L’Assemblée
Je ne me remis de mon délire que des semaines plus tard. Je ne sus jamais comment David avait fait pour nous protéger et nous nourrir pendant cette période ; je ne me souvenais que de cette douleur atroce dans mon cœur, cet écœurant contact de la cervelle de mon amour, qui me taraudait et me hantait sans cesse. Je sais seulement qu'en reprenant contact avec la réalité, j'étais plus que jamais décidée à me venger de Troibé, dussé-je y perdre la vie.
Fouillant dans les archives de la demeure d’Athanase, j’y découvris une compilation des anciennes lois de la société des vampires. Je décidais de convoquer une Assemblée de Jugement. Je connaissais le lieu de résidence de quelques vampires séculaires grâce à ces archives, sans compter les contacts que je m’étais fait au Solstice d’Hiver. Troibé était bien tristement connu de la communauté, et je rassemblais au passage des victimes et des proches de victimes disparues sous ma bannière ; beaucoup m’aidèrent dans la mission que je m’étais assignée. Les témoignages allaient noyer l’Assemblée sous les crimes de ce monstre et de ses acolytes. Ensemble, nous allions mettre un terme aux agissements de cet infâme crétin arrogant. David continuait à me soutenir dans l’ombre – ne devrais-je pas plutôt dire « dans la lumière », en l’occurrence ? - s’assurant que je ne manquais de rien et me protégeant durant le jour.
Enfin l’Assemblée se réunit dans la clairière, la nuit du Solstice d’Hiver. Cette fois, pas de fête, de rires, de chants, de danses. Seul un anneau composé de vampires de tous âges et conditions, entourant le groupe des accusateurs et des accusés. David, fut le premier à apporter son témoignage. Le témoignage d’un humain sur le meurtre de ses parents n’aurait eu aucun poids si Troibé les avait tués pour se nourrir ; cependant, au vu de la quantité de sang et de l’état des corps que David rapporta d’une voix monocorde, il était clair que ce n’était pas pour cette raison. Il témoigna également pour Athanase et sa dame de compagnie. Suivit mes propres témoignages, puis ceux des autres personnes que j’avais rassemblées…
Le constat fut accablant. Troibé avait sans conteste violé la plupart des quelques lois qui régissait l’éparse société des vampires. La délibération fut courte, l’Assemblée unanime sur le verdict.
La mort.
Les plus fort des vampires présents se jetèrent sur Troibé, qui se défendit tel le diable qu’il était, et le ligotèrent si étroitement – lui et ses sbires - que c’est à peine s’il pouvait encore remuer le petit doigt. Il ne se privait cependant pas d’invectives. Couvrant d’injures toute l’assistance, il m’accabla des pires épithètes à sa connaissance. Il était plus érudit que je ne le pensais, pour un crétin… Il faudrait que je pense à regarder dans le dictionnaire pour certaines. Ses injures ne me touchaient guère, cependant, et je le regardais, jubilant de le voir réduit à l’impuissance.
Enfin, des servants humains – car Athanase n’était pas le seul à avoir choisi des humains de confiance pour l’aider – fournirent aux vampires souhaitant assister à la mort des accusés des vêtements couvrant afin de les protéger du jour à venir. La nuit fut longue avant l’aube…
Couvrant mes yeux de mes mains gantées, David à mes côtés, je regardais d’un air vague la lumière du petit matin inonder la clairière de lumière, noyant les gémissements des accusés terrifiés de l’imminence de leur fin. Beaucoup de vampires eurent un mouvement de recul lorsque la lumière les toucha. Je contemplais, impassible, le soleil se lever. Ça allait être une belle journée… Encore plus belle que celle qui tua Jean. Enfin les rayons solaires tombèrent sur les criminels. Je savourais avec délectation leur hurlement d’effroi et de douleur, et j’observais cliniquement de quelle façon leur peau brûla, leur chair se réduisit en cendre, les os craquèrent et se fissurèrent et tombèrent en poussière…
Juste un peu de poussière et des vêtements miteux, ce fut bientôt tout ce qu’il resta d’eux. David me reçut dans ses bras tandis que je m’évanouissais.
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