22. Le baiser de la colère
Mathias
Je referme la porte derrière moi et m’y adosse, essoufflé. Nom de Dieu. Ces nanas sont complètement frappées ! De vraies furies à la libido débridée et assumée. Erin est une femme qui en serait presque intimidante. Elle a une confiance en elle folle, n’hésite pas à dire les choses de manière cash et, clairement, c’est moi qu’elle veut. Si je n’ai absolument rien contre ce genre de femmes, j’avoue qu’elle en serait presque flippante !
Et là, enfermé avec ces trois stars dans leur loge, j’avoue que je n’en menais pas large. Stefan est parti, à la demande de Julia, il y a dix minutes, et les trois se sont rabattues sur moi, me couvant d’un regard chaud comme la braise, clairement en chasse. Trois nanas… Ça pourrait faire rêver, non ? Elles sont magnifiques, je l’avoue, mais c’est le boulot, et puis, j’ai beau être endurant, je n’ai qu’une queue et deux mains, qu’une bouche… Je ne sais pas comment Stefan a géré cette nuit, parce qu’elle m’ont l’air vraiment gourmandes, en prime.
Je reboutonne ma chemise et la remets dans mon pantalon en soufflant, quand je croise le regard d’Ysée, arrêtée au bout du couloir. Merde, elle va vraiment me prendre pour un queutard de première. Bon, j’avoue que je ne suis pas un saint, mais de là à me taper trois chanteuses sur mon temps de travail, faut pas pousser. Et la jolie brune me fusille du regard et avance dans ma direction. Ses beaux yeux d’un marron déjà foncé ont carrément viré au noir et me transpercent de toutes parts. Je me redresse et passe ma main dans mes cheveux pour me recoiffer tandis qu’elle se plante devant moi.
— Un souci, Madame la Ministre ? lui lancé-je d’une voix rauque avant de me racler la gorge.
— Non, mais c’est du n’importe quoi, là ! m’attaque-t-elle immédiatement. Non seulement, Monsieur se permet de critiquer la scénographie que nous avons mis des heures à installer, mais en plus, Monsieur s’autorise aussi à aller se faire plaisir dans la loge des stars ! Et les trois à la fois, en plus ! Monsieur n’a vraiment aucune limite à sa connerie et à sa débauche !
Elle accentue à chaque fois le mot “Monsieur” et j’y sens à la fois toute sa colère et tout son dégoût sur ce qu’elle pense qu’il vient de se produire dans la loge. Je devrais démentir. Oui, je le devrais… Cependant…
— Vous auriez préféré qu’on vous invite, peut-être ? lui demandé-je en souriant.
— Non mais ça ne va pas, la tête ? Vous êtes vraiment cinglé, bordel ! J’ai juste envie de vous mettre une bonne claque, là, pour vous rappeler à la bienséance et au respect que vous me devez. Et puis, ajoute-t-elle en prenant un ton faussement enjoué, vous avez l’air de préférer les célébrités, même si elles pourraient presque être vos mères, je ne suis clairement pas votre genre ! Je ne voudrais pas briser vos ardeurs juste par ma présence ! Ah, elle est belle, la Sécurité ! Je suppose que vous étiez en train de vérifier qu’il n’y avait pas de terroriste caché tout au fond… de leur loge ? finit-elle après une pause théâtrale bien calculée.
J’éclate de rire et lui lance une œillade enflammée. Bon sang, elle m’excite quand elle est hors d’elle… Bien plus que les trois jolies nymphos dans leur loge. Ouais… J’avoue qu’elle me fait bander quand elle sort de ses gonds. Et, forcément, ça me donne envie de la pousser à bout.
— Oui, j’ai même fait une fouille au corps bien poussée. On n’est jamais trop prudent, vous savez ?
— Magnifique. Et vous croyez que c’est comme ça que les chanteuses vont se concentrer sur le spectacle ? En pensant à votre petite bite qui a trempé partout ? Franchement, vous me dégoutez.
— Peut-être que vous devriez palper un peu plus la prochaine fois que vous m’offrez un petit moment de harcèlement sexuel, je crois que vous avez un problème avec les proportions, ma jolie. Et je ne la trempe pas n’importe où, il faut simplement la mériter. J’aurais peut-être pu faire une exception pour vous, d’ailleurs, si vous nous aviez rejoints.
— Ah, ah, j’ai touché une corde sensible, là. Ou plutôt une cordelette, on dirait. Allez faire votre boulot et surtout, arrêtez de fantasmer, sinon on peut annuler le concert tout de suite. Quand la Présidente va arriver, rien ne sera prêt.
— Ne me donnez pas d’ordres, Ysée. Comme le disent si bien vos petits compagnons à moitié compétents, c’est Julia, ma cheffe, je n’en ai rien à foutre de ce que vous pouvez penser. En revanche, j’adore ce petit élan de jalousie que je perçois dans vos yeux, ma jolie. C’est presque aussi excitant que de vous voir m’engueuler, souris-je en avançant vers elle.
— Je ne suis pas jalouse ! Votre attitude est révoltante ! répond-elle en se reculant.
Je reprends de l’aplomb et le dessus en la voyant reculer comme une biche prise dans les phares d’une voiture. Elle est agacée, mais aussi déstabilisée, alors je continue mon avancée jusqu’à ce que son dos cogne contre le mur. Encore un pas, je pose mes mains de chaque côté de son visage et lui souris.
— Je commence à décrypter vos regards, Madame la Ministre. Et le plus souvent, quand il s’agit de moi, vous oscillez entre désir et colère. Vous savez ce que ce petit mélange pourrait donner, à l’horizontale ? Un cocktail du tonnerre, susurré-je à son oreille.
— Vous prenez vos désirs pour la réalité, répond-elle en me repoussant brusquement. Je crois que je préfèrerais encore me taper une des Grâces que vous, Snow. Je crois que nous avons tous les deux du boulot, alors, je vous prie de bien vouloir me laisser tranquille. Vivement que cette histoire soit finie et que vous repartiez en France !
Bandante… Et Menteuse. J’ai envie de lui rire au nez autant que j’ai envie de l’embrasser. Je pars en vrille, moi.
— Vos pupilles dilatées et le rouge de vos joues prouvent que vous mentez, mais je vais faire semblant de vous croire, Miss Coincée. Pour le reste, je crois que je vais passer quelques semaines de plus en Silvanie, pour prendre des vacances. J’en ai besoin, et j’aime beaucoup trop vous faire sortir de vos gonds.
— Vous me semblez vraiment bien trop sûr de vous et de vos charmes ! Mais bon, vous n’êtes qu’un simple militaire qui a l’habitude d’obtenir tout ce qu’il veut. Je peux vous dire qu’avec moi, ça ne marche pas. Et il faut que vous arrêtiez avec ce titre de Miss Coincée !
Elle attrape alors mon cou et vient planter ses lèvres contre les miennes. Sa langue s’immisce immédiatement entre mes lèvres et je suis trop abasourdi par le revirement de son comportement pour réagir. Malheureusement, l’instant dure trop peu et déjà elle s’éloigne de moi, en souriant.
— Et voilà un avant goût de ce que vous n’aurez jamais, Don Juan. A vouloir courir trop de lièvres à la fois, on rentre bredouille et la queue entre les pattes.
— Vous finirez par me supplier de vous prendre, Ysée, j’espère que vous en avez conscience, grondé-je en la fusillant du regard. Vous ferez moins la maligne à ce moment…
— Vous êtes encore en train de vous piocher le nez comme deux gamins ? nous interrompt Julia, qui m’observe lourdement lorsque je me tourne vers elle.
Ouais, je sais, Ju… Si tu savais ! Ses lèvres sont un peu trop douces et trop tentantes et je vais totalement vriller si elle joue la provoc comme ça.
— Non, on papotait, c’est tout. N’est-ce pas, Madame la Ministre ?
Je replonge mon regard dans le sien et constate qu’elle semble à mi-chemin entre l’agacement pur et l’étonnement. Peut-être qu’elle n’a pas du tout prémédité ce baiser, et ça me donne envie de sourire.
— Julia, il faut revoir la discipline dans tes troupes. Là, clairement, ça laisse à désirer. Et merci de ne plus laisser ce sale type entrer dans les loges pour déconcentrer les artistes.
— Bon sang, vous n’êtes tellement pas crédible quand vous parlez de sécurité, ris-je, moqueur. Ce n’est pas vous qui dévergondez les troupes en poste, par hasard ?
— Vous êtes vraiment insupportables, tous les deux, soupire Julia. On se voit pour un point sécu avant l’arrivée des spectateurs, Mat, on t’attend au carré VIP, je te signale. Ysée, vos petites mains vous cherchent dans la salle. Peut-être que vous devriez tous les deux vous concentrer sur le concert plutôt que sur vos hormones en ébullition, non ?
— Bon courage, Julia, parce que là, il a l’air d’être à des années lumières de la sécurité. On se retrouve pour le début du concert.
Je lève les yeux au ciel en soupirant et suis du regard sa silhouette alors qu’elle s’échappe. Putain… Elle m’a embrassé, quand même ! Foutue Ministre.
— Me regarde pas comme ça, bougonné-je. Cette nana est tarée, elle a cru que je baisais avec les trois chanteuses alors qu’elles m’ont attaqué comme un groupe de gosses se ruent sur un chaton !
— Mais comment tu fais pour te mettre toujours dans des histoires comme ça ? Et puis, tu t’es transformé en moine, ou quoi ? Depuis quand tu refuses les avances de nanas en chaleur ?
— No zob in job, c’est toi qui me l’as répété encore y a quelques jours, non ? Et puis, franchement, ces nanas… Elles sont flippantes, ricané-je. Et pas de mon âge, non plus. Pas trop fan des cougars, même si elles sont cools.
— Des cougars cools ? note-t-elle en plissant les yeux. Eh bien, l’après concert promet, on dirait. Parce que si j’ai bien compris ton message hier, Stefan n’a pas eu la même retenue que toi, c’est ça ?
— Oh ça non, on aurait dit un puceau devant les Miss France, ricané-je. Mais tu comprendras quand tu les verras. De vraies furies ! Elles sont folles, elles font peur et sont rafraîchissantes à la fois, c’est… perturbant. Je suis dans leur viseur, Ju, j’aurais clairement pu tirer un coup avec trois femmes superbes, mais elles me font carrément flipper. Je m’incline face à Hulk, le gars a des couilles ! Bon, elles doivent être bien vides aujourd’hui, mais il les porte avec classe !
— Eh bien, au moins, ça resserre les rangs et soude les équipes, dis donc. Pour revenir à ce qui est important, tout est prêt ? Tu sais qu’on n’est pas bons sur le contrôle du public ? On manque de forces pour tout couvrir…
— Tout est prêt, soupiré-je, mais je n’ai que deux bras, et tes gars n’ont apparemment pas compris le “No zob in job”. Stefan est crevé, et je ne sais même pas où le mettre ce soir pour qu’il ne passe pas son temps à baver sur les Grâces. Je doute que le laisser dans la salle soit une bonne idée, il est carrément hypnotisé. Je vais gérer l’entrée jusqu’à ce que vous arriviez avec la Gitane. Flo restera au carré VIP comme prévu dès l’ouverture des portes. On a fait de notre mieux, Ju, je ne vois pas quoi faire d’autre. Ils n’ont pas voulu te refiler plus de militaires, on ne peut pas faire de miracles non plus.
— Tu sais bien que ça ne suffit pas de faire de son mieux, Mat. Il faut toujours faire plus, mais bon, on va s’adapter. Merci d’être venu et d’être là, Lieutenant Canon. Sans toi, je serais encore plus stressée.
— Hum… Ça me donne le droit à un câlin, Lieutenant Sexy ? souris-je en l’attirant contre moi. Tu sais bien que je ne voudrais être nulle part ailleurs. Je suis sûr que ça va aller, Ju. Détends-toi.
Julia me serre contre elle en soupirant, et la tension dans tout son corps ne se relâche pas pour autant. Vivement que ce foutu concert soit passé, parce qu’elle va finir par craquer. Elle aurait bien besoin de vacances, la pauvre. J’espère que tout va bien se dérouler, parce que si, effectivement, nous avons essayé de tout prévoir, nous ne sommes pas à l’abri d’un imprévu, et elle ne se le pardonnerait jamais. Moi non plus, d’ailleurs, j’aurais l’impression de l’avoir abandonnée, et ça, c’est hors de question.
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