Chapitre Second : Le Marevu

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Le ciel rougeoyant sous lequel Mya arriva était dégagé. Il laissait briller ardemment les deux soleils du Marevu. Le royaume de l’oubli. C’était un monde violent, régulièrement en proie à la guerre. Deux lois y régissaient la vie : celle du plus fort et celle du talion. À cela il fallait rajouter la sécheresse, l’aridité et la chaleur qui régnaient sur presque la totalité du royaume. Quelques parcelles étaient miraculeusement fertiles et recevaient les grâces de la pluie.

La jeune femme réajusta sa cape et admira le pendentif en améthyste que lui avait remis Isis. Il lui semblait familier. Où avait-elle pu l’observer auparavant ? Mais bien sûr ! C’était le collier de Dévandra. Ainsi la dirigeante de l’Empire était assez proche de Kao, un dieu, pour recevoir un artéfact de sa part. L’objet en question scintillait, il vibrait dans les mains de Mya. Soudain il s’éleva dans les airs et tourbillonna autour d’elle pendant plusieurs secondes. Il finit par se stabiliser. Derrière lui une grande plaine désertique s’étendait à perte de vue.

— C’est par là que je dois aller ? questionna l’ancestrale.

Pour seule réponse le collier s’attacha autour de son cou et redevint inerte.

— Je suppose que c’est un oui, soupira Mya.

Mya plongea ses mains dans les poches de sa cape. Grâce à nombre d’enchantements assez complexes, ces dernières débouchaient sur une sorte d’univers bulle dans lequel on pouvait stocker une infinité de choses. Elle vérifiait ce qu’elle y avait rangé la dernière fois qu’elle s’en était servi, priant pour trouver un objet pouvant avoir une quelconque utilité dans sa quête. Ses mains effleurèrent quelque chose de froid. Elle l’attrapa, sans le sortir elle le détailla avec ses doigts. Cette forme… Une gourde ! Elle la récupéra. Une fois hors de la cape, elle secoua le récipient et pria. Elle ne rêvait que d’entendre le bruit de l’eau frappant contre les parois de métal. Rien. Zut ! Elle pesta intérieurement, la gourde était vide et elle allait devoir faire appel à ses pouvoirs.

Elle s’assit en tailleur et plaça la gourde ouverte devant elle. Mya ferma les yeux. Elle fit le vide dans son esprit et calma sa respiration. Créer avec de la magie était complexe. La majorité des sorts qu’elle avait pratiqué consistaient à faire appel à des éléments existants autour d’elle ou invoquer des objets magiques. Mais ici, il y avait trop peu d’eau, elle devait déformer la réalité pour en produire plus. La jeune ancestrale ralentit le rythme de son cœur. Elle était prête. Elle ouvrit les yeux et dessina des glyphes dans les airs avec ses mains. L’air dansait et suivait le mouvement de ses doigts. Des crépitements de magie emplissaient les oreilles de Mya. Elle y était presque. Une sphère se formait au-dessus de la gourde, encore un peu et ce serait de l’eau. Elle referma ses yeux pour accentuer sa concentration. C’était l’instant de vérité.

Mya ressentit une pression sur son épaule puis elle tomba à la renverse, les yeux toujours clos. Quand elle les ouvrit, elle se retrouva nez à nez avec un humanoïde à la peau rouge. Des runes noires semblaient gravées dans cette dernière. Non. En y regardant de plus près, elles faisaient partie de la peau, de naissance. Deux longues canines dépassaient de sa bouche. Couplées aux deux cornes torsadées qui se dressaient en haut de son crâne, l’être avait une apparence assez monstrueuse. La jeune ancestrale ne put réprimer un cri aussitôt étouffé par une des mains de la créature.

— Silence.

— Hmm… hmm, hmm, tenta-t-elle de dire.

— Je viens de te sauver la vie. Tu étais le prochain repas de ce serpent de sang. Maintenant reste coite, nous ne sommes pas seuls dans les environs.

Il libéra la bouche de Mya, encore perturbée.

— Pourquoi m’avoir sauvée ?

— Kao me l’a demandé. Il ne peut venir lui-même, il m’a donc envoyé te chercher.

La jeune fille dévisagea son interlocuteur.

— Tu es un daitya, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit-il sèchement, maintenant debout, on a encore du chemin à faire.

Il l’aida à se relever, ce qui permit à la jeune Mya de réaliser que les mains de son sauveur étaient assez semblables aux siennes. Daityas et Ancestraux partageaient plus que Mya ne l’aurait cru.

— Ôte-moi d’un doute. Tu sais te battre ?

— Cela fait partie de mes enseignements, murmura Mya. Je n’aurais jamais cru que cela me serait utile un jour.

— Quelles armes ?

— Principalement épée, arc et un peu de magie. Nos armes sont invoquées.

— Oublie la magie pour le moment. Ça attire toutes les créatures du coin, le serpent de tout à l’heure étant le moins dangereux...

Il lui montrait du doigt le cadavre d’une créature aux écailles d’un rouge foncé. Le corps sans vie s’étalait sur plusieurs mètres et avait été décapité. Un frisson d’effroi parcourut son échine. Dire qu’elle ne s’en était même pas rendu compte, tant elle était concentrée sur son sort… Mais oui ! Elle avait toujours besoin d’eau. Elle voulut appeler son sauveur mais réalisa qu’elle ne connaissait même pas son nom.

— Euh, excuse-moi ? dit-elle.

Il se retourna dans sa direction. Mya le dévisagea de haut en bas avant de réaliser qu’il était entièrement nu. Elle rougit, détourna le regard et cacha son visage avec ses mains.

— Ça te dérange si je te demande deux choses ?

— Demande.

— Ok, alors tout d’abord, quel est ton nom ?

— Appelle-moi Mitra.

— Très bien, Mitra ! Et ensuite, accepterais-tu de t’habiller ? Ou tout du moins de cacher ça.

Tandis qu’elle prononçait cette dernière phrase, elle essayait vainement de faire des gestes avec ses bras pour désigner l’entrejambe de son sauveur. Bien qu’il y ait des hommes dans l’Empire, Mya n’en avait encore jamais vu de nus et cela ne la mettait pas particulièrement à l’aise.

— M’habiller ? (Il se gratta la tête :) Pourquoi ? Ça restreint les mouvements. D’autre part ma peau est aussi résistante qu’une armure, dit-il en cognant son torse avec ses poings.

— S’il te plait…

— Qui plus est, pour atteindre le portail du Mereti on va traverser des villages et parfois il nous faudra certainement combattre. Autant t’habituer maintenant, non ? Et je n’ai pas de vêtements.

— Je ferai fi lors des combats, mais ça me gêne de côtoyer quelqu’un de nu. Et j’ai ce qu’il faut quelque part.

— Pas de magie je te rappelle.

— Oui, oui…

Elle tourna le dos à Mitra et fouilla une nouvelle fois dans ses poches. Elle devait bien avoir un quelconque pantalon enchanté rangé dedans. Elle sentit du tissu et le sortit de sa cape. Hourra, c’était bien ce qu’elle cherchait et non pas un torchon. Elle le jeta en direction de son sauveur qui alla le ramasser. Il soupira puis l’enfila.

— On peut y aller maintenant ?

— Oui c’est bon !

Mitra ouvrit la marche. La direction qu’il prit était la même que celle qu’avait indiqué le pendentif en améthyste. Cela rassura Mya sur la véracité de ses dires. Mais bien qu’elle ne le montrât pas, elle restait méfiante. Un inconnu arrivé de nulle part, pour la sauver d’une menace qu’elle n’avait pas perçue, dans un monde hostile, tandis qu’elle fuyait un sbire de la déesse du Mal, elle supposa qu’elle avait des raisons valables de penser ainsi.

Un trône reposait au centre d’une immense plate-forme. Le sol, fait de pierres, ondulait tel une multitude de vagues concentriques. Un tapis noir dévalait un long escalier de marbre charbonneux qui se terminait sur une interminable galerie. Laquelle débouchait enfin sur ce qui paraissait être l’extérieur. L’ensemble était gardé par de gigantesques statues aux allures monstrueuses et terrifiantes, surplombées de torches à la lumière plus sombre que les ténèbres. Le décor ne laissait aucun doute sur le lieu, ni sa propriétaire. Les Enfers, le domaine personnel de Nakãra. Peuplé de démons, des âmes humaines, arrachées au Mereti par ses fidèles faucheuses quand elle ne s’en chargeait pas personnellement et torturées jusqu’à oublier leurs origines. Ils devenaient alors de fidèles et loyaux soldats, prêts à mourir pour leur maîtresse incontestée.

Un râle rompit le silence qui régnait. La déesse se tordait de douleur, assise, lasse, sur son trône. Le fragment d’acier blanc continuait de ronger sa chair et rien ne semblait pouvoir l’apaiser. Des cadavres encore fumants jonchaient le sol tout autour d’elle. Ceux qui n’étaient pas morts en essayant de retirer l’objet de sa peine, foudroyés par l’énergie lumineuse qu’il renfermait, s’étaient transformés en défouloir pour Nakãra.

Elle se tira laborieusement hors de son trône et entama la descente des marches. À chaque pas qu’elle faisait, des voix s’invitaient dans son esprit.

Pitoyable. Regarde dans quel état tu es, faisait la première.

Réduite à l’impuissance par quoi ? Un morceau d’épée brisée, ricanait la seconde.

La déesse les chassait vainement d’un geste de la main. Il lui fallait trouver une solution, une personne capable de retirer cette chose. Les démons ? Inutiles, ils mourraient instantanément. Kao ? Hors de question. Certes, l’éclat métallique provenait de son épée, il lui serait aisé de le retirer, mais Nakãra refusait de lui demander de l’aide. Elle ne voulait pas lui être redevable alors même qu’elle désirait détruire un de ses mondes. Restaient Zaefan et sa première faucheuse. Deux sbires auxquels elle avait insufflé une portion de son pouvoir, en faisant de redoutables combattants. Mais la faucheuse pourrait peut-être profiter de la situation. Seul Zaefan lui restait acquis même dans ses instants de faiblesse.

Seules quelques marches la séparaient encore de la galerie. Les voix ne faiblissaient pas. Elle se renforçaient, devenaient plus insistantes. Rien ne les faisait taire.

Tu aurais dû l’écouter.

Il t’avait prévenue, siffla la deuxième.

À moins que cela ne soit sa faute…

Si seulement il t’avait fait confiance.

Confiance en Nakãra ? C’est absurde, s’esclaffa la première.

Au fur et à mesure qu’elles gagnaient en intensité, elles devenaient aussi plus claires, plus précises. Une était masculine et l’autre celle d’une femme. Elles avaient raison, Kao lui avait annoncé qu’elle ne trouverait que sa perte même s’il se trompait sur les raisons, et Nakãra connaissait très bien leurs propriétaires. Elle ne devait pas, non, elle ne pouvait pas les laisser s’insinuer dans son esprit. Pas si proche de son but.

Nous lisons en toi Nakãra. Tes grandes aspirations n’ont aucun secret pour nous, persifla l’homme.

Laisse-toi faire et avec nos puissances combinées tes vœux seront exaucés.

— Jamais ! cria la déesse.

Son pied rata l’ultime marche de l’escalier. Nakãra la déesse du Mal s’étala de tout son long sur le tapis. Elle pesta contre sa faiblesse et frappe du poing au sol. Le geste, amplifié par sa magie, fit trembler les Enfers dans leur totalité. Dans l’ombre de la double porte qui séparait la galerie de l’extérieur, une silhouette frêle manqua de peu de tomber elle aussi. Quand tout se calma, elle se précipita en direction de la femme aux cheveux noirs.

— Mère ! Tout va bien ? J’étais inquiète, fit une voix de jeune fille.

— Je t’avais ordonné de rester au manoir, Chizu.

— Mais…

La déesse se releva et jeta un regard noir à sa fille. Elle détestait être surprise dans un état aussi amoindri. Comment avait-elle pu louper à ce point l’éducation de cet enfant, pour être désobéie par elle. Une armée entière la suivait au doigt et à l’œil, mais une blonde aux yeux vairons n’en faisait qu’à sa tête. Elle râla intérieurement et arbora un sourire de façade.

— Je ne connais que la grandeur et la puissance, tu devrais le savoir, toi qui te prétends mon enfant.

— Oui mère…

— Pourquoi es-tu venue ici, malgré mes directives ?

— Je voulais vous voir… Vous vous êtes absentée tellement de fois ces derniers temps.

La jeune enfant lui avait répondu en baissant la tête, fuyant le regard de sa figure tutélaire. Chizu ressentait un étrange mélange de sentiments pour celle qu’elle appelait mère. Effroi, amour, terreur et affection. Des contradictions qui ne semblaient que peu la gêner.

Il était évident que Chizu n’était pas la fille biologique de Nakãra. Elles ne se ressemblaient en rien, et l’enfant ne possédait rien de divin. La déesse du Mal l’avait simplement recueillie il y a quelques années déjà après l’avoir trouvée esseulée, errant dans une ville du Mereti.

Tu es pitoyable Nakãra, avoir gardé… ce jouet humain auprès de toi…

Ce n’est pas ce que nous attendions de la déesse du Mal.

Silence. Silence. Silence !

Chizu recula, craintive. Cette fois elle osa regarder sa mère, attendant un ordre ou une punition quelconque. Nakãra se calma et demanda simplement à sa fille de regagner le manoir. Elle la rejoindrait bientôt. La jeune fille blonde partit en trottinant. Après son départ, les voix reprirent de plus belle.

Si tu continues de lutter, de résister, nous la tuerons.

— Je m’en moque. Et de toute manière vous ne prendrez pas le contrôle.

Tu es affaiblie par cette blessure. Peut-être que sans elle tu aurais pu nous résister. Il est trop tard désormais, souffla la femme.

Nakãra claqua des doigts et les lieux autour d’elle changèrent. Elle était désormais dans une petite salle ronde avec pour seul mobilier une table centrale.

— Zaefan !

Aussitôt appelé, le démon apparu. Il se courba devant sa maîtresse et attendit ses ordres. Rapidement elle lui expliqua qu’il allait devoir tenter de retirer le fragment qui lui déchirait la chair. Il acquiesça et l’invita à s’installer sur la table. Elle s’y allongea et le haut de sa robe noire disparut, dévoilant ainsi son dos meurtri. Au niveau de la blessure la peau se régénérait inlassablement, soumise en permanence à la brûlure du métal blanc. Des veines noircies apparaissaient de temps à autre avant de disparaître au rythme des battements du cœur de la déesse.

Les mains de Zaefan étaient redevenues humaines, dépourvues des griffes qui lui avaient servi dans son affrontement contre Isis et Opalis. Il matérialisa quelques outils et entreprit d’inciser précisément la blessure pour ensuite extraire l’objet de toutes les souffrances. La douleur était déjà telle que Nakãra ne sentait guère les entailles effectuées par les outils du démon. Il était rapide et consciencieux, mais le fragment s’était profondément enfoncé. Il était presque impossible à atteindre. Et pourtant Zaefan l’apercevait déjà. Il approchait sa pince, prêt à délivrer sa maitresse, soudain il vola dans les airs et s’écrasa contre le mur. Hébété, il regarda la déesse, le regard empli d’incompréhension.

— Trop tard, démon.

La voix qui sortit de Nakãra n’était pas la sienne, on aurait dit un mélange de deux autres. Zaefan ne les avaient jamais entendues, mais c’étaient celles qui hantaient la déesse encore quelques minutes auparavant. Elle n’avait pas tenu bon. Elle avait perdu le contrôle de son corps et de sa destinée. Ses yeux se teintèrent de cuivre et d’argent, tandis que malgré elle, elle se relevait et marchait hors de la pièce.

Assis devant une mare limpide, un homme à la chevelure blanche observait. Dans l’eau, des images se mouvaient, une aventure lointaine se dévoilait. Kao sourit. Mya était parvenue jusqu’au Marevu. Tout se déroulait sans encombre, comme il l’avait prévu. Il souffla délicatement et l’étendue liquide retrouva son aspect naturel. Il se leva.

La route qui attendait Mya ne resterait pas calme éternellement, mais d’ici, il ne pouvait s’en remettre qu’à son envoyé. Ses actions étaient restreintes par des chaines invisibles qui lui pesaient depuis tant de temps. De bien des manières il avait essayé de s’y soustraire. Rien n’avait jamais fonctionné. Alors il avait appris à accepter. Son visage autrefois heureux, pendant longtemps s’était peint de tristesse. Maintenant seule l’indifférence transparaissait. C’était sûrement mieux ainsi. C’est ce qu’on attendait d’un dieu de toute manière. Être froid, juste et stoïque.

Derrière Kao se dressait une immense bâtisse. Un manoir entièrement blanc, visible dans la nuit alors que rien ne paraissait l’éclairer. Pas même la lune, totalement absente en cette soirée. Voilà qui marquait le début d’un nouveau cycle lunaire.

Il est déjà presque temps, pensa-t-il.

Sans se presser, il marcha vers l’entrée de sa demeure. À son approche, la porte s’ouvrit. Une fois qu’il disparut à l’intérieur, elle se referma aussitôt.

Le bruit d’un souffle rauque envahissait la pièce. Une femme était étendue sur un lit d’hôpital. Son teint pâle ne laissait rien présager de bon. Au-dessus d’elle, des cheveux violets s’agitaient. Depuis le départ de Nakãra et Zaefan, Dévandra n’avait eu de cesse de tenter de soigner Isis. Elle ne pouvait se permettre de perdre sa secrétaire, encore moins son amie.

— Tiens bon, on trouvera une solution !

— C’était… Copédra qui s’occupait des potions, souffla Isis.

— Et tu me crois incapable ? Qui lui a enseigné selon toi, rétorqua la dirigeante de l’Empire.

— Je sais… Mais tu ne dois pas perdre tant de temps à mon chevet. Tu as tout un monde à diriger. Je suis remplaçable.

— Ne dis pas de sottises. Tu es unique et j’ai besoin de toi à mes côtés. Nous sommes inséparables. Et puis sans toi je suis à peine capable de trouver ma chambre.

Isis ria, coupée régulièrement par sa propre toux. Elle reprit son sérieux :

— La déesse du Mal pourrait revenir à tout moment. Ne te préoccupe pas de moi, protège notre peuple.

— Isis, elle n’est pas près d’attaquer à nouveau, crois-moi. Pas après ce que je lui ai fait.

— Je n’ai d’ailleurs pas vraiment compris. Comment as-tu réussi à mettre aussi mal Nakãra ?

— J’avais gardé un fragment de l’épée brisée de Kao. La seule arme qui pouvait réellement la blesser. Je m’étais dit que ça servirait un jour ou l’autre. J’avais raison. Maintenant repose-toi.

La secrétaire obtempéra et ferma ses yeux verts. Sa respiration restait haletante, mais les soins que lui prodiguait Dévandra semblaient faire effet, malgré le poison. Peut-être n’était-ce qu’une simple rémission ? La mage aux yeux améthyste positionna ses mains au-dessus de la plaie et fit le vide dans son esprit. Elle appelait sa paix intérieure et la transformait en énergie avant de l’insuffler à Isis. Le maléfice présent dans la toxine inoculée par Zaefan était puissant, mais la magie de Dévandra aussi. À chaque vague de soin qu’elle envoyait il reculait un peu plus, sans jamais disparaître cependant.

Le souffle d’Isis s’était enfin calmé. Elle dormait, en paix. Son amie quitta son chevet. Il était vrai qu’elle devait continuer son travail. Elle ne pouvait laisser l’Empire Ancestral sans dirigeant durant des heures aussi sombres. Elle disparut.

Dévandra se rematérialisa dans la salle de conférences du palais. Une masse importante de gens s’y était attroupée. Parmi eux quelques journalistes, mais c’étaient principalement des citoyens lambdas qui avaient besoin d’être rassurés. Quelques elfes, dryades, et même fées, s’étaient mêlés aux ancestraux. Après tout, depuis la Grande Guerre, tous vivaient dans le même monde. À l’abri de ceux qui avaient failli les anéantir.

Son apparition soudaine avait fait s’interrompre les discussions. Tous n’attendaient plus que son allocution. Elle s’avança vers l’estrade et prit place derrière son pupitre. Elle se racla la gorge.

— Chers concitoyens, chers peuples amis,

« Comme vous le savez, l’heure est grave. Aujourd’hui, nous avons subi une attaque. Oui, Nakãra, la déesse qui a juré notre perte est parvenue à percer nos défenses. Ce n’était encore jamais arrivé. Pas depuis le renforcement de la barrière magique. Cela ne peut signifier qu’une seule chose. Sa puissance s’est accrue.

« Néanmoins, il convient de ne pas céder à la panique. Même si son pouvoir est désormais suffisant pour traverser le mur mis en place avec l’aide de Kao, nous avons miraculeusement réussi à la mettre en déroute. Il est vrai que cela est certainement temporaire. C’est une question de temps avant que l’ennemi ne frappe à nouveau à nos portes, peut-être avec une force d’invasion cette fois.

« Cependant, contrairement à la première attaque où nous avons été pris au dépourvu, cette fois nous serons prêts ! J’ai d’ores et déjà remis en place des tours de garde au niveau des points stratégiques. J’ai aussi demandé à nos mages émérites de travailler sans relâche pour renforcer encore une fois la barrière magique. En ce moment même, ils étudient différents catalyseurs qui pourraient permettre de réaliser cet exploit. Après quoi, aidés de moi, ils fourniront l’énergie nécessaire au lancement des sorts de défense.

« Avant de terminer, je tenais à commenter deux rumeurs qui se répandent au sein de l’Empire. Oui, la jeune Tamashi a été exfiltrée. Elle est en route pour rejoindre Kao. Sous peu elle sera sous sa protection. Et, oui, les portails resteront scellés jusqu’à nouvel ordre. Nous ne pouvons pas nous permettre de telles failles de sécurité. Ce sont tant d’entrées supplémentaires potentielles pour les forces démoniaques. Je sais que cela risque de mettre à mal certains échanges commerciaux voire certaines professions magiques. Mais il n’y a pas d’autre alternative.

« Merci à tous de m’avoir écoutée.

À peine avait-elle terminé son discours que les journalistes présents commencèrent à l’assaillir de question. Elle prit la peine de répondre à toutes. Elle voulait rassurer. Peu importe le danger de la situation actuelle, il ne fallait pas que le peuple cède à la panique. Il n’y avait rien de pire que des émeutes dues à la peur.

Quand le marathon d’interrogatoires se termina, exténuée, Dévandra prit la direction de ses appartements dans lesquels elle s’enferma.

Ô Kao, dis-moi que tu veilles déjà sur Mya, promets-moi qu’elle ne court aucun danger, pria-t-elle.

Elle n’obtint qu’un profond silence pour toute réponse. Renforçant ses craintes.

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