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Dès l’ouverture de la boutique le lendemain, le vieux réparateur trouva la jeune fille devant sa porte. Elle avait relevé ses cheveux en une haute queue de cheval et portait une belle robe de velours bleue, toujours aussi bien repassée. Elle avait mis de longues chaussettes blanches et des souliers noirs, de la même couleur que le sac à main qu’elle transportait avec elle.
Son sourire rayonnait et ses yeux pétillaient de malice au moment où elle le salua.
« Bonjour, monsieur Milo !
— Bonjour, Juliette. Suis-moi, je vais te montrer l’atelier. Tu m’excuseras pour le désordre. »
Elle le suivit tranquillement dans les allées pour arriver près d’une petite porte derrière le comptoir.
« Je fais toujours les finitions dans la boutique, c’est plus pratique. »
Il ouvrit la porte et les yeux de la brune s’émerveillèrent lorsqu’elle découvrit l’atelier.
Il était divisé en deux parties. Celle de gauche était couverte d’outils en tout genre, du sol au plafond. Quelques cœurs en attente d’être réparés reposaient sur une étagère. Il y avait une grande table au centre où gisaient quelques ingrédients et un cœur reposant sur un socle.
« Ce cœur-là est en réparation. Je te montrerai tout à l’heure. C’est la partie de l’atelier consacrée à l’assemblage des pièces. L’autre partie, c’est pour les ingrédients. »
La fille tourna la tête vers la droite et son sourire s’agrandit encore plus, si c’était possible.
La pièce était immense. Il y avait une bonne dizaine d’étagères démesurées, remplies pour la plupart d’ingrédients en tout genre, reposant dans des bocaux, des pots ou encore des fioles. Une échelle comme celle que l’on trouvait dans les librairies permettait d’attraper les récipients les plus hauts. Les étagères restantes étaient occupées par différents objets nécessaires pour la récolte d’ingrédients : sacs à dos, couchages, tentes, chaussures crantées, cordes, machettes, couteaux, seaux, harpons, échelles, pelles et bien d’autres.
Malgré la beauté du lieu, Juliette ne pouvait que donner raison au réparateur ; c’était définitivement en désordre. À part les étagères bien organisées, un tas d’objets de toutes sortes et de poussière jonchaient le sol.
« Vous voulez que je nettoie ?
— Plus tard. Aujourd’hui, je dois terminer de réparer le cœur qui est sur la table, j’ai déjà tous les ingrédients donc tu vas regarder ce que je fais. »
Les deux s’approchèrent de la table. Milo s’assit sur son éternelle chaise en bois, ajustant ses lunettes, tandis que la jeune fille récupéra une chaise pour s’installer à côté.
« Ce cœur-là est plutôt classique, tu en verras beaucoup. Ils sont faciles à réparer, surtout parce qu’on a toujours les ingrédients nécessaires, comme on le voit souvent. C’est une jeune fille qui a été quittée par son copain il y a une semaine qui me l’a amené. Je t’apprendrai plus tard comment savoir ce qui est nécessaire, mais pour celui-ci il me faut trois ingrédients. Une idée desquels ?
— Je dirais une bonne dose de glace et des films à l’eau de rose. Pour le dernier, je ne sais pas.
— Du soutien. Va donc au fond de l’atelier. Il y a un congélateur avec un bac à glaçons, ramène-m’en deux. Je vais chercher un bol de soutien.
— Tout de suite, monsieur Milo ! »
Juliette partit avec hâte déambuler entre les étagères remplies. Elle erra quelques minutes avant de découvrir le fameux congélateur où elle put récupérer l’objet de ses convoitises.
Lorsqu’elle revint auprès du réparateur, elle trouva sur la table un bol rempli de liquide doré, trois roses, une carafe d’eau ainsi qu’un étrange appareil.
Elle désigna la machine du doigt.
« Qu’est-ce que c’est ?
— Tu vas voir. Approche. »
Elle le rejoignit et le regarda attentivement mettre les roses en haut de l’appareil, puis ajouter de l’eau dans un tube sur le côté.
« Tu vois la manivelle sur le côté ? Fais-la tourner. »
L’objet forçait un peu, mais elle réussit à exécuter la demande. Elle entendit la machine se mettre à faire un drôle de bruit et tenta de jeter un œil.
« Quand tu tournes, tu presses les roses pour en faire sortir le jus. Ensuite, c’est mélangé à l’eau du tube, et ça ressort dans ce flacon.
— De l’eau de rose ! »
Le vieil homme lui fit un petit sourire avant de récupérer les ingrédients et de retourner sur sa chaise.
Ils passèrent le reste de la journée assis près de la table. Juliette notait avec attention tout ce que le réparateur lui expliquait alors qu’il ajoutait, mélangeait et sculptait les ingrédients avec une précision presque inhumaine. Il lui expliqua l’utilisation des différents outils, comme par exemple la pince à chagrin ou la molette de l’oubli.
La nuit était tombée lorsque le cœur se mit à briller de santé et de bonheur avant de rejoindre les autres sur l’étagère de la boutique en attendant sa propriétaire.
Le ventre de la fille gargouilla, ce qui fit glousser l’homme.
« Rentre donc manger chez toi.
— À demain, monsieur Milo !
— À demain, Juliette. »
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