Chapitre 3 :

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« Tu sais où sont rangés les draps ? Demande John.

— Dans la commode, deuxième tiroir. Répond agacée Karine. Non, l’autre deuxième, en partant du bas. On voit que tu fais souvent le lit toi.

— Maman, je ne trouve pas ma console de jeu ! S’exclame Léa.

— Cherche mieux, ou encore mieux range ta chambre.

— Tu as vraiment besoin de ta console ? Interroge John. On va au bord de la mer, vous pourrez sortir. Prends des livres !

— Et c’est toi qui va les lire gros malin ? Le tacle Karine. Elle n’a que 6 ans, il n’y a pas de télé, et toi tu vas travailler. Il est hors de question que je fasse la garderie toute la journée. »

Un mois s’est écoulé depuis la visite au parc et la famille prépare ses bagages pour leur excursion en Bretagne. Le départ est prévu jeudi, dans quatre jours, mais ils profitent de ce dimanche de repos pour tout préparer. À l’extérieur les températures sont devenues invivables avec un 48°C atteint la veille. Des journées à 55°C sont prévues dès la semaine prochaine et peu à peu la ville se vide. Les voisins, un charmant couple de retraité est parti deux semaines auparavant dans leur maison secondaire des alpes. Depuis trois jours, un panneau « à vendre » s’affiche sur leur portillon. Dommage, ils étaient très gentils. Ils avaient même gardé les enfants à plusieurs reprises.

La boite de John a mis la totalité de ses employés en télétravail avec 15 jours d’avance ; ne pouvant pas leur offrir le confort nécessaire. Karine, quant à elle, son travail d’architecte lui permet d’effectuer une grosse partie de ses tâches n’importe où. Et de toute manière les travaux sont totalement à l’arrêt par ces températures.

« Ça y est, tout est prêt. Déclare fièrement John. Il ne reste plus qu’à charger la voiture.

— Enfin on ne part que jeudi ! Répond Karine. Et puis il faut ajouter les trousses de toilette.

— Oups.

— Ne me dis pas que tu les as rangées ?

— Mais non t’inquiète…

— …

— Je les ressors tout de suite. »

Il est quatre heures du matin quand Karine entend le téléphone sonner. Le temps de se lever la sonnerie cesse. Celui de John, sur vibreur, chute de la commode peu de temps après. Endormie, elle parvient à saisir son portable du bout du bras. Elle jette un regard… 12 appels en absences, 28 SMS, et beaucoup trop de notifications pour être comptabilisées.

« John !

— Mmm…

— JOHN !

— Mmmmmm… Quoi ?…

— Réveille-toi, je crois qu’il se passe quelque chose… Ça a l’air grave. »

John finit de se réveiller dans un long bâillement. Il s’assoit sur le lit et regarde sa femme. Elle est paniquée.

« Il se passe quoi ? Demande John, pas totalement réveillé.

— Je ne sais pas. Répond-elle. J’ai plein de messages qui demandent si l’on va bien, où l’on est. »

John ramasse son téléphone sur la moquette. Il ne peut que constater que lui aussi a été inondé d’appels et de messages. Il savait qu’il avait le sommeil lourd, mais à ce point ?

Plutôt que de se plonger dans ses messages il décide de consulter les informations en ligne.

« Chérie ?

— Oui ?

— Je… Il s’est passé… »

John ne peut terminer sa phrase, il est pris de sanglots, se met à hoqueter…

« JOHN ! DIS-MOI CE QU’IL SE PASSE ! »

Cinq minutes plus tard ils sont installés sur leur canapé, en pyjamas, l’un contre l’autre. La télévision tourne en boucle sur les mêmes images. Une vague géante, un tsunami, filmé par des caméras de surveillance et quelques téléphones portables, submerge tout avant que l’image ne se coupe, irrémédiablement. La même scène, qui se répète encore et encore, avec toujours la même fatalité. Les personnes qui filment, qui hurlent, avant que tout ne disparaisse.

Les commentateurs racontent, des images venues des différentes côtes françaises, de Biarritz à Brest, de Calais à Marseille...

Karine et John restent ainsi, lovés ensemble, à regarder ses images traumatisantes. Il faudra attendre deux heures supplémentaires pour que les premières images satellites arrivent. Le choc ! La Bretagne a disparue. Là où elle devrait se trouver, juste une vaste étendue d’eau. Et petit à petit, l’ampleur des dégâts se révèle. L’océan, la mer, ont repris de nombreuses portions de terre. Le phénomène semble mondial, les causes ne sont pas encore connues. Le gouvernement est enfermé dans un bunker avec les principaux chefs militaires. Peu d’informations circulent, tout s’est passé de nuit et le jour se lève à peine.

De premières images d’habitants les pieds dans l’eau commencent à parvenir aux chaines d’informations en continue. Et pourtant ces personnes étaient loin dans les terres. Et pourtant il n’a pas plus cette nuit, ni les jours précédents.

La porte de la chambre d’Axel grince, Karine éteint immédiatement la télévision.

Pendant que Karine tente de donner le change à ses enfants pendant le petit-déjeuner, John passe des appels à l’extérieur de la maison.

« Qu’est-ce qu’il a papa ? Demande Léa.

— Il appelle son boulot. Il va rester ici aujourd’hui.

— Et pourquoi t’es triste ? Vous êtes fâchés ?

— Mais non ma chérie. Ne t’inquiète pas. Il n’y a rien de grave. »

John rentre en claquant la porte, toujours au téléphone.

« MAIS ON FAIT QUOI ALORS ? Hurle John dans le combiné. Oui, c’est ça… Rappelez quand vous en saurez plus ! »

Le téléphone fait un vol plané vers le canapé qui heureusement amortit le choc. John s’affale sur une chaise devant le regard médusé de ses deux enfants.

« Papa, pourquoi que t’es en colère ? Demande Axel. »

John regarde Karine qui lui adresse un léger hochement de la tête.

« Écoutez les enfants. Léa, Axel, il s’est passé quelque chose de grave cette nuit. Vous ne pourrez pas aller à l’école aujourd’hui ?

— Oh non ! S’exclame Axel.

— Ouais ! Répond Léa.

— STOP ! ÉCOUTEZ VOTRE PÈRE ! S’énerve Karine.

— C’est important. Vous êtes encore un peu petit mais vous l’apprendrez de toute manière. Il y a eu une catastrophe, et plein de choses ont été détruites. Des gens sont morts, beaucoup de gens. C’est pourquoi on est très très tristes.

— Mon école est cassée ? Demande Axel.

— Non ton école n’a rien. Tes copains vont bien, il ne leur est rien arrivé.

— C’est des gens qu’on connait ? Demande Léa.

— Normalement non. Mais j’essaie d’appeler les gens pour savoir. Je n’ai pas encore réussi à avoir tout le monde.

— Les enfants, on n’en sait pas plus pour l’instant, mais on va être pas mal occupés aujourd’hui. Il faudra être très sages. Coupe Karine. »

Pendant deux heures Karine et John passe leur temps sur leurs téléphones portables à consulter les informations, à appeler leurs connaissances. Pendant ce temps, Léa et Axel jouent sagement dans leur chambre. Deux heures, c’est long pour des enfants. N’y tenant plus, ils finissent pas débarquer dans la cuisine en criant pour Axel, en pleurant pour Léa.

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