Les autres expatriés

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France Volontaire

Il est 19H lorsque Solange me dépose devant les locaux de France Volontaire ; elle reviendra me récupérer une heure plus tard.

La DCC nous a beaucoup parlé de cette plateforme française présente dans de nombreux pays du monde, dont le but est l’accueil et le soutien des expatriés français.

Au Tchad nous avons la chance de les avoir, donc j’ai décidé de m’y rendre pour me faire connaitre, et surtout pour débuter mon premier cours d’arabe tchadien, donné par un professeur dans leurs locaux tous les mardi soir.

Quelques minutes après être entré, je fais connaissance avec les volontaires de France Volontaire, Laura et Florence, et d’autres volontaires de différentes organisations. Puis le cours commence, donné par Say Baa, un tchadien passionné par la langue et la culture qu’il veut nous transmettre.

Ce moment est agréable, je retrouve des français, je suis impliqué dans le cours et le ventilateur sèche ma chemise en lin imbibée de sueur.

À la fin de l’heure, nous nous quittons en ayant échangé nos contacts.

Mercredi 17 avril :

La matinée se déroule en un éclair, tellement je suis absorbé par l’écriture du projet de Solange. C’est un exercice intéressant et nouveau pour moi, car effectivement, je n’ai jamais dirigé de projet (ou même participé à un projet) auparavant.

Mon seul rapport avec la gestion de projet est les cours que j’ai suivi en troisième année d’étude, mais, comme on dit, la théorie ne remplacera jamais la pratique.

Je ressentais même le syndrome de l’imposteur avant de venir ici, me demandant si la DCC n’avait pas survolé mon CV avant de m’envoyer dans ce domaine.

Néanmoins, maintenant que j’ai le nez dedans, je me donne à fond pour rédiger le dossier le plus solide possible, jonglant entre les besoins de Solange et les réalités du terrain, essayant d’être le plus exhaustif possible sur la budgétisation malgré ma contrainte de temps.

Le midi, je rejoins Saraf à un restaurant modeste. Sarafadine est un ami burkinabé, arrivé au Tchad un mois plus tôt, que j’ai rencontré durant notre formation par la DCC à Orsay.
Nous nous étions très bien entendus, d’autant plus que nous partagions la même chambre et le même groupe de formation, vu qu’il allait aussi passer sa mission à N’Djaména.

Ça me fait donc plaisir de le revoir lorsque je lui serre la main devant le restaurant.

Quelques dizaines de minutes plus tard, nous mangeons un plat consistant de riz et de poulet - le yassa poulet - accompagné d’un Top Cola frais. Nous discutons sur nos premières impressions au Tchad, et contre toute attente il m’affirme qu’il vit aussi un choc culturel. Puis je trouve cette réflexion idiote, comme si je n’avais pas vécu de choc culturel lors de mon séjour dans la campagne portugaise par exemple.

Une fois le repas terminé, je suis embêté pour le retour : je ne connais pas encore la ville, je sais que la maison est assez loin à pied, et je suis assez réticent pour prendre un clando.

Le clandoman c’est le taxi-moto au Tchad ; n’importe qui peut s’improviser clando, que ce soit le père de famille qui en vit ou l’étudiant qui arrondit ses fins de mois.

Il n’existe pas vraiment de moyen de les repérer ; soit ils sont regroupés dans un coin de rue, à califourchon sur leur moto, soit il faut attendre au bord des axes pour qu’ils s’arrêtent.

Solange n’aime pas les clandomans, elle a beaucoup insisté pour que je prenne seulement des gens de confiance, car on pourrait tomber sur un conducteur ivre ou mal intentionné.

En ajoutant ma peur de la vitesse, il faut comprendre ma réticence.

Cependant, devant le manque de solution (je ne voulais pas dépendre une fois de plus de ma nouvelle maman), je me décide finalement à en prendre un.

Sarafadine, conscient de ma prudence vis-à-vis du taxi-moto, me rassure tandis que nous nous dirigeons vers un groupe de clandos - ou plutôt qu’un groupe de clandos se rue sur nous.

Je m’assois derrière un des chauffeurs, qui allume le contact et démarre. Le trajet se passe très bien, malgré l’inconfort de l’air brûlant et des rafales de poussière en pleine figure. La prochaine fois je mettrai mes lunettes de soleil. J’arrive finalement à bon port, règle la somme que m’a conseillé Saraf sans trop avoir à négocier, puis rentre à la maison.

Finalement le trajet s’est bien passé, et il est clair que j’opterai plus souvent pour ce moyen de transport.

Jeudi 18 avril

Aujourd’hui rien de nouveau à signaler au travail. La matinée est passée vite, la date de clôture de l’appel à projet approche à grand pas et le dossier prend vraiment forme. Les enfants viennent d'arriver dans le bureau à midi comme d’habitude, laissant derrière eux un bazar monstrueux.

Une fois arrivé à la maison, et comme chaque après-midi depuis mon arrivée, je bouquine sur ma liseuse, allongé sur une natte sur le balcon (il y a plus d’air que dans ma chambre), et faisant abstraction de la température accablante.

Il est 19H lorsque je me dirige au Jardin Béni, restaurant - que je reverrai souvent par la suite - auquel m’ont invité Laura et Florence de France Volontaire avec Sarafadine. Ce sera l’occasion de faire connaissance.

Laura est une bretonne des Côtes d’Armor (sacrée coincidence car on était séparé de 15 km en France) qui a 27 ans, et Florence une parisienne de 30 ans.

Nous sympathisons rapidement, autour d’une grande bouteille de bière, car ici elles ont une contenance de 50 à 60 cl. Je savoure tellement cette Castel que je me pose d’ailleurs des questions sur mon rapport à l’alcool.
Le repas arrive ensuite, et je dévore avec appétit mon assiette de brochettes de bœuf et de frites.

Je me rends rapidement compte de la majeure différence entre les filles et moi ; avec France Volontaire, elles ont l’équivalent d’un SMIC français tandis que je n’en ai que le quart.

Mon maigre salaire fait partie du contrat avec la DCC, et franchement ça me va bien ; je me dis que ça m'oblige à avoir des dépenses plus contrôlées, et donc un meilleur aperçu du mode de vie d’ici. Et encore, mon indemnité fait le triple d’un SMIC tchadien.

Quant à elles, leurs salaires leur permettent d’avoir un logement plutôt confortable, et de souvent faire des activités d’expatriés (comme aller à la piscine ou manger régulièrement dehors). Je leur explique que je les accompagnerai de temps en temps, mais que je suis plutôt limité financièrement. Sarafadine, dans le même cas que moi, confirme.

Les filles, qui connaissent déjà la DCC et son fonctionnement, ne sont pas surprises et comprennent totalement notre situation.

Bien repus, je prends congé de mes nouveaux amis puis je rentre à pied à la maison, qui est à dix minutes d’ici.

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