Chapitre 4

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La petite troupe surgit de l’ombre d’un fourré dense pour s’épanouir au sein d’une clairière vaste, caressée par la lumière du soleil. Les premiers rayons du jour s’entrelaçaient avec les branches, projetant sur la terre un jeu de lumière et d’ombre. Cet endroit semblait suspendu dans le temps, un sanctuaire de paix offert par la nature à nos voyageurs.

Tout à coup, un mouvement discret à la lisière du bois attira leur regard. Là se tenait un cerf de majestueuse allure, sa ramure impressionnante se découpant contre le ciel, son pelage brillant de mille feux. Perdu dans ses pensées, son regard semblait voilé de mélancolie.

Intrigués, la fillette, Rouquin et le blaireau s'approchèrent doucement, prenant garde à ne pas l'effaroucher. Le cerf, les ayant aperçus, redressa la tête avec une certaine méfiance, mais ne fit pas mine de s'enfuir.

“Salutations, noble cerf,” dit la fillette d’une voix douce, un sourire radieux éclairant son visage. “Nous espérons ne point vous importuner. Vous semblez préoccupé, si vous permettez ma remarque.”

Le cerf les dévisagea un instant, comme pour jauger leur essence. Puis, il laissa échapper un soupir résigné et dit :

“Votre présence ne me trouble guère, jeunes âmes aventurières. Il est vrai que mes pensées sont lourdes ces temps-ci. Je me nomme Sylvain, et, comme vous l’avez deviné, mon esprit est assailli de préoccupations.”

Rouquin, l’œil pétillant d’une malice irrépressible, ne put s’empêcher de rebondir : “Des tracas ? Toi, le monarque des bois, avec cette stature de roi et cette couronne digne d’un empereur ? Allons, allons, qu’est-ce qui pourrait bien te tourmenter à ce point ?”

Le cerf eut un rire sans joie. “Les apparences sont trompeuses, mon fin renard. Ce n’est pas la majesté de mes bois qui éloigne les tourments. Sous cette fière allure, se cache un esprit en proie au doute et à l'inquiétude. Voyez-vous, je suis le gardien de cette forêt depuis de nombreuses lunes. J'ai vu les saisons se succéder, les arbres grandir et mourir, les générations d'animaux se perpétuer. Mais depuis quelque temps, un mal insidieux semble ronger notre monde.”

Le blaireau, les sourcils tricotés par l’inquiétude, interrogea : “Un mal ? De quelle nature ?”

Sylvain, le regard perdu dans le lointain, prit un moment avant de répondre, les mots semblant lui peser : “Les hommes, mes amis. Leur avidité, leur négligence, fragilisent l’équilibre précaire de notre monde. Ils grignotent nos terres, souillent nos eaux, et notre fratrie forestière s’en trouve diminuée. Je crains qu’il ne reste bientôt plus rien de notre sanctuaire.”

Un silence chargé de réflexion s’installa parmi eux. Chacun méditait sur les paroles du cerf, mesurant la gravité de ses mots. C’est la petite fille qui, finalement, brisa le silence :

“Je comprends votre peine, Sylvain. La dévastation de la nature nous affecte tous profondément. Mais ne pensez-vous pas qu’il y a encore de l’espoir ? Certains humains cherchent à réparer, à protéger ce qui nous est cher. Nous ne pouvons pas tous les condamner.”

Le cerf secoua doucement la tête, son scepticisme palpable. “Votre cœur est pur, jeune enfant, et votre optimisme, louable. Mais la réalité du monde est souvent plus sombre. L’homme, dans sa quête incessante, semble avoir oublié le langage de la nature, le respect du vivant.”

Rouquin, espiègle, lança d’un ton léger mais ferme : “Eh bien, permettez-moi de vous contredire, cher Sylvain ! Oui, les humains ont leurs défauts, mais j’en ai rencontré qui, par leur bienveillance, révèlent une autre facette. Des âmes qui consacrent leur existence à réparer, à guérir. Ne serait-ce pas la preuve que le pont entre nos mondes n’est pas totalement rompu ?”

Le blaireau, habituellement retenu par ses propres inquiétudes, trouva ici une occasion d’exprimer une perspective plus nuancée : “Je partage l’avis de Rouquin. La nature humaine est complexe, faite de contrastes entre lumière et obscurité. Il serait injuste de tous les peindre avec le même pinceau. Il existe des êtres humains qui cherchent sincèrement à vivre en harmonie avec leur environnement, même s’ils ne savent pas toujours comment y parvenir.”

Le cerf, ses traits marqués par la réflexion, les écouta attentivement, une lueur de curiosité dans son regard. “Vos paroles sont pleines de bon sens, je l’admets. Mais comment expliquez-vous alors la portée des dégâts infligés à notre monde ? Des forêts entières disparaissent, des espèces s’éteignent, des écosystèmes s’effondrent. Si les humains étaient vraiment vertueux, la situation ne serait sûrement pas aussi désastreuse.”

La petite fille prit un moment pour réfléchir avant de répondre : “Je pense que le problème est plus profond qu’une simple question de bonté ou de malveillance. Beaucoup d’humains agissent par ignorance ou par indifférence, car ils ne perçoivent pas directement les conséquences de leurs actes. Ils vivent déconnectés de la nature, enfermés dans leurs constructions et leurs préoccupations quotidiennes. Peut-être que notre rôle est de leur ouvrir les yeux, de leur montrer qu’ils font partie d’un tout, qu’ils sont un maillon de la chaîne du vivant.”

Rouquin, toujours prompt à saisir la moindre occasion de dédramatiser, ajouta avec enthousiasme : “Exactement, gamine ! En leur montrant par l’exemple que cohabiter est possible, en les invitant à redécouvrir la forêt, à écouter le chant des oiseaux, à sentir le parfum des fleurs sauvages, on peut changer leur regard. Je suis sûr qu’avec un peu de bonne volonté de chaque côté, ils finiront par comprendre que leur destin est intimement lié au nôtre.”

Le cerf s'adoucit quelque peu, considérant leurs propos. "Votre optimisme est rafraîchissant, je dois l'admettre. Mais n'est-il pas un peu naïf ? Les humains sont si nombreux, si puissants... Comment espérer les faire changer avant qu'il ne soit trop tard ?"

Le blaireau prit un air pensif, grattant machinalement le sol de ses griffes. "Rien ne se fera en un jour, c'est évident. Le changement sera lent et progressif, ponctué de victoires et de revers. Mais chaque graine plantée est une promesse d'avenir. Chaque enfant sensibilisé est un futur défenseur de notre cause. Ne sous-estimons pas le pouvoir des petits gestes et des grandes idées."

La discussion se poursuivit ainsi pendant de longues minutes, chacun y allant de son point de vue, de ses interrogations, de ses espoirs. Au fil des échanges, la méfiance initiale du cerf s'estompait, laissant place à une écoute attentive et à une réflexion partagée.

La petite fille, le regard brillant d'une lueur intérieure, reprit la parole : "Vous savez, Sylvain, je crois que le véritable enjeu est de repenser notre rapport au monde et à nous-mêmes. Tant que nous nous considérerons comme des êtres à part, supérieurs à la nature, nous serons condamnés à la détruire. Il nous faut retrouver notre place dans le grand cycle de la vie, réapprendre l'humilité et la gratitude envers la Terre nourricière."

Le cerf, touché par la profondeur de ses mots, hocha lentement la tête. “Vous avez raison, jeune amie. Vous avez perdu de vue ce qui est réellement sacré, cette connexion profonde avec la vie sous toutes ses formes. En vous éloignant de nos racines, vous avez oublié l’essence même de notre existence.”

Rouquin, avec une gravité inattendue dans sa voix, appuya sur ces mots : “C’est exact. Les humains se comportent comme s’ils étaient le centre de l’univers, oubliant qu’ils ne sont qu’une partie de cette vaste toile de la vie, au même titre que nous autres animaux, et même chaque brin d’herbe. Il est grand temps qu’ils retrouvent un peu d’humilité et de respect pour ce monde qui les nourrit.”

Le blaireau, toujours pensif, ajouta doucement : “Je pense que le fond du problème est aussi spirituel. En se détournant de la nature, les hommes se sont éloignés de leur propre essence. Ils ont perdu ce lien avec la partie d’eux qui aspire à la beauté, à l’harmonie, à être en communion avec le vivant. C’est en renouant avec cette partie d’eux-mêmes qu’ils pourront changer leur perspective sur le monde.”

Le cerf, ému par la tournure de la conversation, sentit son cœur s’alléger. “Vos paroles sont porteuses d’espoir, mes amis. Vous m’avez aidé à voir que la solution pourrait venir d’un éveil des consciences, d’une révolution intérieure. C’est en cultivant l’amour et la compassion que nous pourrons reconstruire les ponts rompus avec la Terre.”

La fillette, la maturité de ses paroles contrastant avec sa jeunesse, conclut : “Exactement, Sylvain. Tout commence par une transformation personnelle. En nous libérant de nos peurs, de nos illusions, de nos conditionnements, nous devenons plus libres, plus vrais. Et cette liberté intérieure nous donne la force d’agir en harmonie avec nos valeurs profondes, de devenir des artisans du changement.”

Rouquin, son sourire malicieux réapparaissant, lança : “Et puis, avouons-le, c’est plus sympa de vivre en paix avec la nature que de passer son temps à la détruire ! Imagine, un monde où les humains prennent le temps de regarder un coucher de soleil, de jouer dans les feuilles mortes, de discuter avec les écureuils… Ça change des guerres et de la course effrénée, non ?”

Cette remarque légère fit sourire l’ensemble de la troupe, allégeant l’atmosphère qui s’était chargée d’une gravité inhabituelle. Le blaireau, affectueusement, bouscula Rouquin : “Ah, tu ne perds jamais ton sens de l’humour ! Mais tu as raison : la joie et la légèreté sont aussi des vecteurs de changement. En partageant notre bonheur, nous contribuons déjà à créer un nouveau monde.”

Le cerf, son regard désormais empli de vie, conclut : “Vous m’avez redonné espoir, chers amis. Je réalise maintenant que mon rôle de gardien va au-delà de la simple protection physique de ces bois. Il s’agit également d’éveiller les esprits, de semer des graines de sagesse et de bienveillance. Et quelque chose me dit que cette mission, nous l’accomplirons ensemble, guidés par un même amour de la vie.”

Rouquin, fidèle à lui-même, ne put s'empêcher d'ajouter avec un clin d'œil malicieux : "Et surtout, n'oublions pas l'essentiel : s'amuser en chemin ! Parce que franchement, c'est bien beau de vouloir sauver le monde, mais si c'est pour tirer une tronche de six pieds de long, ça ne vaut pas le coup !"

Cette saillie fit pouffer de rire la petite troupe, désamorçant avec bonheur la solennité du moment. Le blaireau, secouant la tête avec amusement, lança : "Sacré Rouquin, tu ne changeras jamais ! Mais tu as raison, gardons notre joie de vivre intacte. Après tout, c'est notre arme secrète face à l'adversité !"

Alors que les paroles du cerf s'éteignaient dans le silence complice de la clairière, chacun sentit son cœur empli d'une énergie nouvelle, d'une détermination sereine. Ils avaient trouvé, au cœur de cet échange imprévu, un sens nouveau à leur existence, une raison de se battre et d'espérer.

Et tandis que les rayons du soleil jouaient dans les frondaisons, auréolant leurs visages d'une lumière dorée, nos amis se regardèrent avec une tendresse infinie, scellant tacitement un pacte qui les lierait à jamais : celui d'œuvrer sans relâche à l'avènement d'un monde plus beau, plus juste, plus aimant. Un monde où chaque être, du plus humble au plus majestueux, aurait sa place dans la grande ronde de la Vie.

Cher lecteur, si le cœur t'en dit, rejoins-nous toi aussi dans cette folle aventure ! Ensemble, rions, aimons, bâtissons un monde à la hauteur de nos idéaux. Et si d'aventure, le découragement te guette, souviens-toi des mots de notre cher Rouquin : "Dans la vie, il y a deux choix possibles : rire ou pleurer. Et entre nous, mieux vaut rire, ça donne moins de rides !"

Sur cette note d'espièglerie, je te laisse, cher lecteur, jusqu’au prochain chapitre en te souhaitant de cultiver précieusement la flamme de l'espérance en ton cœur. Puisse-t-elle éclairer ton chemin et t'aider à transformer, pas après pas, notre belle planète bleue en un paradis de paix et d'harmonie.

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