Le combat

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Nous étions tous les deux assis sur le lit. Il nous aurait suffit de tendre le bras pour nous toucher. Jean était si en colère contre ma bêtise qu’il m’avait évité plusieurs ours durant. Ce cher vieil Athanase nous avait difficilement persuadés de tenter une réconciliation.

De temps en temps, nous nous lancions des regards en coins. Nous ne disions mot. Enfin, nos regards s'accrochèrent. Puis, tendrement, il m'enlaça les épaules. Je pris la parole en premier.

— Excuse-moi d'avoir été si stupide…

— Et moi de ne pas avoir su t’empêcher d’aller là-bas. Je savais que c’était une erreur, mais tu t’étiolais de nostalgie et surtout je n’avais pas imaginé que ça tournerait si mal...

Il m'embrassa. Longtemps. Très longtemps. Si longtemps et avec tant d'ardeur que nous nous renversâmes en arrière. Là, sa main chercha sous ma chemise, et engloba fermement un sein, qu'il se mit à caresser, doucement. Je me serrais contre lui, puis mis aussi les mains sous sa chemise… Nous nous laissâmes emporter par les vagues du plaisir.

Je décidai d’aller régulièrement surveiller les nuits de David. Si un nouveau vampire s’attaquait à lui, je pourrais le chasser, et je pourrais voir aussi si quelqu’un d’autre que moi le surveillait. C’était naïf de ma part de me jeter ainsi dans la gueule du loup, mais je choisis de prendre le risque. Jean soupira et me suivit dans ma folie.

Malheureusement, Troibé était plus proche que nous ne le pensions.

Le soir-même Jean et moi étions repartis pour mon ancienne ville. Alors que nous sillonnions les rues à la recherche de ma marque, nous sentîmes une forte odeur de sang. Attirés autant qu’alertés par la suave fragrance, nous courûmes vers la source, entrâmes dans une maison dont la porte d’entrée était défoncée et découvrîmes David, prostré dans un coin, tremblant violemment.

Lorsque je posais la main sur son épaule, il hurla de terreur avant de me reconnaître. Je me reculais prudemment et conservait un air neutre.

— David ? demandai-je doucement. Que s’est-il passé ?

L’odeur de sang provenait du salon, Jean alla voir.

— Mes parents... Ils s'en sont pris à mes parents ! Ils sont morts !

— « Ils »… Qui ça ?

— Morts ! Tout ce sang…

— Qui « ils », David ? insistai-je.

— Des foutus vampires, bien sûr !

Il me jeta soudain en pleine face avant de s’effondrer entre mes bras :

— Tes foutus vampires, ils m’ont dit qu’ils allaient revenir te chercher et que mes parents n’étaient qu’un avertissement !

Jean revient, le visage crispé. Il me fit comprendre d’un hochement de tête qu’il était inutile que j’aille voir. La scène devait être atroce. S'ils n'avaient pas servi à nourrir quelque estomac affamé, je n'osais pas imaginer ce que cela pouvait donner. Je m'assis à côté de David, lui passais un bras autour des épaules, espérant pouvoir le calmer un peu. Je ne tint pas compte du regard jaloux de Jean.

Nous décidâmes d’emmener David avec nous, malgré les risques. La police serait certainement sur les dents, avec un double meurtre particulièrement sanglant et une disparition à élucider ; nous espérions que cela perturberait Troibé et ses acolytes. David accepta, pas trop rassuré à l’idée de vivre avec des vampires, d'ailleurs. Je lui parlais de la dame de compagnie d’Athanase, humaine et totalement en sécurité auprès de son vieil ancêtre.

David passa ses premières nuit sans dormir, choqué et traumatisé par ce qu’il avait vécu. Puis il se détendit et s’accoutuma à sa nouvelle vie, tentant d’oublier les cruels souvenirs et la menace qui pesait sur nous. Un soir, dûment déguisés, nous partîmes nous détendre en ville, Jean ; David et moi. Lorsque nous revînmes, les odeurs du sang et de la mort saturaient celles de la nuit. Nous nous précipitâmes à une telle vitesse vers la maison que David nous vit à peine nous déplacer.

La dame de compagnie était étendue à terre, éventrée et décapitée. Près d’elle se trouvait les vêtements d’Athanase recouvrant un peu de poussière. Ce cher vieil Athanase ! Je me mis à pleurer à chaudes larmes. David tomba à genoux, ses jambes ne le soutenant plus. Jean plongea son poing dans le mur, y créant un trou, puis contint à grand peine sa colère. Nous savions qui avait cela.

Je le vis repartir vers l’entrée, respirant avec force.

— Non, Jean ! Je t'en prie, reste ici !

— Il doit payer !

— C'est moi qu'il veut !

Il me regarda.

— Je sais. Et je vais me battre contre lui, pour toi, pour Athanase, pour les parents de David et pour tous les crimes qu'il a commis !

— Non ! Je t’en prie, Jean, non !

Mais il était déjà parti. Je me dépêchais de sortir, suivi par David qui marchait comme un automate, tout en sachant que l'aube approchait.

Troibé attendait, nonchalamment appuyé contre un arbre. Il était juste là, un sourire au lèvres, se préparant au combat. Il avait mis un certain temps à nous retrouver, et il nous tenait enfin. Il avait une certaine expérience du combat ; beaucoup de vampires avaient mystérieusement disparu après l'avoir contrarié. Il était bien plus puissant que Jean, et c'était ce qui me faisait peur. Mais j'étais totalement impuissante à empêcher ce qui allait se passer.

Je les vis se combattre comme dans un cauchemar, et Jean se défendait plutôt bien, malgré la différence de taille, de force et d’expérience. Cependant Troibé prit bientôt le dessus, et se mit à jouer avec son adversaire comme le chat avec la souris. Je me reculai dans l’entrée de la demeure, car déjà le soleil pointait dans un ciel sans nuage. Ça allait être une journée magnifique.

Soudain, Troibé porta un coup formidable qui fit éclater le crâne de Jean, éparpillant sa cervelle aux alentours. J’en reçus un morceau en plein visage, une esquille d’os se plantant dans ma joue, et je commençai à hurler, à hurler sans plus pouvoir m’arrêter… Je sentis à peine David m'entraîner à l'abri de la maison, à l'ombre ; il fut le seul à se rendre compte que l'aube nous sauva la vie, car les rayons du soleil nous séparait du monstre ; le seul à voir Troibé disparaître, et le seul à assister à la décomposition accélérée du corps de Jean. Le seul, car j'étais devenu folle.

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