Chapitre 8 :

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Trois jours se sont écoulés et toujours aucun changement. Les matinées à sortir chercher de la nourriture, tenter d’obtenir des informations. Les après-midi à rester dans les pièces les plus fraiches de la maison et prendre des douches froides pour supporter la chaleur de plus en plus étouffante. John a abandonné son livre au bout de quatre chapitres. Les théories du complot et méthodes survivalistes violentes ne l’intéressent pas.

Ces trois jours n’ont pas totalement été vains. En discutant avec les bonnes personnes, il a pu établir une carte des barrages. De plus la police est de plus en plus occupée avec les pilleurs et les manifestations qui débordent. C’est décidé, cette nuit il part !

Il est deux heures du matin lorsque John démarre sa voiture dans une rue déserte. Cela fait vraiment bizarre de traverser une ville sans aucun éclairage public. Seuls les phares de sa voiture et de quelques autres noctambules transpercent la nuit. John évite tous les grands axes et traverse des quartiers jamais fréquentés jusqu’à présent. Proche de la périphérie, il coupe ses phares et manque de se prendre un rond-point de face. Il remet les phares. Sa voiture est sa seule porte de sortie. La sortie de la ville est enfin en vue. Il sait qu’un barrage de police se trouve à 200 mètres environ. Ici pas le choix, il faut traverser en silence. Il coupe le moteur, descend du véhicule et tente de le pousser. La voiture refuse de bouger. Quelle bonne idée que d’avoir acheté une aussi grosse bagnole ! Il remonte à l’intérieur, démarre le moteur, coupe de nouveau les phares, et avance prudemment, toutes fenêtres ouvertes pour écouter le moindre bruit, la moindre agitation. Rien, le dernier obstacle est franchi, il peut remettre les lumières et accélérer. S’il avait su que c’était si simple, il s’y serait pris plus tôt.

John n’a pas fait 100 mètres que des phares apparaissent dans son dos. Un véhicule arrive à toute vitesse. C’était vraiment trop beau… John accélère, tente de semer le gêneur. Le compteur monte à 120 à l’heure sur cette petite route étroite. Mais peine perdue, John n’a pas les talents d’un pilote de course. Et alors qu’il s’apprête à se ranger gentiment sur le côté, la voiture le double à toute vitesse. Il a juste le temps de constater qu’il s’agit d’une Porsche noire, pas vraiment le genre de marque qui équipe la police française. John décide de s’arrêter, c’est désormais son rythme cardiaque qui est à 120.

Remis de ses émotions, il repart direction Bâle, là où est partie Karine. De là, il pourra passer en Allemagne ou en Suisse suivant le pays le plus ouvert. Une fois sa famille retrouvée, ils s’enfonceront plus dans le centre européen, protégé de la montée des eaux, puis ils remonteront dans les pays du nord, plus froids, si les conditions le permettent. Il a toujours rêvé d’aller au nord de la Scandinavie. Il pourrait montrer ce qu’est la neige à Léa et Axel, chausser des skis et voir s’il se souvient de ses cours, lorsqu’il était encore un petit garçon.

Alors que la fatigue le gagne, il se range sur le parking d’un petit village et s’endort rapidement, son duvet posé sur le volant, ses bras en guise de coussin. Quand il se réveille la matinée est déjà bien entamée. Il sort du véhicule pour se dégourdir les jambes et constate que le village est totalement désert. Aucun bruit humain ne trouble les oiseaux. Alors qu’il marche dans les rues étroites du village, un nuage de mouches attire son regard. Il s’approche jusqu’à ce qu’une odeur pestilentielle lui saisisse les narines. Au sol, un chien décédé depuis quelques jours. Inutile de s’attarder ici, tout le monde est parti depuis un moment.

Sur la première partie de son trajet, John évite les grandes villes, de peur de se retrouver bloqué comme chez lui. Puis la présence humaine lui manquant, il décide de passer par Dijon. Cela lui permettra d’avoir des informations plus à jour, et également de remplir sa réserve d’eau qui fond rapidement.

Au fil de son avancée le flux de voitures augmentent progressivement jusqu’à provoquer de nombreux ralentissements et bouchons. John s’en doutait et il prend son mal en patience. Lors d’un pique-nique improvisé sur un bas-côté de la route principale il discute avec des congénères humains. Deux jours qu’il n’avait adressé la parole à personne. Martine, Franck et Théo, leur fils, font le trajet depuis Valence, au sud. Les températures étaient devenues intenables et le Rhône, perturbé par la soudaine montée des eaux, a inondé une grande partie de la ville. Ils n’ont pas plus d’informations à partager, ils n’ont plus d’électricité depuis une semaine et Théo râle parce-que sa console portable est déchargée. Ils sont en famille, gardent le sourire et vivent ce voyage comme une aventure. En tout cas, les parents donnent le change devant leur jeune adolescent.

Si cette courte pause lui a permis de se changer les idées, l’inquiétude revient avec le premier barrage de gendarmerie. Deux heures pour avancer de deux kilomètres. Mais cette fois pas de klaxon. John regarde son téléphone portable toutes les cinq minutes, espérant une connexion au réseau toujours désespérément absent. Heureusement qu’il peut le recharger sur sa voiture. Arrivé à hauteur des gendarmes, ils contrôlent brièvement ses papiers et le laissent passer sans plus de questions. Échaudé par son expérience précédente, il passe sans se faire prier.

Quelques kilomètres plus loin, c’est le voyant orange de sa jauge d’essence qui rallume ses angoisses. À prendre les petits chemins, faire des détours, utiliser la climatisation, la radio et recharger son portable, forcément, au bout d’un moment cela se ressent sur la consommation. Des stations-services, il y en a, mais sans électricité, elles ne fonctionnent pas. Il s’arrête quand même à la station suivante, une petite station de village, qui en général a toujours quelqu’un pour faire tourner la boutique. Contrairement à celles de supermarchés où tout est désormais automatisé. Les grilles sont fermées, les machines éteintes. John tape à la porte, espérant un miracle. Rien. Il tend l’oreille à travers pour écouter s’il entend du bruit à l’intérieur. Toujours rien. Il se met à tambouriner à la porte. Rien de rien.

Comment faire ? Il n’a de toute manière pas assez de réserve pour aller jusqu’à la frontière. Ce village a également l’air déserté. Et si … ? John tourne pour s’éloigner de l’axe principal où il serait visible des nombreuses voitures qui passent. Dans une petite rue ombragée, il repère une vieille voiture. Il se gare à côté et sort son couteau. Il déplie la lame et après une dizaine de minutes d’effort il parvient à faire sauter le bouchon du pauvre véhicule qui n’avait rien demandé. Et maintenant, comment faire ? Il lui semble avoir lu récemment dans un livre qu’il fallait insérer un tuyau et aspirer à travers. Peut-être qu’il n’aurait pas dû abandonner la lecture si tôt. Un tuyau ? Où trouver cela ? Alors qu’il avance dans un village heureusement vidé de ses habitants, il repère un jardin. Il escalade le muret, déchire son pantalon et manque de se fouler une cheville. Tant pis pour le jean, il devrait d’ailleurs se mettre en bermuda pour économiser sur la climatisation. Dans le jardin, rien qui traine et une cabane à outil est verrouillée par un cadenas. Vu le temps passé pour ouvrir un bouchon d’essence, il se dit qu’il est inutile d’essayer de crocheter ce cadenas. C’est au troisième jardin visité qu’il repère un propriétaire est aussi consciencieux que John : les outils trainent au sol, la tondeuse n’a pas dû servir depuis plusieurs mois et coup de chance, un tuyau dans un état correct traine au sol. Après en avoir coupé un bout, il se dirige vers sa voiture.

Ce n’est qu’au bout de vingt minutes d’essais que John parvient à soutirer le précieux liquide noir. Non sans avoir aspiré une partie dans sa bouche. Alors qu’il se rince la bouche, dégouté, pendant que le liquide noir coule dans sa voiture, il s’inquiète. Super sans plomb ? Gazole ? John ne sait absolument pas différencier les deux à l’odeur, la vue, ou … Le gout. Quant à ses connaissances en mécaniques, elles sont plutôt limitées mais il sait que si ce n’est pas le bon carburant, il n’ira pas très loin. De toute manière il est trop tard. John va miser sur la chance, il en a bien besoin en ce moment et le sort ne peut pas continuer à s’acharner. C’est un bonbon à la menthe dans la bouche qu’il tourne la clé. Son réservoir est désormais rempli à moitié. Pas tout à fait ce qu’il espérait mais suffisant pour arriver à Bâle. Le moteur démarre, c’est déjà une première victoire. À voir s’il fera plus que quelques centaines de mètres.

En traversant le village dans l’autre sens, il croise une famille avec deux enfants à pied et une poussette contenant probablement le troisième de la fratrie. Ils se dirigent en direction de la voiture siphonnée. John culpabilise. Et si … ?

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