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Depuis 30 ans qu’il travaillait en tant que réparateur, jamais Milo n’avait eu de demandes aussi étranges. Et pourtant, il en avait vu défiler du monde ; des cœurs émus aux cœurs brisés, rien n’aurait pu le surprendre.
Une demande de stage, ça, c’était surprenant. Réparateur n’était pas un métier attirant. À dire vrai, sa petite boutique à la devanture fanée était la seule du pays. Plus personne ne voulait faire un travail aussi éreintant et dangereux.
En plus de cela, son métier lui demandait une dévotion et une rigueur des plus totales.
Alors forcément, il avait été bien surpris en voyant une fillette passer sa porte ce matin-là, une demande de stage à la main. Elle n’était restée qu’une seconde avant de murmurer qu’elle serait de retour dans l’après-midi pour avoir une réponse.
Voilà maintenant une bonne heure que le vieil homme avait mis de côté ses outils pour réfléchir en paix. Quelle étrange gamine était celle qui lui avait déposé ce bout de papier.
Lorsqu’elle pointa de nouveau son nez à l’entrée de la boutique, il n’avait toujours pas la moindre idée de la réponse à lui fournir. Elle s’approcha tranquillement du comptoir. Elle faisait tache avec sa jolie robe à fleurs bien repassée, ses cheveux bruns soigneusement nattés et ses souliers brillants.
La boutique autour d’elle était terne et sale, les meubles couverts d’outils en tout genre, abandonnés là en attendant de servir à nouveau. La vieille étagère d’ingrédients dans le coin de la pièce semblait frêle face à la petite.
« Bonjour, monsieur le réparateur. Est-ce que vous avez réfléchi ? Pour ma demande. »
L’homme grogna, incertain. Cette gamine était définitivement trop tirée à quatre épingles pour supporter le métier. Lui-même n’allait pas tarder à prendre sa retraite, les expéditions devenant trop éprouvantes pour lui.
Face à son silence, la fille hésita avant de se lancer dans un monologue, espérant le convaincre.
« Je suis très sage, ne vous inquiétez pas, vous ne verrez même pas que je suis là ! Je suis en forme vous savez, je marchais trois kilomètres tous les jours pour aller à l’école, on n’a pas de bus chez nous. Et si vous ne voulez pas que je vienne chercher les ingrédients, je pourrais me rendre utile autrement ! Je pourrais nettoyer la boutique et vos outils ou vous faire à manger ! S’il vous plaît, monsieur, je veux vraiment faire un stage avec vous ! »
Le silence emplit de nouveau la pièce. Devait-il lui laisser une chance ?
« Pourquoi ?
—Pourquoi quoi ?
—Ce stage. Pourquoi tu veux le faire ?
—Je trouve ça beau et noble, réparer les cœurs des gens. Vous ne pourrez pas faire ça éternellement et si personne n’apprend à vos côtés, qui vous remplacera ? Ce monde a besoin d’un réparateur. Je veux rendre les autres heureux ! »
Elle se redressa et le regarda, les joues rosies et le torse fier.
« Comment tu t’appelles, gamine ?
—Juliette.
—Eh bien Juliette, j’accepte de te prendre à l’essai. Je verrai à la fin de la semaine si je te garde ou non.
—Merci beaucoup, monsieur !
—Tu as un endroit où rester ?
—J’ai loué une chambre dans une auberge pour la semaine. Je prolongerai si vous me gardez.
—À demain alors.
—À demain, monsieur !
—Milo. »
La brune sourit et lui fit un signe de la main avant de filer hors de la boutique.
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