Chapitre 4 : Audace aquiline

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« Depuis combien de temps est-ce que tu m'espionnes ? »

L'expression, la voix et l'attitude d'Ardolon n'avaient rien à voir avec celles dont elle avait pu se moquer la veille. Incapable de s'expliquer cette différence, autant que la facilité par laquelle elle avait été découverte, la jeune rito sortit de sa cachette.
Elle avait entendu le glatissement d'Ardolon et par un instinct étrange, avait senti un danger contre lui. Aurait-elle jamais pu avoir plus tort encore ? Le jeune piaf s'était démené avec une énergie à l'extrême opposé de l'apathie qu'il lui avait témoignée. Quelques plumes s'étaient empourprée pendant le duel mais l'assurance d'Ardolon flamboyait comme une aura.
C'était la deuxième fois qu'elle le voyait sous cet angle, après l'avoir observé il y a de si nombreuses années.

« Tu... T'as l'air énervé, quelque chose s'est passé ? »

Un cocktail d'émotions contraires l'oppressait. De son duel il ne tirait aucune superbe. Mais l'adrénaline qui l'accablait... Lui arrachait un sourire extatique. Presque pervers. Du moins l'aurait-il été si l'expression d'un bec pouvait l'indiquer ! Ses iris trahissait un vif plaisir dont la profondeur pouvait se confondre avec de la rancœur.

« Au contraire, je n'ai jamais été de si bonne humeur.
- Oh... Tant mieux alors, répondit la jeune rito en détournant son regard vers les traces d'un combat récent.
- On dirait bien que cette fois, je n'ai pas eu besoin de toi.
- Hein ? Qu'est-ce que tu... Oh ! Je me souviens vaguement de toi. C'était toi que ma tribu avait aidée il y a six ou sept ans, pas vr...
- Pardon ? ! Combien tu dis ?
- Euh, les premières fraîcheurs arrivent alors je pense que ça fait presque sept ans maintenant... »

Ardolon était abasourdi... S'il ne se trompait pas, cela faisait donc un tout petit peu plus de cinq années qu'il était dans la nature avec le fou qui lui servait de compagnon... Non, de tortionnaire. Cinq années pendant lesquelles il le forçait à porter leurs bagages, récolter les provisions, accepter l'aide de ceux qu'il leur arrivait de piller ensuite, la nuit tombée, sur les grands chemins. Cinq années pendant lesquelles il avait voyagé en affrontant quelques fois des adversaires à deux, ou en fuyant le plus souvent.
Le rito examina son corps, toujours endolori par les exercices que lui imposait son pseudo-mentor... C'est vrai qu'il avait grandi et que tous les obstacles avaient forgé des muscles dont il ignorait la puissance. À force d'être rabaissé, il s'était identifié à bien plus faible qu'il ne l'était. En y repensant, c'était sûrement pour ça que les paroles résonnaient si profondément dans son esprit : « Pourquoi perdre ton temps et ton énergie ? Les êtres vivants construisent la vérité avec l'argile de leurs croyances. »

« Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ? Retrouver ta tribu ?
- Non, bien sûr que non, répondit Ardolon dans un petit sourire rempli de nostalgie et, peut-être, de colère.
- Alors que dirais-tu de faire un petit bout de chemin avec nous ? »

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