Chapitre 21
Je ne fus pas vraiment surprise de trouver John dans son bureau, porte grande ouverte, guettant les allers-et-venues. Il m'attendait je crois. Quand il me vit, je crus déceler un mélange d'émotions : du soulagement, de la douleur, et une lueur d'espoir qui faisait briller ses iris. Je ne cherchais pas à éviter l'inévitable. La nouvelle Bella était dans la place et je comptais bien la laisser prendre les rênes de notre vie. Je toquai plus pour la forme, car il ne m'avait pas quitté des yeux.
- Êtes-vous disponible, monsieur ?
- Oui bien sûr.
Il fit signe à son assistante de nous laisser et de fermer la porte derrière elle. Il avait un léger sourire sur les lèvres, il oscillait entre la douleur et la satisfaction de me voir là, dans son bureau, assumant enfin qui j'étais et ce que je désirais.
- Je voulais commencer par m'excuser du silence radio ces deux derniers jours.
- Ce fut difficile.
Il n'étaya pas sa réplique et attendit que je reprenne la parole.
- Oui, je n'ai pas vraiment d'excuse, si ce n'est que ce que nous avons vécu m'a bousculé. J'ai... comment dire...
- Paniquée ?
- Oui voilà paniquée ! J'étais perdue John, je ne savais plus qui j'étais et ce que je voulais pour moi, pour ma vie.
- Tu as trouvé des réponses ?
- Certaines oui, d'autres sont en "digestion".
Il haussa un sourcil, perdu lui aussi par cette expression.
- Ce que je veux dire, c'est que je ne comprends pas encore tout ce que je ressens, il me faut du temps.
- Où veux-tu en venir Bella ? Que dois-je comprendre ?
- Je voudrais du temps John.
Il rit de façon sardonique.
- On ne me l'avait jamais faite celle-là. D'habitude c'est plutôt : "c'était bien sympa, mis bon je ne me vois pas rester avec un handicapé."
- Non, tu ne comprends pas John !
- Oh si ! Je comprends tout à fait Bella, tu as aimé, mais pas la partie avec moi, juste de te faire baiser par ces hommes et ces femmes valides !
Il se perdait dans sa colère, je voyais à présent le complexe, la douleur d'être différent de ne pouvoir rien y changer. La rancœur aussi contre ceux qui ne le voyait que par son fauteuil. Mon Dieu, je n'imaginais même pas comme il devait se sentir seul et malheureux. Il finit par se calmer.
- Tu veux bien partir maintenant. Je ne te raccompagne pas, ne m'en veux pas.
Son ton cruel et sarcastique me faisait mal. Mais étrangement, je le comprenais, c'était tellement douloureux de ne pas être aimé pour ce que l'on était vraiment. L'ancienne Bella aurait certainement pleuré et aurait tourné les talons. La nouvelle se planta devant lui et déclara d'un ton ferme :
- Tu as fini ton cirque ? Je peux en placer une maintenant ?
Il resta coi. Ma phrase se fraya un chemin jusqu'à son cerveau et il fronça alors les sourcils.
- Bien maintenant que j'ai toute ton attention, tu vas bien m'écouter : je veux du temps avec toi John, apprendre à te connaître, à connaître l'homme et non pas l'amant. Même si l'amant est fabuleux et incroyable, ce n'est pas seulement avec lui que je m'engagerais si je sortais avec toi, donc John, veux-tu bien prendre le temps de me courtiser ?
Il beuguait sérieusement, ne sachant quoi répondre. Lui si sûr de lui, se trouvait déstabilisé. Je lui souris tendrement et repris :
- Je comprends, moi il m'a fallu deux jours pour arriver à cette conclusion. Je te laisse du temps pour "digérer". On se voit plus tard.
Je me penchai et l'embrassai à la commissure des lèvres afin que le message soit bien clair. Je repartis d'un pas léger et atteignis mon bureau après avoir attrapé un thé au passage. J'entrepris de contacter la DRH comme je me l'étais promis. J'eus finalement un entretien dès le lendemain, parfait. Finalement, lorsque l'on se prend en main, tout devient facile, comme si la vie décidait de vous faciliter la tâche. J'eus également la surprise d'avoir un appel de ma belle-sœur qui m'invitait à déjeuner. N'ayant aucune obligation j'acceptais. Le temps passa vite et il faut l'heure de rejoindre Jen dans le troquet en bas de la tour où je travaillais.
Elle me fit signe de la main quand elle me vit arriver. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que Diego se trouvait là lui aussi. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où nous avions vraiment dîné ensemble hors des galas bien sûr.
- Bella ! Tu es superbe ! Cela faisait trop longtemps que je ne t'avais pas vu.
Diego me regarda, un peu gêné, je le sentais mal à l'aise, lui si prompt à me dire quoi faire se trouvait perdu face à la nouvelle Bella. Cela m'amusa et au lieu de le torturer davantage, je le pris dans mes bras pour le saluer. Il me rendit mon étreinte et la tension qui bloquait ses épaules s'échappa doucement.
- Jen a raison, tu es très jolie.
Je les remerciais du compliment. Je lançais alors le sujet sur la grossesse, Diego s'anima soudain à la mention de leur enfant à venir. Je découvrais un autre homme, plus vivant, plus humain aussi. Du regard, ma belle-sœur me remercia de ce lancement. Je n'étais pas dupe, ce déjeuner impromptu avait d'autres desseins que de bavarder de tout et de rien en "famille". Quand nous fûmes servis, Jen prit la parole :
- Je pense que vous avez tous les deux des choses à vous dire. Bella, ne te sens pas prise au piège, au contraire, c'est la seule solution que j'ai trouvé pour que Diego ne s'échappe pas.
- Je...
- Désolé...
Nous avions commencé en même temps. Nous sourîmes à cela avant que mon frère ne reprenne :
- Je suis désolé Bella, je ne m'étais pas rendu compte de mon comportement. Je m'en veux de t'avoir blessée.
- Je suis désolée d'avoir passé mes nerfs sur toi hier soir. Tu as été le réceptacle de toute la colère et la rancœur que j'avais accumulée. Mais j'accepte tes excuses, en effet c'est très dur de se sentir invisible et sans importance. Mais cela m'a permis de savoir ce que je ne veux plus dans ma vie et notamment je ne veux plus être transparente et subir le désir des autres. Donc Diego, à partir de maintenant, si je te dis non, c'est non, je ne me céderai plus. Est-ce clair ?
Il acquiesça et me présenta une nouvelle fois ses excuses. Jen plus maline que mon frère me demanda alors :
- Quel a été le déclic Bella ? Si je comprends bien, ce n'était pas seulement ton frère qui te faisait subir ça.
- Tu sais j'ai toujours eu des relations compliquées avec les hommes, souvent ils ne voient en moi qu'un moyen d'atteindre mon frère. Et j'ai fait la rencontre d'un groupe de personnes vivants exactement la même chose. Elles n'ont plus confiance en l'autre, elles n'osent plus faire de nouvelles rencontres de peur de retomber encore et encore dans le même schéma. Alors comme ils se comprennent, ils ne se fréquentent qu'entre eux. Ils m'ont intégrée dans leur cercle et je dois avouer que cela fait du bien. J'ai pu baisser ma garde.
Jen avait les yeux brillants, comme si je lui racontais le début d'une histoire romantique. Elle m'amusait vraiment.
- Et puis j'y ai rencontré un homme et j'ai décidé que je ne voulais pas me contenter de le voir dans ce cadre sécurisant, je voulais... je veux prendre le risque d'apprendre à la connaître en dehors. Je lui ai demandé de me courtiser, ajoutai-je en gloussant.
Diego lâcha encore une grosse connerie :
- Je te préviens si c'est encore un de ses losers, je ne me gênerai pas pour le faire dégager.
Jen grogna et lui mit une tape derrière la tête.
- Quoi !?
Je souris de les voir tous les deux comme ça. Définitivement, j'aimais beaucoup la nouvelle Bella.
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