[…] Plus tard, alors que je venais de prêcher dans un village au nord de Ganz, j’entendis ici que le miracle de la vie allait se produire.

 Une des femmes du village allait en effet enfanter.

 Elle s’appelait Ilnis, fille de Rior et de Bérus. Mariée à un fermier, elle attendait son premier enfant. Dans la vie, et si je m’attarde sur ces détails c’est qu’il faut essayer de trouver une expliquer rationnelle au-delà de la foi, Ilnis aidait son homme au champ, était dotée d’une constitution solide ainsi que d’un fort caractère. Sa moralité, comme je le demandais à la suite de l’affaire, était irréprochable et il aurait été impossible de chercher deux pères comme dans le cas des siamois.

 L’accouchement eut lieu de nuit. Comme on me prenait pour un sage, j’eus droit de rester. Je voulais méditer sur l’erratique étrangeté de la naissance. Observer si l’on pouvait prédire dans la naissance le futur, chercher ici les prémisses de l’Ordre où là l’annonce du Chaos.

 C’est un tout autre monde qui s’ouvrit à moi.

 Ilnis donna la vie à deux enfants. En tout point identique. Jamais nous n’avions vu ça. Personne n’en avait jamais même entendu parler.

 Les bébés étaient des miroirs de chair, ils avaient la même taille, les mêmes yeux, les mêmes tâches. Il était impossible de les reconnaitre, au point que je pense qu’il fallut qu’ils sachent parler et comprendre ce que signifier être pour que leur nom soit définitif.

 Le reste du temps, il se partageait leur prénom, l’un puis l’autre, sans identité unique, mais dual.

 Au hasard du Chaos on trouve ainsi cette philosophie surprenante, sous les aléas de la nature, on compose avec ce qui est possible. Et l’un peux devenir deux jusqu’à ce qu’il puisse se dire un. On trouve de l’Ordre dans le Chaos jusqu’à ce qu’il prenne le pouvoir pour inverser les rôles et laisse la capacité au Chaos de s’immiscer dans l’ordre. Comme un jeu de chat et de souris perpétuel. […]

 Le livre de Negulin ; Extrait choisi.