Chapitre 7
Nos trois compagnons cheminaient paisiblement sur un sentier forestier, le cœur encore tout ensoleillé des leçons de Tic-Tac l'écureuil. La curiosité guidait leurs pas, l'émerveillement ponctuait leurs échanges. C'était un bonheur de les voir ainsi, attentifs aux moindres détails du monde, comme si chaque brin d'herbe recelait un secret.
Soudain, au détour d'un bosquet, ils tombèrent sur une clairière baignée d'une étrange lumière. En son centre trônait un objet des plus singuliers : un grand miroir au cadre ouvragé, qui semblait scintiller de mille feux.
« Venez voir, vous deux ! » s'écria la fillette, déjà accourue près de l'artefact. « Avez-vous déjà vu pareil ouvrage ? On dirait un miroir de conte de fées ! »
Rouquin, intrigué, s'approcha à son tour : « Ma foi, voilà qui est curieux... Que fait donc un si bel objet au beau milieu des bois ? »
Mais Blairounet, plus circonspect, retint ses amis d'un geste de la patte : « Méfiance, mes compagnons. Il se dégage de ce miroir une aura étrange, presque... magique. Je crains qu'il ne s'agisse pas d'un simple objet de décoration. »
Piquée par ces paroles mystérieuses, la fillette ne put résister à l'envie de se mirer dans la glace. Mais à peine son regard eut-il croisé celui de son reflet qu'elle poussa un cri de stupeur :
« Mais... mais ce n'est pas moi, ça ! Enfin, si, c'est moi mais... différente. Plus lumineuse, plus... rayonnante ! »
Rouquin, perplexe, jeta un coup d'œil par-dessus son épaule : « Que dis-tu, fillette ? Ton reflet me semble tout ce qu'il y a de plus... Mille sabords, mais tu as raison ! Ce n'est pas ton visage habituel que nous renvoie ce miroir ! »
Car dans la glace, c'était une version sublimée de la petite fille qui apparaissait. Une version où sa bonté, sa générosité, son émerveillement transparaissaient avec une acuité saisissante.
Blairounet, songeur, s'approcha à son tour : « Étrange, en vérité... On dirait que ce miroir reflète non pas notre apparence extérieure, mais notre nature profonde. Comme s'il donnait à voir notre âme dans toute sa vérité... »
Pour en avoir le cœur net, le blaireau se plaça à son tour face à la glace. Et ce qu'il y vit lui coupa le souffle : c'était lui, assurément, mais drapé d'une sagesse et d'une sérénité presque palpables.
« Par ma fourrure touffue, voilà qui est troublant... » murmura-t-il, fasciné malgré lui. « Ce miroir semble révéler ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, au-delà des masques et des faux-semblants. »
Rouquin, soudain mal à l'aise, hésita à se soumettre à l'examen de la glace. Lui qui cultivait l'art du bon mot et de la répartie, il craignait de se découvrir dans toute sa vulnérabilité.
« Allons, messire Renard, à votre tour ! » l'encouragea la fillette, voyant son trouble. « Que craignez-vous donc ? De vous révéler dans toute votre splendeur ? »
Le renard, piqué au vif, s'exécuta de mauvaise grâce. Mais lorsque son regard croisa celui de son reflet, il ne put retenir une exclamation étranglée : « Ventre-saint-gris, mais qu'est-ce que c'est que ça ?! »
Car dans le miroir, c'était un Rouquin méconnaissable qui lui faisait face. Un Rouquin dont les yeux pétillaient de malice et de tendresse, dont le sourire respirait la joie de vivre et l'amour du monde.
« Mais... mais ce n'est pas moi, ça ! » balbutia-t-il, désarçonné. « Je ne suis pas si... si... »
« Si lumineux ? Si rayonnant ? » compléta doucement Blairounet. « Mais si, mon brave Rouquin. C'est bel et bien vous, dans toute la splendeur de votre être. Ce miroir ne fait que révéler ce que vous êtes au plus profond de votre cœur. »
Le renard, ébranlé, contempla longuement son reflet, comme s'il le découvrait pour la première fois. Était-ce donc cela, son véritable visage ? Cette figure dont émanaient tant de chaleur et de bienveillance ?
« Je... je ne sais que dire... » murmura-t-il enfin, la voix tremblante d'émotion. « C'est comme si je me découvrais pour la première fois. Comme si ce miroir me révélait à moi-même... »
La fillette, touchée par son trouble, lui prit doucement la patte : « Mais c'est exactement cela, Rouquin. Ce miroir nous montre tels que nous sommes vraiment, au-delà des apparences et des faux-semblants. Il nous révèle dans notre vérité la plus intime. »
Blairounet, songeur, renchérit avec gravité : « Ce miroir est un puissant objet de sagesse, mes amis. En nous confrontant ainsi à notre nature profonde, il nous invite à faire tomber les masques, à embrasser pleinement qui nous sommes. »
Un long silence accueillit ces paroles, chacun méditant sur les implications de cette étrange découverte. Car c'était un véritable défi que leur lançait le miroir : celui d'oser se montrer dans toute leur authenticité, sans fard ni artifice.
Rouquin, notamment, semblait profondément ébranlé par cette révélation. Lui qui avait toujours cultivé l'image d'un joyeux drille, prompt à la facétie et au bon mot, il découvrait soudain des abîmes de profondeur en lui-même.
« Toute ma vie, j'ai joué un rôle... » murmura-t-il, les yeux rivés sur son reflet. « Celui du bouffon, du bateleur, toujours prêt à amuser la galerie. Mais ce miroir... ce miroir me montre que je suis bien plus que cela. Que derrière le masque du farceur se cache un être sensible, habité par une grande soif de sens et de beauté. »
La fillette, émue aux larmes, le serra contre elle : « Oh, Rouquin... Comme je suis heureuse que tu le découvres enfin ! Car c'est cet être-là que j'ai toujours vu en toi, au-delà de tes pitreries et de tes sarcasmes. Un être lumineux, débordant d'amour et de tendresse. »
Blairounet, la gorge serrée, posa une patte sur l'épaule de son ami : « Elle a raison, mon brave. Ce miroir ne fait que te révéler tel que tu es vraiment, dans toute la splendeur de ton âme. Il est temps pour toi d'embrasser pleinement cette vérité, de laisser rayonner ta lumière intérieure. »
Rouquin, les yeux embués, hocha lentement la tête : « Vous avez raison, mes amis. Il est temps pour moi de faire tomber le masque, de me montrer tel que je suis vraiment. Mais par ma queue, que c'est difficile ! J'ai l'impression de me mettre à nu, de dévoiler mes plus intimes secrets ! »
La fillette, espiègle, lui donna une petite bourrade complice : « Allons, messire Renard, un peu de courage ! Vous qui êtes si prompt à railler la couardise des autres, vous n'allez pas vous dégonfler devant un simple miroir ! »
Rouquin, piqué au vif, bomba le torse avec un reniflement hautain : « Moi, me dégonfler ? Mille sabords, fillette, tu ne sais pas à qui tu parles ! Je suis Rouquin le Téméraire, Rouquin l'Intrépide ! Ce n'est pas un bout de verre qui va me faire trembler les moustaches ! »
Sur quoi, dans un élan de bravoure quelque peu théâtral, il se planta à nouveau devant le miroir, les pattes fièrement campées de part et d'autre de son reflet.
« Alors comme ça, mon beau, on se cache derrière des pirouettes et des facéties ? » lança-t-il à son double d'un ton de défi. « Eh bien, c'est terminé ! À partir d'aujourd'hui, Rouquin se montre tel qu'il est, dans toute la rutilance de son être intérieur ! Foi de renard, le monde n'a qu'à bien se tenir ! »
Blairounet, amusé par ce petit numéro, ne put s'empêcher d'applaudir : « Bravo, mon ami ! Voilà une résolution qui fait plaisir à entendre. Mais attention à ne pas tomber dans l'excès inverse, à présent ! À trop vouloir exhiber votre beauté intérieure, vous risqueriez de verser dans l'outrecuidance... »
Rouquin, faussement vexé, lui décocha une œillade malicieuse : « Moi, outrecuidant ? Allons donc, mon cher Blairounet, vous me connaissez mal ! La modestie et la tempérance sont mes plus grandes vertus, après mon éblouissante beauté intérieure, bien sûr... »
La fillette, riant de bon cœur, leva les yeux au ciel : « Eh bien, on peut dire que ce miroir t'aura révélé à toi-même, mon cher Rouquin ! Toi qui étais déjà si imbu de ta personne, te voilà à présent convaincu d'être un parangon de splendeur et de sagesse ! »
Le renard, prenant une pose avantageuse, lui décocha un clin d'œil effronté : « Que veux-tu, fillette ? Quand on a la classe, on a la classe ! Ce n'est pas ce miroir qui me l'apprendra... »
Mais soudain, comme mû par une impulsion subite, il redevint grave et se tourna vers ses compagnons : « Trêve de plaisanterie, mes amis. Ce miroir... ce miroir est un véritable don du ciel. Car en me révélant ainsi à moi-même, il m'a fait prendre conscience de l'être que je veux devenir. Un être vrai, authentique, qui ne craint pas de se montrer tel qu'il est, avec ses forces et ses faiblesses. »
Blairounet, ému, lui posa une patte sur l'épaule : « Voilà qui est noblement parler, mon ami. C'est tout le sens de notre quête, après tout : nous révéler à nous-mêmes, accéder à notre vérité profonde pour devenir pleinement qui nous sommes. »
La fillette, songeuse, approuva d'un hochement de tête : « Tu as raison, Blairounet. Ce miroir est un puissant symbole, qui nous renvoie à l'essence même de notre voyage initiatique. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, au fond : d'une initiation, d'un cheminement vers notre être véritable. »
Rouquin, soudain frappé par la profondeur de ces paroles, se gratta pensivement le museau : « Une initiation, dis-tu ? Mille trompettes, mais c'est bien de cela qu'il s'agit ! Et moi qui croyais que nous ne faisions que nous promener de village en village, à la recherche d'on ne sait quel trésor... Je réalise à présent que le véritable trésor est en nous, dans cette quête de vérité et d'authenticité ! »
Blairounet, un sourire énigmatique aux lèvres, hocha lentement la tête : « C'est la grande leçon de ce miroir, mes amis. En nous montrant notre reflet le plus vrai, il nous invite à une aventure autrement plus exaltante que toutes nos pérégrinations extérieures : l'exploration de notre propre intériorité, la découverte de notre être profond. »
La fillette, les yeux brillants, renchérit avec ferveur : « Et quelle aventure, mes compagnons ! Plonger en soi-même, se débattre avec ses ombres et ses lumières, pour en émerger grandi, transformé... Voilà un périple qui demande bien plus de courage et de détermination que tous nos vagabondages ! »
Rouquin, emporté par l'enthousiasme, bondit sur ses pattes avec un grand éclat de rire : « Eh bien, qu'attendons-nous pour nous lancer dans cette glorieuse aventure ? Sus à nos masques et à nos faux-semblants ! En avant pour la conquête de notre vérité intérieure ! »
Sur quoi, dans un bel élan unanime, nos trois amis se tournèrent vers le miroir et saluèrent bien bas leur reflet, comme on salue un compagnon d'armes avant une bataille décisive.
Car ils le sentaient confusément : cette rencontre avec le Miroir de Vérité marquait un tournant dans leur quête. Désormais, ils ne se contenteraient plus d'arpenter le vaste monde en quête de merveilles extérieures. C'était en eux-mêmes, dans les territoires inexplorés de leur âme, qu'ils s'apprêtaient à voyager.
Et tandis qu'ils reprenaient leur route, le cœur gonflé d'une énergie nouvelle, Rouquin ne put s'empêcher de lancer une dernière facétie :
« Tout de même, mes amis, avouez qu'il est bien pratique, ce miroir ! Grâce à lui, je n'aurai plus besoin de passer des heures à me pomponner le matin. Il me suffira de me regarder dans la glace pour me savoir resplendant ! »
Ce qui lui valut une bourrade affectueuse de Blairounet et un roulement de yeux amusé de la fillette. Mais au-delà des plaisanteries, tous trois sentaient qu'un cap avait été franchi, que leur voyage prenait un sens nouveau.
Car le Miroir de Vérité leur avait enseigné la plus précieuse des leçons : que la plus belle des aventures est celle qui nous mène à nous-mêmes, dans les profondeurs de notre être. Et c'était le cœur empli de cette sagesse, mêlée d'une joyeuse excitation, qu'ils s'élançaient vers de nouveaux horizons, prêts à affronter tous les défis de cette exploration intérieure.
Comme l'avait si bien dit Rouquin, en une ultime maxime : « Le chemin le plus long est celui qui va de soi à soi. Mais c'est aussi le plus beau, le plus riche, le plus fécond. Car c'est en nous découvrant pleinement que nous devenons enfin qui nous sommes appelés à être. »
Le véritable trésor, ils le savaient désormais, n'était pas à chercher dans quelque lointain eldorado. Il était là, en eux, dans cette étincelle sacrée que le miroir avait révélée. Et c'était à la faire grandir, à la déployer dans toute sa splendeur qu'ils allaient désormais consacrer leur quête.
Ainsi, dans le secret de leur cœur, Rouquin, Blairounet et la fillette firent le serment de toujours honorer cette vérité révélée, de toujours tendre vers cette lumière entrevue dans le miroir de leur âme. Car ils savaient que c'était là, et là seulement, que résidait le sens véritable de leur voyage et de leur vie.
Et tandis que le soleil déclinait doucement sur la forêt, baignant le monde d'une clarté dorée, nos trois héros poursuivaient leur route d'un pas alerte et le cœur en joie. Ils étaient prêts, prêts à vivre pleinement cette grande aventure de la découverte de soi. Prêts à devenir, enfin, les merveilleux êtres de lumière que le Miroir de Vérité leur avait révélés.
Ainsi s'achève ce chapitre de notre conte, sur une note d'espoir, de courage et de douce détermination. Mais l'histoire, elle, est loin d'être finie. Car pour Rouquin, Blairounet et la fillette, le véritable voyage ne fait que commencer - ce voyage intérieur, à la rencontre de leur être le plus profond et le plus lumineux.
Et quelque chose nous dit que les prochaines étapes de cette quête seront riches en rebondissements, en émerveillements, en révélations de toutes sortes. Mais ceci, comme on dit, est une autre histoire, que nous aurons plaisir à conter une autre fois.
Pour l'heure, laissons nos trois amis à leur beau cheminement, avec la certitude que leur route, désormais, est tracée vers la lumière. Et gageons que le Miroir de Vérité, où qu'il se trouve à présent, continue de refléter en secret l'éclat grandissant de leur âme en marche vers sa propre vérité
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