Chapitre 12

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Tandis que nos trois compagnons cheminaient d'un bon pas sur le sentier serpentin, leurs pensées se tournèrent naturellement vers ce mystérieux « pays des hommes » évoqué par Rouquin. La petite fille, intriguée, se tourna vers le renard avec un regard plein de questions.

« Dis-moi Rouquin, à quoi ressemble ce fameux pays des hommes ? Est-ce un endroit merveilleux, plein de trésors cachés et d'aventures palpitantes ? »

Le renard, un sourire énigmatique aux lèvres, prit le temps de la réflexion avant de répondre, savourant par avance l'effet de ses paroles.

« Ah, fillette, le pays des hommes... C'est un lieu étrange et fascinant, à la fois effrayant et plein de promesses. Un monde fait de bruits et de fureur, où la nature se plie au bon vouloir de ces drôles de créatures qui se croient les maîtres de tout... »

Blairounet, soudain songeur, intervint d'une voix douce et un brin mélancolique.

« J'ai entendu dire que là-bas, les arbres sont prisonniers de cages de pierre, que les rivières sont noires de poison et que les animaux vivent enfermés, loin de la douce étreinte des bois... Comme si les hommes avaient oublié que nous sommes tous les enfants de la même terre, tous reliés par le grand cycle de la vie... »

La petite fille, troublée par cette vision, fronça les sourcils d'un air soucieux.

« Mais pourquoi les hommes font-ils cela ? Ne voient-ils pas la beauté de la nature, le chant secret de la vie qui pulse en chaque créature ? Comment peuvent-ils rester sourds à cette symphonie du monde qui nous entoure, nous berce et nous éblouit à chaque instant ? »

Rouquin, philosophe, se gratta pensivement le museau, les yeux perdus dans le lointain.

« Ah, c'est là tout le mystère de l'âme humaine, ma bichette... Ils sont comme des enfants égarés, qui ont oublié le langage des arbres et des rivières. Ils courent après mille chimères, prisonniers de leurs peurs et de leurs désirs... Ils s'enferment dans leurs petites vies, leurs petites cases, sans réaliser que la vraie richesse est là, à portée de main, dans la simplicité d'un rayon de soleil ou d'un chant d'oiseau... »

Le renard marqua une pause, savourant l'attention de ses amis suspendus à ses lèvres.

« Pourtant, au fond d'eux-mêmes, je veux croire qu'il reste une étincelle, une petite flamme tremblotante qui aspire à la lumière. Car vois-tu, j'ai côtoyé des humains autrefois, et certains m'ont étonné par leur sagesse et leur bonté... Comme s'ils avaient su garder intacte cette part d'enfance, cette capacité à s'émerveiller de tout, à aimer sans condition... »

La petite fille, émue, pressa doucement la patte de Rouquin, l'encourageant à poursuivre. Le renard, les yeux soudain rieurs, s'exécuta de bonne grâce.

« Tiens, je me souviens de ce drôle de bonhomme, un soir, au détour d'un chemin. Il était assis là, sous un grand chêne, à grattouiller un bout de papier avec un air tout concentré. Quand il m'a vu, au lieu de me chasser, il m'a souri et m'a dit : 'Approche, l'ami. Je ne te veux aucun mal. Je ne suis qu'un rêveur qui essaie de capturer l'âme du monde...' Sur le moment, je n'ai pas bien compris ce qu'il voulait dire. Mais maintenant, avec le recul, je crois que je commence à saisir... »

« Oh, comme c'est beau ! » s'exclama la fillette, les yeux brillants. « Et que s'est-il passé ensuite ? »

Rouquin rit doucement, savourant ses souvenirs.

« Eh bien figurez-vous qu'on a passé la soirée à deviser sous les étoiles, lui me parlant de ses rêves et de ses espoirs, moi lui confiant les secrets de la forêt. C'était un poète, vois-tu, un de ces êtres qui ont su garder leur cœur d'enfant et leur émerveillement... Grâce à lui, j'ai compris que tous les humains n'étaient pas sourds à la magie du monde. Qu'il y avait parmi eux des âmes sensibles, capables de percevoir le chant invisible qui nous relie tous... »

Blairounet, pensif, murmura d'une voix rêveuse :

« Un poète... Comme ce doit être merveilleux, de savoir ainsi cueillir la beauté cachée des choses, de la sublimer par la grâce des mots... Peut-être est-ce là le pont secret entre leur monde et le nôtre ? Peut-être que les poètes sont les passeurs, les interprètes de cette langue universelle qui chante au cœur de la Création... »

La petite fille, songeuse, approuva d'un hochement de tête.

« Oui, je veux croire que l'art et la poésie sont des passerelles de lumière, qui peuvent toucher les cœurs les plus endurcis et réveiller en eux la flamme de l'enfance... Comme autant de petites graines d'espoir semées sur leur chemin. Car après tout, nous sommes tous des poètes en puissance, tous capables de nous émerveiller et de chanter la beauté du monde... Il suffit parfois d'une étincelle pour raviver cette flamme enfouie... »

Rouquin, ému par la sagesse de ses amis, se redressa soudain, l'œil pétillant de malice.

« Hé, mais j'y pense ! Et si nous leur faisions une petite visite, à ces humains ? Histoire de voir par nous-mêmes ce qu'il en est, et peut-être, qui sait, de semer à notre tour quelques graines de magie et de poésie sur notre passage... Nous pourrions leur montrer que la vraie richesse est là, juste sous leurs yeux, dans la beauté simple de la nature et le lien qui nous unit tous ! »

Blairounet, d'abord hésitant, sentit une douce chaleur l'envahir à cette idée.

« Ma foi, pourquoi pas ? Si nous pouvons, par notre seule présence, éveiller en eux un peu de cette émerveillement qui nous anime, alors le jeu en vaut la chandelle ! Et puis, ce serait l'occasion de découvrir leur monde, leurs coutumes... Peut-être même de nouer des amitiés improbables, par-delà les différences... »

La petite fille, emballée, frappa joyeusement dans ses mains.

« Oh oui, quelle belle aventure ! Allons à la rencontre de ces humains, tendons-leur la main de l'amitié et de la compréhension ! Et si certains restent aveugles et sourds, eh bien nous trouverons bien en chemin quelques âmes sensibles, prêtes à partager avec nous la joie simple d'être au monde... Nous leur montrerons que la vie est un cadeau précieux, une fête de chaque instant pour peu qu'on sache ouvrir son cœur... »

C'est ainsi que fut décidée la nouvelle expédition de nos trois amis, mûs par une envie folle de rencontres et de découvertes. Ils reprirent leur route d'un pas allègre, le cœur gonflé d'une joie enfantine, impatients de voir se dessiner à l'horizon les contours de ce fameux « pays des hommes » et de percer ses mystères.

Chemin faisant, ils ne pouvaient s'empêcher d'imaginer mille scénarios, partagés entre une curiosité fébrile et une légère appréhension. Qu'allaient-ils trouver là-bas ? Des êtres alourdis par le poids de leur vie, ou des âmes éveillées, prêtes à s'émerveiller ? Des cœurs de pierre ou des esprits en quête de lumière ?

Rouquin, fidèle à lui-même, ne perdait pas une occasion de les faire rire avec ses pitreries, mimant tour à tour l'humain désabusé et le poète exalté.

« Attention, mes amis ! » s'exclama-t-il soudain, prenant une pose théâtrale. « Voici que j'aperçois un spécimen des plus curieux : l'homme pressé, toujours courant après le temps ! Voyez comme il traverse la vie sans jamais lever le nez, manquant le chant des oiseaux et le parfum des fleurs... Pauvre bougre, s'il savait comme il passe à côté de l'essentiel ! »

Puis, changeant de posture, il prit une mine rêveuse et un ton faussement précieux.

« Mais que vois-je là-bas ? Ne serait-ce point un être à l'âme vagabonde, un esthète en contemplation devant les miracles de la Création ? Regardez-le, mes amis, comme il semble boire la beauté du monde, s'enivrer de ses mille et une splendeurs ! Voilà un humain qui a compris le secret de la vraie richesse, celle qui ne se compte pas en pièces d'or mais en émotions glanées au fil du chemin... »

Blairounet et la petite fille, hilares, ne pouvaient s'empêcher d'applaudir les facéties du renard, tout en y puisant une réflexion sur la nature humaine. N'était-ce pas là tout le paradoxe des hommes, cette dualité constante entre pesanteur et légèreté, entre aveuglement et émerveillement ?

Blairounet, philosophe, se prit à méditer à voix haute, tout en cheminant d'un pas tranquille.

« Au fond, les humains sont comme des arbres qui auraient oublié leurs racines... Ils ont perdu le lien secret qui les unit à la terre, au ciel, et à chaque créature. Mais en chacun d'eux, je veux croire qu'il y a une petite graine qui ne demande qu'à germer, pour peu qu'un rayon de soleil vienne la réveiller... Cette graine, c'est celle de l'émerveillement, de la joie simple d'être au monde et de partager avec les autres cette grande aventure de la vie... »

La petite fille, touchée par cette belle image, renchérit avec douceur.

« Oui, c'est cela... Nous serons ce rayon de soleil, cette lumière espiègle qui viendra caresser leur âme engourdie. Par nos rires et nos chants, nos mots et nos danses, nous tâcherons de raviver en eux l'étincelle sacrée... Nous leur montrerons que le bonheur est là, à portée de main, dans les choses les plus simples et les plus belles : un sourire échangé, une main tendue, un instant de grâce partagé... »

Rouquin, ému, enlaça tendrement ses deux amis, soudain graves et lumineux.

« Ah, que ferais-je sans vous, mes poètes, mes rêveurs ? Vous me rappelez à chaque instant la beauté du monde et le pouvoir des mots... Allez, en avant pour le pays des hommes ! Et que notre joie soit contagieuse ! »

Puis, avec un clin d'œil malicieux, il ajouta :

« Et méfions-nous quand même un peu, mes agneaux ! Car les hommes sont de drôles de créatures, capables du pire comme du meilleur. Il nous faudra rester sur nos gardes, tout en gardant nos cœurs grands ouverts... Un sacré défi, mais foi de renard, on va relever le gant ! Et si d'aventure, on tombe sur des rabat-joie ou des cœurs de pierre, on n'aura qu'à sortir notre arme secrète : une bonne dose d'humour et de fantaisie ! Ça les déridera, vous verrez ! »

Blairounet, amusé par la verve de son compère, répliqua avec un sourire en coin :

« Ha ha, sacré Rouquin ! Toujours à voir le verre à moitié vide... Mais tu as raison, restons vigilants, sans pour autant nous fermer aux belles surprises que la vie nous réserve. Après tout, c'est dans l'inattendu que se nichent souvent les plus beaux trésors ! Et puis, nous avons un atout de taille : notre amitié indéfectible, ce lien puissant qui nous unit et nous rend plus forts face à l'adversité... »

La petite fille, rieuse, surenchérit joyeusement :

« Oh oui, laissons-nous porter par le vent de l'aventure ! Et si d'aventure nous croisons quelques humains un peu trop sérieux ou rabat-joie, eh bien nous n'aurons qu'à leur offrir notre plus beau sourire et notre plus belle chanson. Nul ne peut résister longtemps à la magie d'un cœur pur et joyeux ! Nous serons les ambassadeurs de la joie et de l'émerveillement, les messagers d'un monde où tout est possible pour peu qu'on y croie très fort... »

C'est ainsi que nos trois compagnons, le cœur débordant d'espérance et d'impatience, hâtèrent le pas vers ce nouveau défi. La forêt bruissait autour d'eux, comme un écho complice à leurs pensées vagabondes, un encouragement secret à poursuivre leur belle quête...

Bientôt, ils le sentaient, un monde nouveau s'ouvrirait à eux, avec ses mystères et ses promesses. Un monde où il leur faudrait, à force de patience et de fantaisie, réenchanter le regard des hommes, et réveiller leur part d'enfance... Un monde où tout serait à réinventer, à redécouvrir avec des yeux neufs, ceux de l'émerveillement et de la fraternité...

Mais pour l'heure, ils savouraient simplement la douceur de l'instant, la joie d'être ensemble sur ce chemin d'aventures et de poésie. Et dans le secret de leur cœur, déjà, ils semaient les graines d'un rêve fou et merveilleux : celui d'un monde où hommes et animaux, enfants et poètes, marcheraient main dans la main, ivres du bonheur simple d'être au monde...

Rouquin, avec sa malice coutumière, ne put s'empêcher d'avoir le dernier mot. Prenant un air faussement docte, il déclama :

« Oyez, oyez, braves gens ! Voici la maxime du jour, tout droit sortie de mon esprit génial : 'Mieux vaut semer des sourires que des soupirs, car c'est de joie que fleurissent les lendemains qui chantent !' Alors en avant, mes amis, et que notre bonne humeur soit notre étendard ! Et si d'aventure, le ciel s'assombrit et que le chemin semble trop ardu, rappelez-vous ces mots : 'Un peu de folie, dans ce monde de fous, c'est la vraie sagesse !' »

Et c'est dans un grand éclat de rire partagé que nos trois compères, le cœur léger et l'âme en fête, franchirent la lisière de la forêt, prêts à écrire le premier chapitre de leur grande aventure au pays des hommes...

Ainsi, le cœur en bandoulière et des étoiles plein les yeux, Rouquin, Blairounet et la petite fille s'élançaient vers de nouveaux horizons, prêts à bouleverser le « pays des hommes » par la seule grâce de leur candeur et de leur enchantement. L'avenir était à eux, infiniment vaste et chatoyant, comme une page blanche où tout restait à écrire... À inventer... À rêver.

Mais au-delà de l'excitation de la nouveauté, ils savaient que le véritable trésor était là, dans cette complicité sans faille qui les unissait, cette amitié plus forte que les différences et les obstacles. Ensemble, ils se sentaient capables de déplacer des montagnes, de faire naître des arcs-en-ciel dans les cœurs les plus sombres, de réenchanter le monde par la seule force de leur générosité et de leur fantaisie.

Car après tout, n'était-ce pas là la magie de l'enfance, cette capacité à s'émerveiller de tout, à aimer sans condition, à croire en la beauté malgré les ombres et les blessures ? Cette flamme sacrée qui brûlait en eux, ils avaient juré de ne jamais la laisser s'éteindre, et de la partager avec tous ceux qu'ils croiseraient sur leur chemin.

Ainsi, main dans la main, le regard tourné vers l'horizon des possibles, ils s'enfonçaient dans ce nouveau monde, prêts à en découvrir les secrets et les splendeurs. Prêts à y semer, à chaque pas, les graines d'un rêve fou et merveilleux : celui d'une terre de fraternité et d'émerveillement, où chaque être, du plus humble au plus grand, aurait sa place dans la ronde joyeuse de la vie.

Et tandis que le soleil jouait à cache-cache avec les nuages, tantôt les baignant d'or, tantôt les nimbant de douceur, nos trois amis avançaient d'un même pas confiant, portés par un grand élan d'espérance et de joie. Car ils le sentaient au plus profond d'eux-mêmes : un nouveau chapitre s'ouvrait, vibrant de promesses et de magie, et il ne tenait qu'à eux d'en écrire les plus belles pages, celles de l'amitié, du partage et de l'émerveillement...

Leur périple ne faisait que continuer, mais déjà, ils en étaient sûrs, il serait de ceux qui changent les cœurs et transforment les destins. De ceux qui font naître des sourires sur les visages et des étincelles dans les regards. De ceux qui, à force de générosité et de fantaisie, réenchantent le monde et lui redonnent ses couleurs d'enfance...

Alors, si d'aventure vous les croisez au détour d'un chemin, n'hésitez pas à vous joindre à leur joyeuse équipée ! Laissez-vous emporter par leur élan, contaminer par leur joie de vivre... Et qui sait ? Peut-être qu'à votre tour, vous deviendrez passeur de rêves et semeur d'étoiles...

Car c'est là tout le secret de la vie : une grande aventure à partager, un chemin parsemé de rires et de chansons, de mains tendues et de cœurs grands ouverts... La plus belle des histoires, en somme.

Et elle ne fait que commencer...

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