mains douces ont caressé les épaules de Cécile, entraînant les bretelles qui retenaient sa longue robe noire.
Le soutien gorge en dentelle, noir lui aussi, a rejoint la robe sur le sol.
A genoux, il a fait glisser, sa culotte de même couleur le long de ses jambes.

Elle s’est laissée contempler. Déjà le plaisir était grand.
Romain n’était plus son mari, mais son amant d’un soir. Elle lui offrait sa nudité.
Qu’il en fasse ce qu’il veut.

Elle a été Aïda et Amnéris.
Elle a été rebelle et soumise.
Elle a été captive et geôlière.
Elle a été maîtresse.
Elle a été passion.

Elle a joui comme rarement, et Romain l’a accompagnée au pays des merveilles.

Ces souvenirs ravivent des picotis et lui amènent un sourire.

Elle observe toujours l'homme sur le quai.
Il est toujours immobile. Bel homme. Le visage fermé.

Qui guette-t-il ? Sa femme ? Sa maîtresse ? L’imaginaire de Cécile se met en route. Oui c’est ça, dès que le train sera parti en emmenant sa femme à un séminaire quelconque, il se précipitera chez sa maîtresse.

L’homme tourne la tête vers la fenêtre et il aperçoit, derrière la vitre un visage lumineux.
Cécile est surprise par le regard de l’homme. Les yeux clairs l’ont transpercée. Dans un premier temps elle a détourné la tête. Elle veut faire croire qu’elle ne regardait rien de précis.

Mais un appel silencieux la ramène vers l’inconnu.

L’homme fixe toujours la vitre.