Chapitre 3.3

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 Je n'ai jamais su quoi dire après une première fois. Le fait est qu'un orgasme – s'il a lieu, ce qui n'est pas gagné – ça se savoure, autant dans sa montée que dans sa redescente. Mais, pour les rares fois où je me suis retrouvée dans le lit d'un homme, j'ai toujours eu l'impression qu'ils attendaient de moi quelque chose, un commentaire sur la prestation, une note sur dix, un truc comme ça. Il faut réfléchir assez vite pour savoir quoi dire qui ne soit ni trop exubérant, ni trop décevant, dans un laps de temps correct pour ne pas laisser imaginer qu'on n'a rien à dire, le tout en essayant de retrouver un rythme respiratoire adéquat. Alors qu'en vérité, je n'ai rien envie d'autre que fermer les yeux très fort et laisser mon corps fourmiller encore de cet état unique et extatique, dans un silence absolu, seulement rompu par nos souffles saccadés de cet effort que l'on s'est donné l'un pour l'autre.

 Je m'extirpe de ma torpeur et évalue l'homme. Je suis à califourchon sur lui, mes mains encore résolument accrochées à ses épaules. Lui, ferme les yeux – au moins, il n'a pas l'air de m'interroger en recherche d'une quelconque annotation sur nos ébats – la tête basculée en arrière contre le rebord du canapé, les mains posées sur mes hanches. Je me recule un peu. J'ai une vue plongeante sur son corps, son torse qui se lève et s'abaisse sur un rythme soutenu.

  • Tu me mates, là, non ?
  • Oui.
  • Profiteuse..., me dit-il en souriant, les yeux toujours mi-clos.
  • Assurément. C'est précisément pour cela que je suis venue ce week-end : profiter.
  • J'espère que tu es satisfaite de ce dont tu as pu profiter jusqu'à présent.
  • C'est au-delà de mes espérances.

 Il consent à me regarder en haussant un sourcil, puis me demande, amusé :

  • À ce point ?
  • J'ai bon ?
  • Comment ça ?
  • Les hommes aiment qu'on les flatte après l'amour. J'essaie de trouver un truc bien à dire.

 Il me fixe, interloqué, puis plisse les yeux.

  • Je préfère le silence plutôt qu'une phrase artificielle préparée à l'avance.

 Il se remue et m'oblige à me poser à ses côtés. Oh oh... C'était peut-être un poil trop tôt pour remettre les pieds dans le sarcasme ? S'il y a bien un moment où je n'ai absolument pas envie de le vexer, c'est cet instant précis. Je le regarde se débarrasser du préservatif, puis rassembler ses vêtements en silence. Merde, qu'est-ce que t'as foutu, Alix ?

  • Oscar, attends, tu... ça va ?
  • Oui.
  • Oscar, c'était super, vraiment, d'accord ?
  • (il me dévisage) Mais enfin, pourquoi tu tiens à faire ce genre de commentaire ?
  • Je ne voudrais pas te vexer.
  • Me... vexer ? Y-a-t-il matière à être vexé dans ce qu'on vient de faire ?
  • Non, justement, non ! Je dirais que s'il fallait... euh, mettre une note...
  • Quoi ?! Tu ne vas pas faire ça, dis ?

 Il semble horrifié. Il a raison, pourquoi je fais ça ? Pourquoi je fais exactement ce que je trouve stupide et dont je n'ai pas envie ? Je ne sais définitivement pas quoi dire après une première fois. Et je crois que j'ai gâché ma meilleure occasion de me taire. Vraiment, je devrais apprendre à la fermer !

  • Euh, Alix... S'il y a un problème, on peut en parler, mais vraiment, je préfère éviter qu'on « note » ce qu'on vient de faire... C'est très très bizarre...
  • Bien sûr, tu as raison... Oh ! Je suis désolée, Oscar ! Je voulais juste te rassurer sur le fait que j'ai vraiment trouvé ça bien.
  • Ah... C'est peut-être idiot, mais je ne me posais pas vraiment la question, en fait...
  • Ah bon ?
  • À vrai dire, je crois que la totalité du voisinage n'a aucun doute sur le fait que tu aies pris ton pied !

 Il désigne la baie vitrée restée grande ouverte. Arf !

  • Oh, oups... Eh, dis, ça va les chevilles ?
  • (il hausse un sourcil) Tu vas essayer de prétendre le contraire, maintenant ?
  • Non, mais... Hey, tu te prends pour qui ? Un Dieu du sexe, capable de faire monter au rideau n'importe quelle meuf en claquant des doigts ?

 Il secoue la tête en rigolant.

  • Mais je n'ai jamais prétendu ça !
  • Tu viens juste de dire que les voisins gnagnagna !
  • Oui. (debout, en sous-vêtement, il soupire et se penche vers moi pour placer son visage à hauteur du mien) Alix, écoute : j'ai dit qu'ils t'avaient entendue prendre ton pied. Ils m'ont sûrement entendu aussi. Parce que c'est ce qu'il s'est passé, non ? On a pris notre pied. L'un et l'autre. L'un avec l'autre. Et oui, je suis d'accord, c'était super. Je sais que je peux être hésitant parfois mais... Là pour le coup, je n'ai pas besoin d'être rassuré. Je me trompe ?
  • Non, non. Je t'ai déjà dit plusieurs fois que c'était bien.
  • Bien. Parfait. Alors, on peut dire qu'on est d'accord là-dessus, et qu'on n'a pas besoin de phrases étranges à ce propos, hein ? (il se redresse) Ah ! Et on recommence quand tu veux.

 Il m'adresse un sourire désarmant. Cette soudaine assurance lui confère une attractivité irrésistible. Alors qu'il s'apprête à enfiler son t-shirt, mon sang ne fait qu'un tour.

  • Maintenant.
  • Maintenant ?
  • Maintenant.
  • Va pour maintenant, alors.

_____

Note de l'autrice :

J'ai beaucoup de mal à façonner ce dialogue. Je sais ce que je veux : cette ambiance décallée entre un Oscar qui, pour une fois, s'est détendu et profite sans réfléchir, et à contrario une Alix qui s'embourbe dans des idées saugrenues. Mais je n'arrive pas à l'écrire correctement. Je suis toute ouïe sur vos remarques !

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