Première chasse

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Les nuits qui suivirent, je les passais en leçons avec mon jeune professeur, à apprendre comment choisir, débusquer, traquer, saisir mes proies, bref à chasser pour ma subsistance. Pendant le jour, quand nous ne dormions pas, il m'apprenait les règles élémentaires que tout vampire se doit de savoir. C'était comme les lois chez les humains, car aucune société ne vit sans ses lois et ses règles à respecter, y compris même les animaux.

Il s’appelait Jean, et si il n’était pas de la soi-disant beauté fatale que les humains attribuent aux vampires, il restait agréable à regarder. Malgré mon animosité légitime envers lui – enlevée, transformée, séparée à jamais de ma famille, de mes amis, de ma vie ! - il me fallait l’écouter et apprendre de lui. Il avait une voix sympathique et ne manquait pas d’humour. Je lui en voulais quand même à mort. Si je puis dire.

Après plusieurs nuits d’apprentissage, il me laissa finalement effectuer ma première chasse sans aide. La nuit était assez sombre car la nouvelle lune était toute jeune. Il devait être dans les deux heures du matin. Mon tuteur se contentait de m’observer, caché pas trop loin. J'avais choisi de me poster près de la sortie d’une discothèque. Un groupe de jeunes gens sortit, riant bruyamment, les oreilles encore un peu sourdes de la musique. Pourvu qu'ils n'aient pas trop bu ! Tout ce qu’un humain buvait et mangeait avait un impact sur les qualités du sang, et je n’avais notamment pas envie de finir ivre.

Je m'approchais du groupe de jeunes hommes, presque furtivement, et ils ne me remarquèrent qu'assez tardivement ; j’étais déjà assez près d’eux et j’avais eu le temps de faire mon choix.

— Hé, les gars, voilà une souris !

— Elle n'a pas peur de se faire dévorer par un gros matou ?

Sans vouloir me vanter, je n'étais pas si mal, mais pas à ce point-là non plus... Décidément, ils avaient bu. Tant pis. Je pris ma respiration, une grande goulée d'air frais, et je me dirigeais vers celui que j'avais choisi, sous leurs rires gras. C'était lui qui le premier m'avait vu.

— Excusez-moi, mais je ne me sens pas trop à l'aise, toute seule, dans le noir. Tu veux bien me raccompagner ? Je ne vis pas loin d’ici...

Cela accompagné d'un regard franc, avec une lueur de désir dans l'œil. Mais il se méprit sur ce désir…

— Allez, va, puisque t'as une touche, profites-en bien ! lancèrent ses amis.

— En tout cas, t'as pas l'air farouche, ma mignonne !

Il s'approcha, fanfaron, me proposant galamment un bras sur lequel je posais une main légère et nous nous mîmes en route sous les remarques grivoises et envieuses de ses amis. Nous atteignîmes une zone d’ombre ; sitôt dedans, je me retournai vers lui en m’assurant d’un coup d’œil de l’absence de tout témoin – en dehors de Jean - et entourai son cou de mes bras. Il serra ma taille en retour et chercha mes lèvres, que j’évitais adroitement en plongeant mon nez dans son cou, prête à mordre, la tête inclinée selon un angle qui l’empêcherait de crier. J'entendis sa respiration se faire plus rauque. Ses mains se mirent à parcourir mon corps, avec une habileté dénotant une certaine expérience. Je fus envahie par des sensations troublantes nées du contact de ses doigts. Je n’avais guère d’expérience, moi, dans le domaine, n’ayant eu que deux relations qui n’étaient jamais allées plus loin que se tenir la main et se bécoter. Je pensai soudain à Jean : « Qu’allait-il penser de moi si je me laissais faire ? Et... Que ressentirais-je si c’était lui qui me faisait ça ? … Ah… Hein ? »

Lorsque je sentis les doigts de ma proie glisser entre mes cuisses, je les serrais afin de bloquer sa main. Je sentais une bosse dans son jean, à l'intersection de ses jambes. Inutile de traîner plus longtemps : je plantais profondément mes canines dans sa veine jugulaire, tout en baissant mes bras par dessus les siens afin de les bloquer ; et j'aspirais, je bus tout ce sang chaud et délicieux qui m'apportait la vie et lui retirait la sienne.

Lorsqu'il fut sur le point de mourir, exsangue, le froid de la mort l'engourdissant et raidissant déjà ses membres, je le lâchais et m'assurais rapidement que toujours personne ne nous avait vu. Je remarquais mon professeur un peu plus loin, dans l'ombre, invisible à un être humain ordinaire, puis je reportais mon attention sur ma victime agonisante.

Le pauvre jeune homme me lança un tel regard d'incompréhension que, fascinée malgré moi, je tremblais.

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