Le soleil éteint derrière l’horizon sombre d’une ville endormie me paraissait être la plus belle vision de cette journée. Lumière allumée, je restais figée devant une photo, trouvée par hasard près d’un brouillon d’histoire de Victor.

Brad et moi souriions outrageusement, posant fièrement devant l’appareil, bras dessus dessous. Nous formions tous deux le centre de toute attention ; un centre étincelant dans une foule ébahie.

Il m'avait demandée en mariage ce jour-là. Je ne comprenais pas pourquoi cela m'avait rendue si heureuse.

Toujours est-il que, plusieurs années après cet événement, son engagement semblait jeté aux oubliettes. Ses belles paroles s'étaient évaporées dans l'air, comme un début d'incendie insignifiant qu'éteindrait une averse soudaine.

Cela m'avait attristé un temps. Mais ce temps était parfaitement révolu.

J’avais toutefois l’impression qu'à cet instant, sur ce cliché, j'étais entière. Une flamme brûlait en moi. Je ne savais l'expliquer, mais l'image figée de cette personne que je tenais en main n'avait plus rien à voir avec celle que j'étais devenue.

Cette chose que j’avais perdue depuis peu se tenait là, devant moi, sans que je ne puisse la désigner. Elle brillait sous mes yeux, se moquait de moi. Volontairement, comme un pot de crème glacée sur l'étalage d'un supermarché le jour où vous avez décidé de prendre soin de votre ligne.

J’abandonnai cette image, lassée par ce bonheur pétillant qui ne faisait plus écho en moi. Je séparai ainsi définitivement notre union, à Brad et à moi, de mes souvenirs.

Je conservai cette partie souriante de moi, puis jetai Brad à la poubelle.

Pouquoi sourit-on constamment devant un objectif, et ce, peu importe notre état émotionnel du moment ? me questionnai-je. Etais-je vraiment heureuse à cet instant ?

Je fermai les yeux sur cette journée inintéressante.