Celle qu'on appelle sorcière
À la fenêtre déchirée d’un drap. Dans l’ombre d’un visage ingrat, celle que l’on appelle sorcière, répond au prénom d’Eleuthère. Juste, Eleuthère. Pas de nom. Du moins, pas de connu. Qui est-elle ? D’où vient-elle ? se demandent les curieux.
Dans l’ombre d'un chignon de voile, celle qui comme un rat se terre, est femme de misère. Sans rien. Sans famille, sans amis. Démunie, elle vit seule dans une inquiétante maison de pierres.
Dans l’ombre d’un regard usé, celle qui provoque l’effroi, dans son grand châle mité se préserve du froid. Que fait-elle de ses jours ? De ses nuits silencieuses ? Personne n’en a idée, mais tout le monde en parle.
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Éleuthère n’a pas toujours été cette vieille femme, de noir revêtue qui se cache de tous et ne cause à personne. Avant d’être un ermite qui fait peur aux enfants et provoque la défiance, elle fut à une certaine époque l’une des plus belles filles des environs. Mais de cela, plus personne n’en dit mot et semble n'en avoir conservé le moindre souvenir.
Ceux des plus anciens qui l’auraient côtoyé en ce temps avant qu’elle ne s’enferme dans sa triste chaumière et n'y fane en silence, sont pour la plupart dépourvus de mémoire ou bien morts et enterrés. Quant à ceux qui savent encore des choses sur ce passé lointain, ils demeurent en retrait et gardent bouche cousue par crainte des représailles.
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