Chapitre 1

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C’est un matin comme les autres. John verse son café dans sa tasse. La lumière de la cuisine est tamisée, la radio émet un léger bruit de fond. La porte est fermé mais dans la maison tout le monde dors. Sauf John. Une longue journée de travail l’attend et s’il ne veut pas en perdre une grosse partie dans les bouchons, il lui faut partir de bonne heure. Karine, son épouse depuis bientôt neuf ans, dort encore. Il la réveillera juste avant de partir. Les enfants profiteront de trente minutes supplémentaires de sommeil avant de se préparer pour l’école. En attendant il profite de cet instant de solitude et de tranquillité en se réveillant doucement. Une fois sa tartine de confiture terminée, il se lève, passe un coup d’éponge rapide sur la table puis se dirige dans la salle de bain.

La lumière du jour transperce les rideaux, le printemps est déjà bien avancé. Les carreaux bleus assombrissent l’ensemble. Ils s’étaient promis de refaire cette salle de bain, les travaux ont pris du retard, et les années passant, les priorités ont changé, les enfants sont arrivés et le temps a manqué. Après une toilette rapide, John coupe les poils qui ont poussé durant la nuit avec son rasoir manuel. Il a dû renoncer à la version électrique, bien trop bruyante pour cette petite maison mal isolée. Tant pis pour les rougeurs sur sa peau trop sensible.

Le temps d’enfiler son costume marron et d’ajuster une cravate bariolée rouge et orange, il rentre dans la chambre pour embrasser sa femme sur la joue.

« Ne te rendors pas. Je te dis à ce soir. susurre John à son oreille.

— … Mmh… lui répond Karine dans son demi-sommeil.

— Je t’aime. »

John se rend ensuite au garage. Une fois installé, le moteur démarré, la climatisation allumée, il prend une manette dans le vide poche et presse un bouton pour ouvrir la porte automatique. Doucement il s’engage dans l’allée déserte à cette heure-ci. De jeunes palmiers et dattiers remplacent progressivement les platanes et tilleuls morts les années précédentes.

Une fois arrivé sur le périphérique, les premiers ralentissements se font sentir. Il n’est pas seul à être matinal. John démarre la radio afin d’écouter les dernières informations. Des guerres, des sècheresses, rien de nouveau… Au moins la météo prévoit un beau temps aujourd’hui et ce week-end. Ils pourront se promener le matin dans le parc derrière la maison, ou partir au lac dans l’après-midi. Il fait déjà 28°C, et les températures devraient atteindre 38°C cet après-midi. L’achat dans la climatisation à la maison a été un bon investissement, même s’il a fallu renoncer à refaire la salle de bain pour cela.

Enfin la sortie 9. John quitte un périphérique de plus en plus encombré, et se dirige vers le quartier d’affaires dans lequel il travaille depuis trois ans. Ce lieu dédié à l’entreprenariat et à la performance a commencé à grandir il y a cinq ans. Aujourd’hui encore les immeubles poussent comme des champignons. Modernes, ces géants de verre surplombent des parcs d’herbe synthétique.

John passe son badge, puis emprunte l’ascenseur pour rejoindre le 18ème étage où se trouve son bureau. Le plateau est encore calme. Trois collègues sont derrière leur ordinateur. John pose sa veste sur son siège, avant de se raviser et de la remettre. La climatisation est réglée à 22°C, bien trop frais comparé à la température extérieure. Le temps que son ordinateur démarre, il va se servir un café, échange quelques mots avec Patrick de la comptabilité et salue les personnes qui commencent à arriver en ce dernier jour de la semaine.

Le café fumant posé devant sa souris, il relie son PowerPoint qui sera présenté à la réunion censée démarrer dans une heure. Quelques fautes à corriger, des chiffres à mettre à jour, vérifier que les animations s’enchainent correctement.

Il est déjà tard lorsque John pousse la porte de sa maison. Les enfants sont en pyjama. Bien que fatigué, et affamé par cette journée de travail, il prend le temps de raconter une courte histoire.

— C’est quoi la neize ? demande Axel.

— Neige ! Je vous ai déjà montré des photos. C’est de l’eau qui est devenue blanche à cause du froid. répond John.

— Et pourquoi on voit pas de la neige ici ? demande Léa.

— Parce-qu’on n’en trouve que dans les montagnes de certains pays, près du pôle nord.

Maman s’occupe de les border. John pendant ce temps retourne à la cuisine pour faire réchauffer les plats et mettre le couvert pour deux.

« Tu ne vas pas tenir à ce rythme. Et puis les enfants ne te voient presque pas. Lance Karine en entrant dans la cuisine à son tour.

— C’est provisoire. Tu sais bien que l’on est sur un gros projet en ce moment. répond John.

— Cela fait 6 mois que tu me dis ça. Et j’ai l’impression que c’est de pire en pire.

— Écoute, je sais que c’est compliqué pour toi, pour les enfants…

— Tu sais moi, peu importe. Mais pour les enfants, ils ont besoin de leur père. Et à ce rythme, dans dix ans je suis veuve.

— N’exagère pas non plus. On en a pour trois mois max et après je pourrai relâcher la pression.

— J’ai comme un doute. Et du coup pour les vacances cet été, on fait comment ? questionne Karine.

— Justement, ce n’est pas encore certain, mais on devrait tous être en télétravail cet été. Apparemment le bâtiment n’est pas adapté aux températures prévues.

— Sérieux ? Mais il est tout neuf !

— Bah, les architectes, tu sais… ironise John. Il faut que cela soit beau et moderne. Pour le côté pratique, ce n’est pas eux qui vivent à l’intérieur. Du coup, je pensais que nous pourrions aller dans la maison de tes parents en Bretagne. Toi tu peux travailler de n’importe où ?

— Moi j’ai des vacances. Ça fait trois ans qu’on n’y est pas allé. Je te dis pas le ménage à faire. Mais oui, cela me ferait plaisir d’y retourner un peu et de profiter d’un temps plus clément. »

Le reste de la soirée se déroule dans le calme, une salade de carottes, des pâtes et quelques restes de midi. La télévision comme distraction permet d’éviter les discussions qui pourraient dégénérer. John en profite pour se plonger dans ses pensées. Il est vrai que son travail prend trop d’espace. Il aimerait avoir le temps pour faire plus de choses : passer du temps avec ses enfants certes, mais aussi trouver du temps pour lui, courir dans le parc tous les matins, lire, un peu, avancer dans les travaux… Finalement, ces mois d’été tant redoutés, pourraient lui permettre de trouver un peu de temps. Déjà, il économisera le trajet en voiture aller et retour, temps qu’il pourra utiliser plus efficacement. Ces températures qui rendent certaines régions inhabitables et les chasse de leur maison et de leurs bureaux pourraient s’avérer une chance, occasionnellement, si on sait regarder le verre au dixième plein.

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