Chapitre 20
Cela faisait deux jours que John m'avait ramenée chez moi après notre soirée au club. Je faisais la morte. Je sais ce que vous devez vous dire, qu'il n'y avait pas de raison. En apparence oui mais je n'arrivais à savoir d'où me venait ce sentiment. Je me sentais mortifiée, terriblement honteuse. Je n'irais pas jusqu'à me sentir sale, mais j'avais honte de mon comportement.
J'avais couché avec mon patron au milieu d'une pièce remplie de personnes nues. Je m'étais laissé tripotée, caressée par des inconnus. Je ne me reconnaissais plus. J'étais une romantique, j'aimais le sexe bien sûr, mais je cherchais avant tout un homme avec qui partager ma vie, pas un plan Q. J'avais eu une sorte de déclic lorsque John m'avait demandé comment j'allais après que nous ayons couché ensemble. Il me plaisait pourtant, j'aimais nos échanges coquins mais pas seulement, je me sentais désirée auprès de lui. Je ne savais plus si mon désir pour lui était l'attrait de la nouveauté ou autre chose... Peut-être, étais-je devenue une perverse... Non, je n'étais pas comme ça, cela ne me correspondait pas.
Comme pour en ajouter une couche, mon téléphone sonna encore et encore. Je savais que c'était mon frère, il me harcelait depuis la veille. Je ne savais pas pourquoi mais je n'avais absolument pas envie de l'entendre. N'y tenant plus, comprenant qu'il ne lâcherait pas l'affaire je finis par répondre.
- Oui allô ?
- Ah enfin Bella ! J'ai cru que tu avais perdu ton téléphone.
- Il ne t'ait pas simplement venu à l'idée que je n'avais pas envie de te parler ?
- Non... Pourquoi ? Tu ne veux pas me parler ?
Agacée, Diego prit pour tout le monde, je lâchai les vannes de ma colère et de ma frustration :
- Non, je n'ai pas envie de te parler, surtout si c'est pour t'entendre me critiquer ou encore pour que tu m'imposes une chose dont je n'ai absolument pas envie. Trouve-toi quelqu'un d'autre pour aller à cette foutue soirée !
Il y eut un silence, je n'entendais que mon souffle erratique.
- Pourquoi tu me dis ça maintenant ?
Je tombai des nues. Il ne m'écoutait jamais. Il ne faisait pas attention à ce que je pouvais lui dire, perdu dans sa bulle d'amour parfait, de travail parfait. Je n'avais pas envie de lui répondre. M'écouterait-il de toute façon ? Si je voulais que les choses changent il fallait aussi que je sache clairement exprimer ce que je voulais ou non. Je soupirai :
- Diego, tu ne m'écoutes jamais, tu ne fais pas attention à moi, perdu dans ton travail ou dans ta bulle avec ta femme. Je ne cherche même plus à te parler, tu ne m'entends pas.
- Vraiment ? C'est comme ça que tu le vois ?
- Pas que je le vois, que je le vis.
- Tu m'en veux ? C'est un reproche si moi je suis heureux en couple et que j'ai un travail épanouissant contrairement à toi ?
- Voilà tu recommences ! Je ne suis pas jalouse Diego, je suis très heureuse pour toi, mais ton bonheur n'est pas le mien. J'ai ma vie et je suis un individu à part entière, pas une extension de toi-même.
Je n'en revenais pas d'avoir cette discussion avec mon frère, d'habitude je capitulais bien avant. Il semblait m'écouter, peut-être que les choses allaient changer.
- Désolé Bella...
- De quoi ?
- Je dois te laisser, je sais que ce n'est pas le moment, là comme ça au milieu de la conversation mais j'ai un client important qui vient d'entrer, je dois te laisser. On se rappelle vite ! Hein ? Ciao Bella.
"Ciao Bella" ! Il se foutait de moi ou quoi ? Son client était plus important que sa sœur. À moins qu'il ait pris ce prétexte pour fuir la conversation. Ce n'était pas impossible.
Je soupirais encore une fois, j'étais lasse, j'en avais marre. Je voulais plus, je voulais mieux pour moi dans ma vie. Une envie de tout plaquer me prit au creux du ventre.
Fuir
Ma conscience se rappela à moi. Non je ne serais pas comme mon frère, je ferais ce qu'il faut pour que ma vie soit à la hauteur de mes attentes. Demain, je devais retourner au travail. J'allais prendre rendez-vous avec les Ressources Humaines, faire le point sur mes compétences et voir comment je pouvais évoluer dans la société, celle-là ou une autre, peu importe. Forte de ma nouvelle détermination, je filai dans la salle de bain, c'était décidé ce serait gommage et masque, et j'allais m'occuper de mes pieds aussi, on délaisse toujours trop ses pieds.
J'allumais mon ordinateur alors que je laissais poser mon masque. Je fus assaillie de fenêtre de tchat. John m'avait envoyé des dizaines de messages. Evidemment, ne répondant pas à ses appels ni textos, il avait trouvé un autre moyen. Je lus rapidement quelques messages, la plupart avait la même question : comment est-ce que j'allais. Il semblait inquiet. Je ne savais quoi penser. C'était mon patron quand même et puis je l'aimais bien, il me plaisait beaucoup. Mais notre relation n'avait pas commencé comme il fallait. C'était ça le problème, on avait commencé à l'envers. Comment faire confiance à un homme qui baise dans des clubs échangistes. Je me voilais la face, j'avais adoré, mais pour un truc comme ça, un épisode que l'on se rappelle plus tard, une aventure. Bref, je ne me voyais plus aller plus loin.
En fermant une fenêtre, une musique démarra. Cette chanson m'avait toujours fait frémir. Alter ego de Jean-Louis Aubert. Je l'écoutais en faisant attention aux paroles. J'imaginais très bien John me dire ces mots. Que faire ? Mon minuteur se déclencha me faisant sursauter, je repris pied dans la réalité et allai dans la salle de bain me débarrasser de mon masque, je fus surprise de constater en le regardant dans le miroir, que des larmes avaient couler le long de mes joues. Que se passait-il ? Quel sentiment compressait ma poitrine ? Le regret ? Le remord ? La déception ? ... J'étais définitivement perdue. Je vis l'heure affichée et me fis la réflexion que jamais je n'arriverais à m'endormir dans ces conditions. J'avisais mon téléphone et appelai Aurel et Julia en mode SOS.
Julia répondit assez vite, Aurel dut prétexter une urgence au travail et se connecta. En visio-conférence, je relatais à mes meilleures amies mes dernières aventures et mon état psychologique. Aurel prit d'abord la parole :
- Bravo, je suis fière de toi ma Bella !
Qu'avait-elle fumé ?
- Tu n'as pas dû bien comprendre là !
- On a très bien compris Bella, mais j'aimerais que tu changes un peu de point de vue, reprit Julia.
- Changer de point de vue ?
- Franchement, si tu n'étais pas toi, comment qualifierais-tu ta vie ?
- Ma vie ?
- Ecoute, pour l'instant tu es en phase de digestion...
- Mais je n'ai même pas mangé aujourd'hui !
Aurel pouffa, se retenant de balancer une vanne. Je ne pus retenir un sourire et lui dis de balancer sa blague. Elle leva les mains en disant que j'allais mal le prendre. J'insistais encore une fois et elle céda :
- Si tu as bouffé une grosse bite !
Elle éclata alors aux éclats. Quelle nouille ! Son rire communicatif me parvint ainsi qu'à Julia et nous eûmes toutes trois un fou rire. Julia reprit plus sérieusement :
- Maintenant il faut que tu digères la nouvelle image de toi. Ce que tu as fait n'as rien de honteux. Tu as aimé ?
- Oui..., lâchai-je tout bas.
- Bon alors, où est le problème ?
Aurel expliqua encore :
- Moi ce que je vois c'est que tu as accepté tes désirs et surtout tu prends ta vie en mains. Tu te rends compte que tu as dit ses quatre vérités à toi frère !? Ça fait trois ans que j'attends que ça arrive.
- Trois ans...
- Oui ma Bella, depuis tout ce temps tu te laisses marcher sur les pieds. Même si tu ne finis pas avec John, tu lui dois au moins de t'être réveillée, prête à prendre ton avenir à bras-le-corps.
Je réfléchis à ce que mes amies me disaient. Oui c'est vrai que je me sentais plus sûre de moi, j'avais envie de ne plus me laisser porter, mais bien de choisir ce que je voulais pour moi. Elles me demandèrent de leur raconter ensuite la nuit au club. Je savais qu'elles garderaient tout pour elles, alors je leur racontais. Ce fut une chouette nuit finalement, je dormis peu, mais d'avoir parlé avec les filles m'avait remis sur le droit chemin. J'avais une meilleure idée de ce que je voulais.
Lorsque je passais la porte du travail, je murmurais :
- A nous deux, JJ.
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