15. Hulk rate sa chance
Ysée
— C’est bon, Stefan, vous pouvez me lâcher ! Je ne suis pas une petite poupée incapable de me défendre ! m’agacé-je alors qu’il m’entraîne en me tirant par le bras.
Je ne sais pas ce qui m’énerve le plus, entre les remarques graveleuses de Snow, la sollicitude exagérée de Stefan ou bien la situation entre les deux qui se disputent tels des coqs devant leur poule qu’ils cherchent à féconder. Franchement, il faudra qu’un jour les mecs comprennent que nous sommes plus que des morceaux de viande !
— Excusez-moi, Ysée, mais… Franchement, ce type m’agace et il a une façon de vous regarder qui n’a rien de correct.
— Ah, ça, c’est sûr ! Jamais vu un type aussi abject que lui ! Il me sort par les trous de nez dès que je l’aperçois. Il a l’air tellement sûr de lui. Un vrai con, non ? Et il apporte quelque chose à la sécurité ou c’est juste une armoire à glace qui est présent pour faire peur ?
Nous sortons dans la fraîcheur du soir et, instinctivement, je me rapproche de Stefan dont la carrure impressionnante est une vraie bénédiction pour servir de paravent.
— Il paraît, marmonne-t-il. Il bosse avec Julia sur les menaces qui planent, elle lui fait une confiance aveugle alors qu’on ne le connaît ni d’Eve, ni d’Adam, nous. Vous voulez ma veste ? me demande-t-il en l’enlevant déjà pour la poser sur mes épaules.
Bon, des fois, c’est quand même agréable de profiter un peu de la galanterie de ces messieurs. Surtout qu’on a l’air parti pour faire le chemin jusqu’au Palais à pied et que la masse de muscles à mes côtés est bien agréable à regarder. Je crois que je n’avais jamais vu un homme aussi grand et baraqué que lui.
— Merci Stefan, j’avais un peu froid. Ma robe est légère, j’aurais dû mettre quelque chose qui me couvre plus, surtout quand on voit les réflexions que ça a provoquées chez vous deux.
— Vous êtes ravissante, c’est un peu difficile de ne pas le remarquer, rit-il, gêné. Enfin, vous êtes aussi de très bonne compagnie, loin de moi l’idée de ne m’arrêter qu’à votre allure, ce n’est pas mon genre.
Dit-il alors que je surprends son regard se porter à nouveau sur ma poitrine. Et pourquoi je trouve ça flatteur, moi ? Peut-être que de sentir son odeur dans sa veste sur mes épaules m’excite un peu en réalité. Ou alors, c’est d’imaginer ce que ça peut faire d’être dans de tels bras musclés ? J’aimerais beaucoup voir ce qu’il cache sous sa tenue militaire et j’espère qu’il va croire que si mes tétons se tendent, c’est à cause du froid.
— Mon allure vous plaît, alors ? m’amusé-je à le provoquer. Vous n’êtes pas mal du tout, de votre côté. Madame doit apprécier vous retrouver, minaudé-je en me frottant l’épaule contre son bras.
— Madame ? Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, rit-il. Quant à votre allure… Je pense être plus discret que ce Snow, mais vous en doutiez vraiment ?
— Vous me raccompagnez jusque chez moi, alors ? Vous devez me protéger, non ? Et puis, si vous me laissez maintenant, je vais avoir froid sans votre veste.
— Je vous suis avec grand plaisir, Ysée. On ne sait jamais, ce rustre français pourrait débarquer d’on ne sait où et s’en prendre encore à vous gratuitement.
Je ne suis pas sûre que le mot rustre soit le plus approprié, surtout venant d’un ours comme lui, mais je laisse passer. Je me dis que cette soirée pourrait se finir de manière très agréable et je ne vais pas gâcher le moment maintenant.
— Je vous ai dit que je savais me défendre, Stefan. Je peux même vous assurer que vos muscles ne pourraient rien contre moi si je me décidais à vous soumettre à mes désirs.
C’est à ce moment-là que le téléphone du géant à mes côtés se met à sonner. Il hésite clairement entre répondre à son appareil ou plutôt réagir à mes avances, mais se décide finalement à décrocher tout en me serrant un peu plus fort contre lui, ce qui fait que j’entends tout de suite que c’est Snow qui l’appelle.
— On a une brèche dans la sécurité, il manque un agent à son poste. Tu m’expliques ce que tu fiches au juste ? Tu tiens à ton boulot ou quoi ? Si Julia te tombe dessus, elle va te démolir, mon gars !
— Je suis en mission protection de la Ministre, Snow. Si Julia veut que je cesse, elle n’a qu’à me le dire.
— Protection de la Ministre ? ricane-t-il. Ben voyons ! Je te conseille de reprendre ton poste au plus vite. Elle ne risque pas grand-chose en rentrant au Palais, et puis elle mord, de toute façon, c’est une grande fille qui peut se débrouiller toute seule.
Je fais une grimace à l’intention de Stefan en dévoilant mes belles dents, mais cela ne le fait même pas rire. Je vois qu’il est en train de réfléchir et je m’attends presque à voir de la fumée sortir de son cerveau, tellement c’est intense.
— Tu n’es pas mon Chef, Snow. C’est Julia, la responsable des opérations. Tu es sûr qu’elle veut me voir rentrer ?
— Il va falloir que tu piges un truc, Hulk. Si je suis là, c’est pour seconder Julia parce que vous avez besoin d’aide. Alors, effectivement, je ne suis pas officiellement ton Chef, mais quand je te demande un truc, c’est soit parce qu’elle m’a demandé de le faire, soit parce que je l’ai décidé et qu’elle approuve. Tu as quitté ton poste sans avertir personne pour aller draguer, tu trouves ça très professionnel, toi ? J’ai bien compris que vous n’étiez pas ravis de notre arrivée, mais vous devriez vous remettre en question, sérieux, gronde-t-il, visiblement agacé. Tu m’étonnes qu’elle nous ait appelés !
— Bon, ça va, j’arrive, répond-il à ma grande surprise.
— Vous allez m’abandonner, Stefan ? Entre lui et moi, vous choisissez la fraîcheur de la neige plutôt que la chaleur du volcan ?
— Disons que je suis censé travailler durant toute la soirée, grimace-t-il, et protéger les membres du Gouvernement qui sont là-bas jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’invités… Peut-être que… Je ne sais pas, vous pourriez m’attendre ? Vous prélasser dans un bon bain, un livre à la main, et je vous rejoindrai dès que possible pour que nous puissions... continuer à échanger tous les deux.
— Ah non, vous avez du travail, je vais vous laisser le faire avec sérieux et abnégation. Pour la Silvanie. Bonne soirée, Stefan, ne vous inquiétez pas pour moi, je suis presque arrivée.
Je lui tends sa veste dont il se saisit et je ne lui laisse pas le temps de tenter quoi que ce soit d’autre avant de me retourner et de m’éloigner. Frustrée. Très frustrée. Putain de Français qui parvient à gâcher ma vie même à distance.
— Bonne fin de soirée, Ysée ! Je suis désolé, me lance Stefan en soupirant, sans doute aussi frustré que moi.
En même temps, s’il n’est pas capable de s’opposer à ce parvenu, c’est qu’il n’a pas les couilles nécessaires pour s’occuper de moi. Tant pis pour lui. Je poursuis mon chemin et arrive au Palais où les gardes à l’entrée me reconnaissent et me laissent entrer sans vérifier mon identité. Je suis accueillie par Matiz, le majordome qui me salue sobrement en s’inclinant légèrement. La vieille école, quoi.
— La soirée a été agréable ? Vous rentrez tôt, Madame la Ministre.
— J’ai connu, mieux, Matiz. Et vous voyez, je rentre seule, c’est qu’elle aurait pu être meilleure.
— Eh bien, il vaut parfois mieux être seule que mal accompagnée, Madame. Je vous raccompagne à vos quartiers ? Besoin de divertissement ? J’ai peut-être une ou deux blagues en stock, mais je ne vous garantis rien, rit-il.
— Vous avez des blagues ? Non, je ne peux pas, ça n’irait pas avec l’image que j’ai de vous, dis-je en souriant. Et oui, accompagnez-moi, ça me donnera l’impression d’être moins seule. Parce que là, comme j’ai failli rentrer avec un beau spécimen, c’est encore plus difficile à supporter de retrouver mes appartements sans personne à mes côtés.
— Après vous, Madame. Dites-moi, quelle image avez-vous de moi, au juste ?
— J’ai l’impression que vous vivez pour votre travail, Matiz. Un peu comme moi. Je me trompe ?
— J’aime ce travail, c’est un fait. Après avoir vécu la guerre, retrouver la démocratie et m’y impliquer, même si c’est à petite échelle, me rend heureux. Tout n’est pas parfait, mais chaque jour des pierres s’ajoutent à l’édifice, et j’aime me dire que j’y participe un peu.
— Ah je comprends, si vous saviez. Mais je trouve que plus on monte l’échelle sociale, moins on est utile. La solitude ne vous pèse jamais de votre côté ?
— J’ai toujours été un solitaire, Ysée. Mais si je peux vous donner un conseil, sans jugement aucun bien évidemment, c’est de ne pas vous enfermer dans votre rôle. Vous êtes Ministre et il y a beaucoup de travail, c’est certain, mais vous êtes avant tout une jeune femme brillante, ravissante et joyeuse. Le dernier point se fait plus discret que lorsque vous êtes arrivée et c’est bien dommage.
— Mais je ne m’enferme pas du tout dans mon rôle, voyons ! Je… je suis juste un peu trop seule à mon goût, mais bon, je finirai bien par trouver chaussure à mon pied ! J’y crois, moi, même si cet homme n’est pas là de se joindre à nous.
— Il est évident que vous trouverez chaussure à votre pied ! Mais pour ça, il faudrait peut-être briser le mur d’apparences que vous avez bâti, Madame, me lance-t-il avec un clin d’œil complice.
— Le mur est plus solide que celui de Berlin, Matiz. Il me sert de protection et je ne veux pas m’en séparer. Bonne nuit, je ne vous dérangerai plus ce soir, vous pouvez aller vous coucher.
— Je veillerai à vous offrir les outils nécessaires pour le fissurer, Madame la Ministre, sourit-il. Vous avez raison, mon humour ne vaut pas la peine de sortir de vive voix ! Bonne nuit, Ysée.
Je referme la porte de mon appartement derrière moi et m’adosse contre elle en soufflant bruyamment. Je dois perdre la main car cela ne me ressemble pas de revenir seule chez moi et d’être aussi frustrée. Peut-être que j’aurais dû répondre à la proposition de Stefan… Mais quand je me glisse sous la couette, ce n’est pas le Géant que je vois dans mes pensées. Celui qui vient peupler mes fantasmes est un grand blond, costaud et qui porte l’uniforme de manière si élégante que je parviens rapidement à me laisser aller à un orgasme qui soulage un peu mes envies. Mais pourquoi mon esprit torturé met ce sale type dans mes rêves ? Et pourquoi je jouis pour lui alors que tout ce que j’ai envie de faire quand je le croise, c’est lui mettre une bonne claque ? Franchement, ma pauvre Ysée, ta libido ne tourne pas rond.
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