Chapitre 26

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J'entendis la voix de John me supplier de me réveiller. Mais mes efforts furent vains et je replongeai dans un univers sans image cette fois. Juste la voix de John qui me disait son amour et son manque. Comme j'avais envie de lui répondre ! Je me rendais bien compte qu'il avait pris une place importante et en si peu de temps ! En même temps, j'avais vingt-sept ans, j'avais eu mon lot d'expériences foireuses, non ? J'étais prête depuis longtemps à plus. Je voulais plus et avec John.

Je repensais au doux rêve où John me comblait, il marchait. Est-ce que c'était cela que je souhaitais ? Un homme valide ? Je chassais l'idée, j'aimais John comme il était, je n'arrivais pas à le définir comme un handicapé. La preuve mon subconscient l'imaginait sans. John était John. Terriblement attirant, sensuel, intelligent, brillant même avec une finesse et une délicatesse qui m'avaient charmée au premier regard. Ma conscience se tut et je perdis la notion du temps. Plus tard, je tentais une nouvelle fois d'ouvrir les yeux. Mes paupières semblaient collées. Après une lutte acharnée, je vis d'abord une lumière douce mais très floue. J'entendais le bip de la machine encore et un léger ronflement. Il me fallut quelques minutes pour reprendre conscience. Qu'est-ce que je faisais là ? J'observais le lieu où je me trouvais, une chambre d'hôpital. Au coin de la pièce près du lit, John dormait dans un fauteuil plus confortable que sa chaise roulante, placée devant lui, sa main posée sur le lit. Je ne pouvais pas le toucher, j'avais encore du mal à bouger mes membres. Il portait une barbe de plusieurs jours et bien que son visage paraisse apaisé ses traits semblaient marqués par l'inquiétude et la fatigue. Pourtant il était toujours aussi beau.

La fatigue me prit de nouveau, lorsque j'essayais de me souvenir de ce qui avait pu m'arriver, ma tête m'oppressa. Je ne luttai pas contre le sommeil et me laissai engloutir par le néant. Ce fut de l'agitation et des voix autour de moi qui me firent émerger de nouveau. Cette fois la lumière était plus vive et j'eus plus de peine à ouvrir les yeux.

- Bon retour parmi nous Bella ! Je suis le docteur Kessel et vous êtes à l'hôpital.

- Bon...jour ... croassa ma voix à travers ma gorge terriblement sèche.

- Tenez buvez un peu, de petites gorgées, là, voilà... Comment vous sentez-vous ?

- Comme si j'étais passée sous les roues d'un bus.

- Eh bien vous n'êtes pas loin. Vous souvenez-vous de ce qui vous a amené ici ?

Je fronçais les sourcils, pas moyen de me souvenir. Je me souvenais d'avoir été au travail et de chercher John dans son bureau, mais voilà tout. Je tournais la tête de gauche à droite pour signifier que je ne m'en souvenais pas.

- A cause de la pluie, vous avez perdu le contrôle de votre véhicule, et une voiture vous a percuté côté passager. Vous avez eu beaucoup de chance. L'œdème cérébral vous a plongé dans le coma quatre jours, mais il semble bien se résorber. Nous allons vous faire passer quelques tests afin de vérifier que tout va bien.

Je fus ballottée le reste de la matinée sans jamais voir de visage familier. Je voulus demander à une infirmière, mais celle-ci fut appelée pour une urgence. Finalement, encore une fois le sommeil me cueillit au début de l'après-midi.

J'ouvris les yeux de nouveau quelques heures plus tard. John était là, le visage posé sur mon lit, ses doigts mélangés aux miens.

- John ?

- Humm.

Il semblait épuisé. Il ouvrit finalement un œil et constatant mon réveil, son sourire s'étira jusqu'à ses oreilles.

- Oh Bella ! Je revois enfin tes beaux yeux.

- Quel charmeur ! Je...

Sans que je ne sache ni comment ni pourquoi, un long sanglot me prit. Les larmes coulaient sans s'arrêter. J'avais l'impression de pleurer comme une gamine.

- Chhhh, ça va mon amour. Tu vas bien, c'est fini. Tu as fait le plus dur.

Je n'arrivais pas à prononcer le moindre mot, ayant du mal à respirer. Il ne pouvait me prendre dans ses bras seul, alors je descendis pour m'asseoir sur ses genoux et me blottir contre lui. Heureusement que l'on m'avait ôté tous les branchements un peu plus tôt. Sans entrave, je pus me laisser bercer par sa chaleur et ses mots réconfortants.

- Je me sens nulle de pleurer comme ça.

- Ce n'est rien, c'est le contrecoup du choc. C'est bien même. Comment tu te sens ?

- Mieux depuis que tu es là. C'était dur de se réveiller et de ne voir aucune tête connue.

Je vis la culpabilité dans ses yeux. Il baissa la tête comme s'il s'en voulait. Je lui pris le menton et plongeai mon regard dans le sien.

- Je ne t'en veux pas John, je sais que tu as passé beaucoup de temps à mon chevet. Je t'ai entendu, je t'ai vu aussi cette nuit lorsque tu dormais sur le fauteuil à côté. Je voulais juste te faire part de mes sentiments, en aucun cas ce n'est un reproche.

Il me fit un sourire contrit.

- Tu ne pourras pas m'enlever le sentiment de culpabilité qui me broie le cœur ma Bella. Tu n'aurais jamais dû conduire sous cette pluie. C'est de ma faute, j'étais parti, j'avais laissé mon téléphone et tu me cherchais...

- Chhhhut John, ce n'est pas grave. C'est fait on ne peut rien changer.

- Oui mais si...

- Avec des Si on peut mettre Paris en bouteille chéri.

- J'ai cru que j'allais te perdre, j'étais fou quand ton amie Julia m'a appelé pour me prévenir que tu étais à l'hôpital.

- Julia ? Tu la connais ?

Avant qu'il ne réponde, une tornade entra.

- Bella ! Enfin tu es réveillée !! Comment vas-tu ?

- Diego ?

- Johanson que faites-vous là ? Je n'ai pas été assez clair ?

- Une minute Diego ! Qu'est-ce que tu racontes ?

- Commence par descendre de ses genoux, je te garantis que dans quelques minutes tu ne voudras plus jamais le voir !

- Bon sang Diego ! On se croirait dans une tele novela, c'est quoi ton problème ?

Voyant mon frère aussi nerveux, je lui obéis en quittant à regret les bras de John. Je captai dans ses yeux du regret, de la nervosité et de la douleur.

- Mon problème, c'est que John te manipule depuis le début !

S'en suivit une longue explication. Celle que j'attendais depuis que j'avais surpris mon frère arriver chez John. Ils se connaissaient. Diego avait rencontré sa femme au club de John. Il savait donc très bien ce qu'il s'y passait. Ils avaient quelques fois échangé sur moi et de fil en aiguille, John s'était intéressé à moi. Il m'avait fait suivre, avait sympathisé avec mes amies. Il avait même pris la direction de l'entreprise où je travaillais pour se rapprocher de moi. Candy était une de ses employées et membre du club aussi. C'était "prévu" qu'elle couche avec moi. Et toutes les mises en scènes, les rencontres pas si fortuites. Au fil de la discussion, je compris que l'histoire d'amour que je pensais vivre n'était qu'un scénario érotique monté de toutes pièces par l'homme dont j'étais finalement tombée amoureuse. Mon sang se glaça.

- Sortez !

- Bella, regarde-moi ! Bella !

John tentait d'attirer mon attention, mais à ce moment-là c'était trop, trop pour moi. J'avais besoin de me retrouver seule, de faire le point loin de ces hommes qui pensaient pouvoir régenter ma vie.

- J'ai dit : dehors ! Tous les deux !

Mon frère sortit en premier, un peu piteux. John sur le pas de la porte essaya encore de me parler, mais je mis les mains sur mes oreilles pour ne pas entendre de nouveaux mensonges sortir de cette bouche que j'avais tant aimé embrasser.

Quand la porte se referma, que le silence se fit, je me mis à pleurer. Finalement il me restait des larmes. Ce fut sans bruit cette fois. Je pleurais la confiance en moi que ces deux hommes venaient de me retirer alors qu'ils m'avaient donné l'illusion d'en avoir. Je revoyais tout ce qui m'étais arrivé ces dernières semaines, sous un jour nouveau. Plus douloureux, plus blessant. Je finis par me rendormir, d'un sommeil lourd et pâteux. Je m'en extirpai difficilement sur le matin. Le médecin m'informait que je pourrais sortir dans l'après-midi mais que je devais revenir dans deux semaines pour un scanner de contrôle. Je trouvai une petite valise avec mes affaires. Sans attendre, je me vêtis et pris un taxi pour rentrer. Je ne répondis à aucun message téléphonique, ni aux mails. Je n'avais plus de portable, il n'aurait pas supporté le choc de l'accident. C'était très bien. Je réservais rapidement un billet pour l'autre bout du pays. J'avais besoin de mettre de la distance entre eux et moi. Je fis rapidement une valise et montai le taxi que j'avais réservé :

- A l'aéroport, s'il vous plait !

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