L’enlèvement

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Je me levais, lentement, comme à regret ; il faut dire que c'était l'été, il faisait très chaud et je n'arrivais pas à dormir. J’étais très fatiguée. J’ouvris la porte de ma chambre et descendis l'escalier de bois en tentant vainement de ne pas le faire grincer.

Si les volets du salon que je traversai étaient fermés, ce n'était pas le cas des fenêtres. J'entrais dans la cuisine, ouvris le robinet et laissai couler dans ma gorge une eau délicieusement fraîche. Ayant bu tout mon content, je fermais le robinet d'un coup sec et me préparais à retourner à mon lit. J'étais au milieu du salon lorsque je m'aperçus qu'un des volets s'était ouvert. Je me dirigeais vers lui, avec l'intention officielle de le refermer et l'intention officieuse de profiter de la petite brise nocturne. J'étais seule à la maison.

Ah ! que cela faisait du bien de sentir le vent se glisser le long des joues, jouer avec les cheveux et couler dans le t-shirt ! Que cela me rafraîchissait ! Je rouvrais soudain les yeux et me figeais : j'avais cru entendre un bruit. Je m'étais toujours senti un peu mal à l'aise, la nuit. Bon, ce n'était sans doute que le chat des voisins.

Une main surgit soudain de nulle part et me souleva par la taille, un bras me plaquant puissamment contre un corps tiède ; un souffle me chatouilla le coup et je sentis des dents – des dents ! – s’enfoncer dans ma gorge…

Tandis que mon pouls s’affaiblissait et que je manquais d’air, je me sentis transportée ; le vent s’engouffrait dans mon t-shirt. Je me vidais de mon sang, et j’avais beau tenter de me débattre, mon assaillant me maintenait fermement. Finalement l’on m’allongea sur un lit et l’on me donna à boire quelque chose de chaud au goût caractéristique… Du sang ?

Je perdis connaissance.

Lorsque me réveillais, je me sentis... étrange. J'ouvris les yeux, et vis un plafond de bois ; ancien, pour ne pas dire vétuste. Je me redressais sur mon lit, et regardais autour de moi. À ma droite, un petit bureau avec une chaise. En face de moi, une grande armoire. Mon lit était contre le mur, et la porte se trouvait, par rapport à ma position, dans le coin en face à droite. Le tout était, eh oui, encore en bois. Comme je la regardais, me demandant si je pouvais sortir par là, la porte s'ouvrit en grinçant. Un jeune homme aux cheveux brun entra, vêtu d’un jean et d’un t-shirt tout ce qu’il y a de plus ordinaire, partiellement caché par une cape. Quel accoutrement bizarre, qui de nos jours porte une cape à part pour se déguiser ? Il tenait une bouteille à la main, qu'il me présenta. Je réalisais alors que j'avais soif – ou faim ? Sans plus réfléchir, je débouchais vivement la bouteille, et je bus, au goulot, avant de me rendre tout d'un coup que c'était du sang. Je faillis tout recracher.

— Surprise ? Tu t'y habitueras assez vite. Tu n'as plus tellement le choix, de toute façon... Désormais, le sang, c'est ta vie !

Il se mit à rire en voyant le regard furieux et incrédule que je lui lançais. Je remarquais ses canines pointues, son teint plutôt mat, ses beaux yeux et sa taille assez fine... Il n'était pas aussi à l'aise qu'il tentait de le paraître.

Je passais en revue dans ma tête les informations que je détenais : des canines qui s’enfoncent dans ma gorge, mon sang bu, du sang qu’on m’a fait boire et là, encore du sang. C’est une mauvaise blague, non ?

— Euh… bégayai-je, lamentable.

Je déglutis, la gorge soudain sèche, et portais machinalement la bouteille à mes lèvres afin de boire une nouvelle gorgée… de sang, toujours. Je faillis encore une fois recracher, mais j’avais trop soif, ou trop faim, ça n’était pas clair… Je passais ma langue sur mes dents, et sentis que mes canines étaient plus pointues que dans mon souvenir.

— Euh, tentai-je à nouveau. Est-ce que, par hasard, tu es un vampire et tu m’as transformée en vampire ?

Il acquiesça, un large sourire dévoilant une dentition parfaite… et les fameuses canines acérées.

— J'ai toujours cru que ce n'était que des contes. Mais tous les nouveaux vampires comme moi doivent le dire, n'est-ce pas ?

— Oui... Je suppose. Je me souviens que je l'ai dit aussi ! En tout cas, c'est la première fois que je transforme quelqu'un.

Je réagis aussitôt :

— Pourquoi moi ?

Il rougit légèrement et détourna la tête.

— Je te le dirais, mais pas tout de suite. En tout cas, tu sembles plutôt calme !

— Comment dire. J’ai une telle envie de hurler, de te jeter cette bouteille en travers du visage et de te déchirer à coups d’ongles que je ne sais pas par où commencer… Mais je bouts intérieurement, là. Mes parents revenir à la maison pour découvrir que j’ai disparu sans laisser de traces et vont s’inquiéter à mort, et je suppose que tu ne me laisseras rentrer chez moi, maintenant ?

— Exact. Trop risqué : tu risquerais de leur sauter à la gorge dès que tu auras trop faim.

— Bon sang ! m’exclamai-je, et je serrais les dents en me jurant de ne plus utiliser cette expression ridicule. J’ai beau être fascinée par les histoires fantastiques, je n’ai jamais voulu devenir une morte-vivante !

— Erreur. Tu es un vrai vampire tout ce qu’il y a de plus vivant, c'est-à-dire contaminée par un virus très spécial, auquel tu as survécu ! D’où ta transformation.

— Attends, tu veux dire que c'est comme dans le livre « Je suis une légende », écrit par Matheson ?

— Ah, tu as lu ce livre ? Oui, c'est un peu comme cette histoire.

— Et... Si je n'avais pas survécu à la contamination, que serait-il advenu de moi ?

— Comme dans ce livre, tu aurais… mal tourné. Tu serais devenue une authentique morte-vivante, une zombie, condamnée à pourrir sur pied et à devenir folle – et dangereuse – au fur et à mesure que ton cerveau se décompose. Selon nos règles, j'aurais été obligé de te laisser au soleil. Mais je savais que tu survivrais. Enfin, je l’espé… Enfin, bref.

S'il avait rougi tout à l'heure, moi, en revanche, je devenais de plus en plus pâle.

— Hier encore, j'étais Sarah, une jeune fille banale, et aujourd'hui, je suis une buveuse de sang ! Un vampire, mais vivant.

Je me donnais une claque. Je me pinçais. Rien à faire, je ne pouvais m'éveiller du cauchemar que je vivais... car il était réel.

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