Chapitre 28
J'avais suffisamment attendu. Son frère m'avait mis la pression pour que j'attende au moins la naissance de sa nièce pour la retrouver et la ramener. Nous avions sacrément merdé tous les deux. Comme moi, il voulait la protéger et s'assurer qu'elle soit heureuse. Mais, je l'avais compris plus tard, nous ne pouvions pas prendre les décisions à sa place. J'avais bien vu à l'hôpital comment, au fur et à mesure du discours de Diego, elle s'était refermée sur elle-même perdant la belle assurance qu'elle avait gagnée au fil des semaines que nous avions passées ensemble. J'avais mis quelques jours pour la retrouver. Elle n'avait pas cherché à disparaître, juste mettre de la distance entre nous. J'avais passé la journée à l'observer faire des bouquets, rire avec sa patronne et aussi sa surprise lorsqu'elle avait reçu le télégramme. Elle était toujours aussi belle. Elle avait perdu un peu de poids et ses yeux cernés me laissaient imaginer que cela n'avait pas été simple pour elle. Cela renforça encore le sentiment de culpabilité qui me nouait les entrailles depuis le jour où son frère lui avait tout dit. Enfin, pas tout. Ce qu'il ne savait pas c'était les sentiments que j'avais pour la jeune femme. Ce qu'elle avait fait pour moi alors que j'allais mal, rien n'était calculé. On ne peut inventer l'alchimie entre nous. J'ai été maladroit, je ne lui ai pas fait confiance, elle serait peut-être quand même venue à moi sans tous ses stratagèmes. Je ne peux pas la laisser, j'ai besoin d'elle, c'est viscéral.
J'avais saisi ma chance quand elle était entrée dans le restaurant. J'avais prévu d'attendre, mais la lettre était prête. Je pus admirer ses courbes que j'aimais tant caresser, elle était superbe et mes reins s'enflammèrent à la vue de ma déesse. Ses yeux brillants d'admiration pour la décoration du lieu, ses lèvres légèrement ouvertes : cette vision m'en rappela d'autres où c'était moi qui lui faisait cet effet. Elle était placée de dos, c'était mieux ainsi, je ne voulais pas l'effrayer ni aller trop vite. Bien que je sois en manque de son corps plein de sensualité, c'est son cœur que je veux reconquérir. J'appelai la serveuse et lui demandai d'apporter cette enveloppe ainsi que deux coupes de champagne à ma belle et son amie. Je réglai ma note et celle de Bella avant de sortir. Il n'était pas encore temps que l'on se revoit. Je ne pouvais pas m'imposer. Mon assistante poussa mon fauteuil et me guida jusqu'à l'hôtel.
Le lendemain, je n'avais qu'une idée en tête, aller la retrouver. Je ne pouvais pas lui faire livrer des fleurs, cela aurait été malvenu chez une fleuriste. J'avais repéré quelques endroits sympas pas très loin du centre de ce village. Je fis donc préparer un pique-nique. J'espérais qu'elle accepterait de m'accompagner. C'était un sacré pari, mais le coté informel et simple du pique-nique plairait certainement à ma Bella. Vers onze heure trente, j'entrai dans sa boutique. Ce fut son amie et patronne qui m'accueillit.
- Bonjour monsieur ! Que puis-je ... Oh ! C'est vous !
Bella avait dû lui parler de moi. Elle parut surprise mais se reprit très vite. Elle prit le temps de me regarder, jaugeant mon allure et ma physionomie. J'avais l'impression de passer sous un scanner. Satisfaite, un petit sourire sur le côté, elle reprit :
- Bella n'est pas là, elle est allée faire une livraison, elle en a pour trente minutes encore.
J'hochais la tête lui signifiant que j'avais compris. Alors que j'allais repartir, elle m'arrêta :
- Attendez monsieur ! J'aurais aimé parler un peu avec vous.
Je me replaçai devant elle et l'invitai à poursuivre.
- Appelez-moi John. J'ai espoir de pouvoir vous côtoyer.
- Je ne vous connais pas mais j'ai vu les effets des révélations de son frère. Elle a mis du temps avant de se remettre à sourire. Comprenez que je sois méfiante.
- Je comprends et je respecte cela. Merci d'être présente pour elle. Je n'imagine pas comment elle a dû se sentir seule et perdue. Je m'en veux terriblement.
- C'est déjà ça, vous reconnaissez vos torts. Qu'avez-vous prévu ?
- Je pensais voir au jour le jour. Il fait beau je me suis dit qu'un pique-nique près du lac à la sortie du bourg serait une bonne idée.
La fleuriste réfléchit et finit par admettre que c'était un premier contact intéressant. Mais il fallait que je m'attende à ce qu'elle refuse. Bien sûr que je m'étais fait à cette hypothèse, mais j'espérais que mes arguments la convainquent. Nous changeâmes de sujet. Je me présentais vraiment et appris ainsi le prénom de la patronne. Alors que j'apprenais à la connaître, Bella passa le pas de la porte.
- Bonjour bellissima Bella.
Elle se figea quand elle me vit puis poursuivit son chemin en me dépassant pour aller à l'arrière de la boutique sans me répondre. Judith haussa les épaules et alla voir la jeune femme. Je n'entendis pas ce qu'elles dirent mais l'échange semblait animé. Enfin ma déesse reparut.
- Bonjour John.
Elle ne posa pas son regard sur moi, tantôt sur ses doigts qu'elle entortillait ou bien encore sur ses pieds. J'aurais aimé m'avancer et lui relever le menton, mais mon fauteuil instaurait malgré moi une distance.
- Comment vas-tu Bella ?
- Plutôt bien. Je suis surprise de te voir.
- J'ai patienté autant que j'ai pu. Tu es déçue ?
- Quoi ?
Elle releva vivement la tête et enfin je pus plonger dans ses si beaux yeux. Pouvoir m'y perdre de nouveau me fit frissonner de plaisir.
- Es-tu déçue que je sois venu ?
- Non.... euh je ... je me suis mal exprimée. Je suis seulement surprise car je ne m'y attendais pas. Mais je suis contente de te voir. Cela faisait longtemps.
Mes épaules se détendirent et un sourire fleurit sur mon visage. J'étais rassuré, elle ne me rejetait pas. Je poursuivis sur ma lancée :
- Je voulais te proposer un pique-nique pour discuter tranquillement. Serais-tu d'accord ?
- Je ne peux pas enfin je veux dire il y a Judith...
- Ce n'est pas un problème elle peut nous accompagner si cela te rassure. J'ai prévu ce qu'il fallait pour trois personnes.
Judith parut à cet instant des fleurs à la main :
- Cela aurait été avec plaisir que je vous aurais accompagnés, mais je ne peux quitter la boutique j'ai une commande qui est arrivée tout à l'heure et je dois donc travailler ce midi pour l'honorer.
- Je vais rester pour t'aider... s'empressa de dire Bella.
- Non ce n'est pas la peine je vais y arriver. Va, profite de ton ami.
Ne pouvant se défausser, Bella me suivit. Je pris sur les genoux le panier que j'avais laissé à la réception de l'hôtel et invita Bella à me suivre. Le début du trajet se fit en silence. J'entendais presque les rouages de son cerveau. Afin qu'elle ne cogite pas trop, je pris alors la parole :
- Judith est vraiment une femme charmante.
- Hum oui, elle est super. Elle m'apporte beaucoup.
- Tu as l'air de te plaire dans sa boutique.
Elle tourna la tête et je vis alors son regard s'éclairer.
- Oui je n'aurais jamais cru prendre autant de plaisir à faire des bouquets et des compositions florales. C'est assez technique en fait.
Nous nous installâmes légèrement à l'ombre sur une table de pique-nique. Cela n'était pas aussi romantique que sur une couverture, mais mon handicap rendait la chose plus difficile. Bella n'en fit pas de cas et se plaça près de moi. Je me rendais compte que je ne pouvais pas la séduire comme je le voulais, que je devais m'adapter et tout réapprendre. Rien n'était prévu et anticiper. Je devais faire avec. Elle dut voir que je me renfrognais car elle intervint aussitôt :
- Nous sommes bien là, non ? Alors montre-moi ce que tu as préparé pour déjeuner, j'ai une faim de loup.
Je lui pris la main et les yeux plongés dans les siens je déclarais :
- Tu as raison on est bien ici. J'ai la chose la plus important près de moi.
Je déposais un baiser sur le dos de sa main. Elle me sourit avec tendresse. Mon cœur s'emballa. Elle rompit l'instant en s'emparant du panier et nous mangeâmes de bon appétit. Je la fis parler des fleurs et des bouquets. Ce fut un bon moment qui prit fin lorsqu'elle avisa l'heure sur sa montre et se rendit compte qu'elle était en retard d'une demi-heure déjà. Nous n'avions pas vu le temps passer. Nous reprîmes le chemin du retour. Alors que j'allais la laisser devant la boutique, j'attrapais sa main et lui demanda :
- Acceptes-tu de déjeuner demain midi avec moi ?
Elle fit mine de réfléchir et secoua la tête.
- Il y a une sépulture demain, ce sera trop compliqué.
- Demain soir alors ?
- Oui entendu, viens me chercher ici à dix-neuf heures trente.
J'embrassais sa main délicatement. Elle me caressa la joue avant de se détourner et de me laisser seul sur la place, le panier sur les genoux. Le cœur plus léger et rempli d'espoir je retournais à l'hôtel. J'avais du travail qui m'attendait.
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