Chapitre 13.5

4 minutes de lecture

Dans la tête (et le portable) d'Oscar.


  « de : Luigi
message : Yo mec, tu vas bien ? Tu te remets de tes abus ? »

  « Oscar
Bof. Horrible. »

  « Luigi
Je comprends pas, t'avais à peine bu un verre que t'étais déjà bien allumé ! Tu tiens de moins en moins l'alcool ! »

  À peine un verre... plus celui d'Alix. Et le deuxième qu'elle n'a pas refusé, tant qu'à faire.

  « Oscar
J'étais fatigué. Tu pourrais me raconter la fin de soirée ? J'ai plus rien en tête, là. »

  « Luigi
Tu t'souviens vraiment vraiment pas, mec ? Et Alix, elle fait encore la gueule ? »

  « Oscar
Oui ! Et je ne sais pas pourquoi ! Raconte, putain ! » 

  « Luigi
Tu t'souviens qu'on jouait à faire des paris ? "Tu paries ou tu bois" ? »

  « Oscar
Oui, oui. Formidable ! T'as vraiment un don pour les idées connes, toi ! J'ai pas dû parier beaucoup, vu la gueule de bois de ce matin ! »

  « Luigi
T'as quand même relevé mon pari ! »

  « Oscar
Et c'était quoi, ton pari ? C'est à cause de lui qu'Alix fait la gueule ? Putain, qu'est-ce que j'ai fait ? »

  « Luigi
J'ai lancé "Tu demandes Alix en mariage ou tu bois" ! HA HA HA, tu l'attendais pas, celle-là ! »

 Quel putain d'abruti. Je ne vois pas laquelle des deux solutions Alix aurait pu préférer.

  « Oscar
Et j'ai fais quoi ? J'ai peur de la réponse... »

  « Luigi
Alix t'a supplié de ne faire ni l'un ni l'autre. Que vous alliez dire au revoir à tout le monde et rentrer, parce que t'avais beaucoup trop bu et qu'elle ne savait pas comment elle allait te faire monter les trois étages dans ton état. »

  « Oscar
Et j'ai dit au revoir, bien sûr ? »

  « Luigi
Crétin. Tu t'es mis à genou. »

 Crétin. Je suis brillant dans le minable sur ce coup.

  « Luigi
Ah, au cas où tu te poses la question, elle t'a répondu "t'es trop con, Oscar" et elle s'est barrée. C'est moi qui t'ai ramené. Allez t'inquiètes, j'suis sûr que tu sauras rattraper le coup ! »

 C'est ça, ouai.


 Je tripote mes mains, l'une dans l'autre, les yeux sur le sol. Mon coeur bat la chamade. J'ai la bouche sèche : est-ce le relicat de cette cuite terrible, ou est-ce ce que j'aimerais formuler qui me provoque cela ? J'inspire, et me lance :

  • Alix, je sais que je t'ai déçue hier. Je n'aurais jamais dû faire ça.
  • De quoi tu parles ? Je croyais que tu n'avais pas de souvenirs d'hier ?
  • J'en ai quelques-uns, et j'ai des rapporteurs pour m'aider à recoller les morceaux.
  • Ah.
  • Tu sais, c'était fait n'importe comment, mais ce n'était pas complètement n'importe quoi...
  • Qu'est-ce que tu insinues, au juste, par « pas n'importe quoi » ?

 Vas-y, Oscar. Il faut que tu lui dises, Oscar !

  • Je… (et merde !) ... On va à Covadonga, cette semaine ?
  • Pourquoi tu me parles de ça subitement ?
  • J'ai envie d'y retourner avec toi.

 Histoire que je te fasse une demande digne de ce nom, devant les lacs, et que, j'en porte l'espoir, tu me dises oui. Ah, faudrait peut-être aussi acheter une bague, d'ailleurs. On fait ça en général, je crois ? Hanlàlà, Oscar, tu patauges tellement, mon vieux !

  Elle soupire longuement.

  • Oscar, je vomis à n'importe quel moment de la journée et sans déclencheur apparent, j'ai mal partout, et je suis fatiguée... Je ne crois pas qu'une heure trente de voiture, des routes de montagne escarpées, et une randonnée soit le meilleur des programmes pour moi. Je suis désolée... Peut-être plus tard ? Ils disent que les vomissements passent après le premier trimestre...
  • Oui, bien sûr. Excuse-moi, j'ai pas réfléchi.

 Bah voilà. Une fois de plus, t'es nul Oscar. T'es nul, nul, nul, putain ! Elle me sourit tristement, et je ressens – enfin ! – le besoin presque vital de me reconnecter à elle. On verra tout ça plus tard, ce n'est pas l'urgence là ! J'ouvre mes bras et la laisse s'y blottir. Elle ne se fait pas prier – même, on dirait qu'elle n'attendait que ça. Depuis combien de temps en a-t-elle besoin, en réalité ? Depuis combien de temps me suis-je laissé aveuglé par ma petite personne, au point de l'oublier elle ? Je savoure son corps qui se moule au mien, sa chaleur qui irradie, ses cheveux fous contre ma joue. Enfin, pour la première fois depuis des semaines, je me sens bien.

  • Alix ?
  • Oui ?
  • Je t'aime.
  • Ah ! Ça faisait longtemps. Ça me manquait un peu. Beaucoup, en fait.

 Je la serre un peu plus. Je n'ai plus envie de la lâcher. On va le faire, hein ? On va le faire ensemble, et ça ne sera même pas une montagne. Juste une toute petite colline, trop facile à gravir.

  • … Et donc, ça sera un garçon ?
  • Oui.
  • Pourquoi tu dis ça ?
  • Je le sais, c'est tout. Il aura des cheveux bruns, et il fera du tennis avec toi. Avec une raquette rouge.
  • Ah. Eh bien... d'accord. … C'est marrant, ma première raquette était rouge.
  • Ah ! Tu vois. C'est un signe.

 Elle réussit deux exploits. Le premier, de me décrocher un sourire sincère. Le deuxième, de me projeter, pour la toute première fois, dans ce genre de futur. Il se pourrait même que je trouve cela, effectivement, amusant.



it is a long way from home
wind from the west
dances with a storm
i see cliffs and clouds
sun at the back
i don't need a house
there's a shelter in your arms


we'll be strong if we stay together
we'll be strong if we love each other
we'll be strong if we stay together
we'll be strong if we love each other

Long way from home - Hugo Barriol, 2023

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