27. Menaces sur les filles
Ysée
Je tourne et retourne dans mon lit sans réussir à faire disparaître les images qui se sont incrustées dans ma mémoire et que je retrouve dans mes cauchemars chaque fois que je ferme les yeux. J’ai l’impression, un peu comme dans le film “Le 5è élément”, de voir à chaque fois les chanteuses tomber sous les balles des terroristes. Et ensuite, je me retrouve dans un tribunal dont l’accusateur principal est Snow qui me montre du doigt et jette l'opprobre populaire sur ma personne. Et quand je me réveille, alors qu’il se jette sur moi et me recouvre de tout son corps, je suis à la fois prise de peur, de remords et… d’excitation. Je suis folle, c’est avéré, et je crois que ce n’est pas guérissable.
Un peu désemparée, je me lève et consulte mes messages. Aucune nouvelle de Marina, c’est plutôt bon signe. A priori, si elle survit encore jusqu’au matin, elle sera sortie d’affaires. Pas forcément consciente, mais son pronostic vital ne sera plus engagé et j’attends avec impatience les annonces qui confirmeront qu’une nouvelle fois, elle a échappé à la mort. Je me dirige vers mon frigo et frissonne un peu en sentant, quand j’en ouvre la porte, l’air froid venir titiller mes tétons déjà sensibles. Je souris en pensant à ce que dirait mon père s’il me voyait ainsi, nue, à marcher chez moi. “Tu vas attraper la mort à ne pas te couvrir !” me disait-il à chaque fois qu’il me surprenait à la maison en petite tenue. Mais depuis que je vis seule, je ne prends même plus la peine de porter quoi que ce soit.
Mes pensées dérivent vers eux alors que je me sers un verre de lait. Ils n’ont pas été blessés mais sont sous le choc, surtout ma mère. Elle était dans un tel état que Daryl a décidé de passer quelques jours avec eux. Mon frère a peur qu’elle ne fasse une bêtise mais je sais qu’ils sont plus forts que ça. Enfin, je l’espère vraiment.
N’ayant toujours pas retrouvé l’envie de dormir, je me rapproche de la porte d’entrée et regarde par l'œilleton quel est le militaire affecté à ma surveillance, espérant secrètement que ce soit Cédric. Je me dis qu’une bonne séance de sexe bien sauvage, ça me calmerait, non ? Ou alors un autre militaire, je ne vais pas faire ma difficile vu comme je suis en manque, là. Même mes jouets ne me satisfont plus, il me faut un bel engin, sinon je vais devenir folle ! Malheureusement, le garde qui assure ma protection est un type qui doit être près de la retraite, avec un bel embonpoint et une moustache qui finit totalement de le discréditer pour moi. Ah si seulement c’était Snow qui assurait la garde… Avec sa musculature, ses magnifiques cheveux blonds, son regard perçant, je crois que la porte serait déjà grande ouverte et que je serais en train de le supplier de me prendre comme il veut et autant qu’il le souhaite !
Frustrée, je retourne me coucher et parvient finalement à trouver le sommeil. Au petit matin, j’appelle Daryl qui me répond, visiblement encore endormi.
— Daryl, c’est moi. Je te réveille ? Je voulais savoir comment vont les parents. Papa n’est pas trop perturbé par tout ce qu’il s'est passé ?
— Les gens normaux dorment parfois, oui, frangine, rit-il. Les parents vont bien, ne t’inquiète pas. Ils vont s’en remettre et n’ont rien vu de compromettant. Et toi, comment tu vas ?
— Ils dorment encore, eux ? Ils vieillissent, dis-donc. Ou alors, comme moi, ils ne dorment pas bien et ils se rattrapent au lever du jour. Et non, si mes nuits sont agitées, ce n’est pas à cause d’un de tes collègues militaires. J’ai juste plein d’images de la fusillade qui me reviennent en tête.
— Je me doute, Ysée, soupire-t-il, plus sérieux. C’est normal… Et il ne faut pas hésiter à en parler, hein ? Et ça ne sert à rien de ressasser. Tu n’aurais rien pu faire, ce n’est pas ta faute.
— Je crois que je préfèrerais baiser jusqu’à en perdre toute notion du temps plutôt que d’en parler. Ce serait plus efficace, tu ne crois pas ? Tu n’as pas de camarade disponible pour venir me réconforter ? Si je m’offre toute à lui, je suis sûre que ça pourrait le motiver à me faire oublier tous mes cauchemars.
— Ysée, grommelle-t-il. Tu peux arrêter de me parler de ta vie sexuelle, s’il te plaît ? Je veux bien être gentil, mais tu restes ma sœur. Un peu de tenue, quand même.
— Oh, tu as l’habitude, maintenant, non ? rétorqué-je en souriant. Je vais te laisser, appelle-moi si ça ne va pas pour Papa. En attendant, je vais aller chercher un de mes jouets vu que tu refuses de m’envoyer quelqu’un.
Je sais que je le provoque gratuitement, mais j’aime retrouver cette normalité dans notre relation. Cela me fait un bien fou.
— Pitié, mes oreilles saignent, geint-il avant de rire. Aie pitié de moi, petite ingrate. Bonne journée, prends soin de toi et arrête de t’inquiéter pour Papa, ça roule !
De toute façon, il risque d’avoir oublié ça rapidement, si ça se trouve. Je me morigène devant mon sens de l’humour plus que limite et file me préparer sous la douche après avoir raccroché avec mon frère. Dès que je suis prête, je fais appeler Matiz qui vient me chercher et m'emmène à l’hôpital. Il respecte mon souhait de silence et je lui en suis reconnaissante. C’est tellement rare un chauffeur qui sait respecter le besoin de ses passagers de s’isoler un peu et c'est pour ça que je l'apprécie autant.
Je passe facilement les différents points de contrôle que Julia et Snow ont installés et frappe à la porte de la chambre de Marina. La voix fatiguée d'Arthur me répond et la scène qui s'offre à moi me désespère. Il y a plein d'appareils qui monitorent l'état de santé de la Présidente dont un qui bipe à intervalles réguliers. Lui est clairement épuisé et c'est la première fois que je le vois avec une barbe si mal taillée qui renforce un peu plus son côté ours de mauvaise humeur.
— Tu n'as pas bougé, Arthur ? Quel dévouement ! dis-je en le serrant dans mes bras.
— C’est ma mère… Je ne peux pas être ailleurs, soupire-t-il. Comment tu vas, Ysée ?
— Je dors mal à cause des cauchemars mais sûrement mieux que toi. Tu arrives à te reposer ? Et ta mère, quelles sont les nouvelles ?
— J’essaie de dormir, mais avec tout ce boucan… Et j’ai besoin qu’elle se réveille, je ne peux pas dire à mes filles que leur grand-mère… Lila ne s’en remettrait pas, et j’ai peur que ma famille implose avec cette histoire, grimace-t-il. Les nouvelles ne sont pas bien différentes des dernières, son état est stable.
— Au moins, ça n'empire pas. Je suis confiante, moi, Marina est une guerrière. Et toi, tu devrais te ménager un peu sinon tu vas te faire engueuler quand elle se réveillera !
— Je l’engueulerai en premier d’avoir osé m’offrir cette vision d’elle. Comment ça va au Palais ?
— Eh bien, tu m’étonnes qu’elle préfère garder les yeux fermés vu l'accueil que tu lui réserves ! dis-je en souriant. Au Palais, c'est un peu le désordre. Ta mère n'a pas fini de former Maric et ça se voit. Le pauvre a lancé la mobilisation générale mais se refuse à lancer une offensive militaire. Quand Marina va se réveiller, elle n'aura pas le temps de s'occuper de toi, tu peux être rassuré !
— Une offensive militaire ? Mais… Encore la guerre ? Ils vont vraiment faire repartir le pays dans ce cycle infernal ? Julia cautionne ça ? s’énerve-t-il en se redressant.
— S'il y a bien une chose que Marina n'a pas réussi, c'est pacifier tout le pays… Julia tempère pour l'instant mais pas sûre que ça dure longtemps. Quand je pense que toute cette merde, c'est à cause de mon concert…
— Non, c’est à cause de ces enflures qui veulent renverser le Gouvernement, c’est pas pareil. Concert ou pas, ils auraient profité de la moindre sortie de ma mère pour… essayer de la tuer, grimace-t-il.
Je n'ai pas l'occasion de répondre et de le remercier de ne pas me considérer comme responsable car Julia débarque dans la pièce, affolée.
— Arthur, il faut qu’on récupère les enfants à l’école, et… Bon sang, ce pays aura ma peau ! Et je saignerai tous ceux qui oseront menacer mes filles ! s’agite-t-elle en faisant les cent pas dans la pièce.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive, Chérie ?
Il est déjà debout et l'arrête dans ses déambulations en la serrant dans ses bras dans un geste protecteur et affectueux qui fait fondre mon cœur. Ces deux-là sont tellement amoureux que je suis émue… Et envieuse, aussi.
— Ceux qui ont attaqué ta mère… Ils ont envoyé des menaces au Palais… Des photos des filles, entre autres choses, souffle Julia d’une voix cassée par l’émotion.
— Des photos ? Ils sont dingues ou quoi ? Elles n'ont rien à voir avec la politique ! Comment peuvent-ils oser les menacer ?
Arthur, malgré toutes ces années parmi nous, reste toujours aussi rêveur et idéaliste, et je vois bien dans son air interloqué qu'il a du mal à comprendre comment on peut penser à s'en prendre à ses filles.
— Il faut les mettre en sécurité ! m'exprimé-je en me levant à mon tour. Et vite avant qu'ils ne puissent agir pour leur couper l'herbe sous le pied !
— Et pour les cacher où ? Les photos des filles ont été prises au Palais. Au Palais ! Y a une foutue taupe dans l’endroit le plus sécurisé du pays, bordel !
— Mais qui pourrait en vouloir à nos filles ? s'interroge Arthur en enserrant plus fermement son épouse pour la rassurer.
— Bon Dieu, Arthur, redescends sur terre, grommelle Julia. Ils veulent atteindre ta mère, comme ils l’ont fait avec ta sœur et toi il y a cinq ans ! Sauf que là, ce sont de mes bébés dont ils veulent se servir.
— Ysée a raison alors, il faut les mettre en sécurité avec quelqu'un en qui on a confiance…
Mon cerveau carbure à fond en les écoutant échanger. Je me sens responsable de ce qui est en train de se passer et des menaces qui planent désormais sur les deux jeunes filles.
— Il faut les envoyer à la campagne, loin des taupes du Palais. Si on fait attention, jamais les terroristes ne les retrouveront. Pourquoi pas dans la datcha de mes parents ? Vous vous souvenez, vous y aviez passé un petit week-end en amoureux avant la naissance de Sophia ?
— Ce serait mieux que l’une de nos planques, murmure Julia en reportant son attention sur moi. Selon le poste qu’occupent le ou les taupes, elles ne sont pas sûres… Arthur, il faut que tu partes avec les filles. J’ai fait poster deux hommes devant leurs écoles, et j’ai demandé à Mat de les récupérer à midi.
— Ah, c'est bien que Mat aille les chercher mais moi, je ne pars pas, je reste avec ma mère.
— Arthur, ce n'est pas le moment de t’acharner ici. Rentrons tous au Palais et on voit qui fait quoi. C'est ce qu'il y a de mieux à faire !
Je ne lui laisse pas le temps de protester et l'attire à ma suite vers la sortie. Julia nous emboîte le pas et je me demande si j'ai bien fait de proposer la maison de campagne familiale. Si une nouvelle fois je mets en danger la famille Zrinkak, je ne m'en remettrai pas.
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