Chapitre 4 :
Tourner en boucle ne sert à rien. Il est décidé de sortir et prendre l’air. Après tout, personne ne va travailler aujourd’hui. John a appris ce matin par téléphone que tous les projets étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre, avant de balancer son téléphone à travers la pièce. Karine a mis le sien sur silencieux après un troisième appel d’un client inquiet pour sa maison secondaire.
Dans les rues les commerces sont fermés, mais un lundi c’est peut-être normal. En tous les cas, les gens ne semblent pas être allés au travail aujourd’hui. La rue s’est transformée en gigantesque agora. Tout en marchant, quelques bribes de conversations, un seul et même sujet.
« Mon cousin était à Sète, je ne parviens pas... »
On passe devant une église, sur la place, un attroupement.
« À tous les coups c’est les USA avec leur projet H.A.R.P., ils ont tout détraqué.
— Et pourquoi pas les E.T. aussi.
— Ben t’en sais rien. »
Vraisemblablement, certains ont eu besoin de se réfugier dans l’alcool pour supporter la nouvelle. Karine pousse ces enfants pour qu’ils accélèrent. Ici une femme en larmes au téléphone, là un jeune homme désœuvré assis par terre regarde son téléphone.
« Il parait que le président s’est barré et … »
Si l’objectif était de se changer les idées, c’est totalement raté. Chacun y va de son commentaire, de sa théorie, mais la réalité est que personne ne sait rien et qu’il faut se résoudre, à l’heure de l’information continue, à attendre patiemment que des personnes compétentes s’expriment. Leurs pas les amènent le long du parc. Des personnes jouent au foot. Tous les quatre, Karine, John, Axel et Léa, décident de rejoindre les joueurs. Quelques passent et buts plus tard, ils décident de rentrer chez eux. Les températures grimpent, rendant le sport épuisant voire dangereux.
John et Karine consacrent le reste de la journée à leur ordinateur portable respectif. Les enfants ont exceptionnellement le droit de passer la journée devant les dessins animés. Tant pis pour la limitation du temps devant un écran. À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Les deux parents passent leur temps sur les sites d’information, frénétiquement, à la recherche des moindres informations. Chose étrange, les sites américains sont inaccessibles. Mais apparemment, avec la catastrophe, beaucoup de services sont perturbés. John consulte également ses e-mails professionnels pour traiter d’éventuelles urgences. Mais surtout, Karine et John passent leur temps sur les messageries privées, à discuter avec les proches, s’assurer que tout le monde va bien. C’est avec soulagement qu’ils apprennent qu’Isabelle et Tristan vont bien. Ils étaient en randonnée dans le Jura, coupés du monde. Par contre, toujours aucune nouvelle de Julien et ses deux enfants. Généralement il reste toujours joignable, mais on peut penser qu’en ce moment c’est plus compliqué que d’habitude. Rien ne sert d’imaginer le pire de toute manière.
Les informations, si l’on peut appeler cela de l’information, sont toujours plus déprimantes. Les noms de villes et de villages qui ont totalement disparu s’égrainent sans fin. On évoque désormais une montée des eaux soudaine, les cartes satellites montrent que l’eau a continué à monter, plus lentement, depuis ce matin. Les images venues du monde montrent que des pays complets ont disparu. Les iles passées ne sont plus, l’Amérique du sud et du nord semblent avoir définitivement rompu, le canal de Suez est aussi large que la manche, dans son ancienne version. Les solides barrages néerlandais ont finalement cédés face à la déferlante, les terres se remplissent rapidement et les images de foules tentant de migrer vers le sud hantent les pensées de Karine.
Ce n’est que dans la soirée que le président en personne finit par apparaitre. Il a les traits tirés, l’air grave. Derrière lui une image de son bureau à l’Élysée. Probablement un fond vert avec une image ajoutée. S’il est encore en France, il est probablement dans un abri à toute épreuve des évènements extérieur.
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