32. Bricolage et titillage
Mathias
— Enlève ton pantalon pour la sieste, Princesse, ce sera plus confortable.
— Je suis pas une princesse, Tonton ! bougonne Sophia en s’exécutant malgré tout.
— Ok. Donc, comment je t’appelle ? souris-je en la prenant dans mes bras pour l’installer sur son lit.
— Ben… Sophia ? C’est comme ça que je m’appelle.
— Mais moi j’aime bien les petits surnoms, ris-je. Regarde, moi je m’appelle Mathias, et tu m’appelles Tonton !
— Toi t’as plein de noms, pouffe-t-elle. Tu restes avec moi pour la sieste ?
Une sieste… J’en rêve, bon sang ! Et ses petits yeux suppliants me font plier en un quart de seconde. J’enlève mes chaussures et dépose mon arme au sol avant de m’allonger à ses côtés.
— Plein de surnoms, hein ? Lesquels ?
— Ben… Maman elle t’appelle Snow quand elle est en colère contre toi.
— C’est mon nom de famille, comme toi, Zrinkak. Et elle ne m’appelle pas comme ça que quand elle est en colère, tu sais ?
— Hum… Sinon, Mat, c’est comme ça que Florent t’appelle.
— Oui, comme je pourrais t’appeler So… C’est ce qu’on appelle un diminutif, un bout de prénom.
Je ne sais pas ce que signifie sa grimace, mais Sophia semble réfléchir à mes paroles, avant de décider de se caler contre moi en agrippant son doudou.
— C’est moche, So, Tonton. Je veux un surnom mignon mais pas non plus trop. Princesse, c’est nul, ça veut dire que j’ai besoin des garçons pour être protégée.
La digne fille de sa mère. Et moi je suis dans la panade pour lui trouver un surnom qui lui conviendra.
— Ok, tu sais quoi ? Je pense que j’ai besoin d’un Sergent. Florent est gentil, mais… Je préférerais que ce soit toi. Est-ce que ça t’irait, Sergent Sophia ? Mais faut pas répéter à Flo ce que je t’ai dit, d’accord ? Sinon, il sera triste, j’ai pas envie qu’il le soit. Marché conclu ? lui proposé-je, sur un air de confidence alors que je constate que nous sommes espionnés par une Ministre qui, pour une fois, ne me regarde pas comme si elle allait me sauter dessus ou m’égorger.
— Moi, rien ne m'empêche d'aller tout lui dire ! annonce-t-elle en souriant. Il va falloir être gentil avec moi pour acheter mon silence !
— Mais non, faut pas lui dire, Ysée ! s’écrie Sophia. Sinon, il va être triste, le pauvre.
— Regardez cette bouille et dites-moi que vous êtes prête à balancer, pouffé-je. Le Sergent Sophia ne vous le pardonnera jamais !
— Bien, je me tairai alors, mais que ça ne vous empêche pas d'être gentils !
— Tonton, il est toujours gentil, et moi aussi, lance ma meilleure alliée.
— Elle a raison, je suis TOUJOURS gentil, moi, souris-je avant de tirer la langue à la Ministre, ce qui fait pouffer Sophia.
— Gentil, mais pas très efficace pour faire dormir la petite ! Enfin, une sieste avec un beau garçon comme ton Tonton, ça ne se refuse pas !
— Mince, Ysée, vous allez bien ? Vous n’auriez pas de la température, par hasard ? Un compliment, pour moi ? me moqué-je. Vous avez été piquée par un moustique bizarre ? Vous avez des hallucinations ?
— L'air de la campagne, peut-être ! lance-t-elle avant de s’éloigner.
Je l’observe s’engouffrer dans les escaliers par la porte qu’elle a laissée entrouverte et ricane. Un beau garçon… Je ne sais pas si c’est vraiment un compliment, on dirait ça d’un gamin plutôt que d’un homme, non ?
— Allez, il faut dormir un peu, maintenant, Sergent Sophia.
Je dépose un baiser sur son front et la serre contre moi. Une vraie petite courageuse, cette gamine. Elle n’a pas flanché depuis notre arrivée hier, sauf ce midi, où ses petits yeux se sont humidifiés quand Lila a parlé de leurs parents. Même là, alors qu’elle aurait besoin d’un câlin de leur part plutôt que de la mienne, elle ne moufte pas, acquiesce et ferme les yeux. Et moi aussi, d’ailleurs, je ne dis pas non à quelques minutes de repos.
Ce sont les mouvements de Sophia, qui se réveille de la sieste, qui me ramènent à la réalité. Loin des rêves et du repos, je constate que j’ai dormi quasiment deux heures. Pas assez pour être pleinement en forme, mais quand même suffisamment pour tenir jusqu’au moment où je pourrai enfin pioncer et récupérer. En attendant, petite séance de câlins puis de chatouilles, et je l’attrape pour descendre rejoindre les autres. Ysée et Lila sont installées sur une couverture, dans l’herbe, un bouquin à la main, et Florent joue le jardinier en dégageant un peu le chemin, dont les haies n’ont pas été taillées depuis un moment, à mon avis.
— T’as ronflé, Tonton, se moque Lila quand je dépose sa sœur à côté d’elle.
— Ah non, je ne ronfle pas, je respire fort, c’est pas pareil.
— Lila a raison, t’as ronflé, Boss !
— Merci pour ton soutien, Flo, ça fait plaisir. Je vous laisse les filles, je vais aller bricoler la clôture qui en a bien besoin. C’est bon pour vous, Ysée ?
— Faites comme chez vous, tant que vous n'envoyez pas la facture à mes parents !
— C’est promis, M’dame, lui lancé-je avec un clin d’œil.
J’ai besoin de m’occuper. Être loin de l’action, ça me tue. Je sais que Julia met tout en œuvre pour éviter une nouvelle guerre tout en cherchant à résoudre le problème pour que sa famille n’ait plus une épée de Damoclès au-dessus de la tête. C’est d’autant plus compliqué pour moi de rester là, à surveiller les petites. Parce que je voudrais arracher les yeux de tous ces connards qui osent menacer deux gamines pour parvenir à leurs fins. Une honte. Alors je file dans l’établi que j’ai repéré plus tôt, attrape la caisse à outils et me mets à faire le tour de la propriété pour réparer ce qui peut l’être. Je ne suis pas un grand bricoleur, mais je me débrouille. Ça suffira, j’imagine. Je ne pense pas que ça pourra ralentir qui que ce soit qui voudrait s’introduire ici, mais ça m’occupe deux bonnes heures, et me fait faire un peu d’exercice physique. Il fait bon aujourd’hui, le soleil cogne et je finis évidemment transpirant, torse nu, et les mains dans un état pas possible. J’ai soif et besoin d’une douche, surtout que j’ai repéré le regard d’Ysée, qui a encore davantage fait grimper la température. Est-ce que j’en joue en roulant des mécaniques ? Peut-être un peu. Est-ce que ça me fait marrer ? Clairement. Mais surtout, j’avoue que ça m’excite. Je ne devrais pas, No zob in job, mais putain, sa petite robe me donne envie de l’embarquer dans un coin pour la culbuter. Je suis un foutu pervers. Elle joue avec les filles, et moi je ne pense qu’à la baiser. J’ai honte ? Non, pas vraiment. Il faut avouer qu’elle a tendance à me lancer des regards enflammés… C’est sa faute, non ?
Je range finalement tout mon matériel, m’essuie avec mon tee-shirt et vais m’effondrer sur l’herbe, près de la couverture, en soupirant.
— C’est pas comme neuf, mais ça fera l’affaire. Il fait une chaleur, c’est pas possible, soupiré-je alors que la Ministre a le regard rivé sur mon torse.
— Ça se voit que vous n'êtes pas un homme d'extérieur ! Votre prochain surnom, c'est blanquette, c'est sûr !
— Blanquette ? Et en quel honneur ? ris-je en m’étirant.
— Les blonds, ça ne bronze pas ? Ou alors, il y a trop de muscles qui font de l'ombre ?
— Je bosse trop pour avoir le temps de faire bronzette. Pourquoi, vous aimez les marques de maillot de bain et les culs blancs, Ysée ?
— Tonton ! On dit fesses, pas…
— Chut ! la stoppe Lila en gloussant. Le dis pas.
— Personnellement, je préfère le naturisme, si vous voulez tout savoir. Mais le show était pas mal quand même !
— Le naturisme, vraiment ? ricané-je en tentant de ne pas l’imaginer à poil. J’aurais trop peur que mon service trois pièces prenne un coup de soleil !
— Il faut juste bien le protéger avec de la crème solaire et ne pas oublier de bien frotter.
J’abaisse mes lunettes de soleil pour plonger mon regard dans le sien, sauf qu’elle semble bien plus occupée à mater mon entrejambe qui, lui, a décidé de n’en faire qu’à sa tête en l’écoutant parler de la sorte. Je me racle la gorge et passe de la position sur le dos à celle sur le côté, repliant mes jambes pour éviter de montrer davantage l’excitation qui parcourt mes veines en l’imaginant s’occuper de ma queue… Ouais, on se calme, Snow.
— J’y penserai, si un jour je m’aventure à tenter l’expérience, soufflé-je d’une voix rendue plus rauque par cette conversation inattendue.
— Tout va bien ? J’ai l’impression que vous faites un malaise ! Vite Sophia ! Il faut lui faire un gros câlin ! se moque-t-elle ouvertement de moi.
— Un malaise ? Rien que ça ? Il doit répondre à votre coup de chaud bien visible, Madame la Ministre, lui rétorqué-je en attrapant Sophia au vol, qui ne s’est pas privée d'obéir.
— Mais je vais très bien, moi, je sais me tenir quand je suis en bonne compagnie. Pas comme certains, si vous voyez de qui je veux parler.
Je me redresse et installe Sophia sur mes genoux pour la chatouiller, me penchant en direction d’Ysée.
— Je vous ai vue me mater, et serrer les cuisses aussi, petite menteuse.
— Elle serrait les cuisses comme ça ? me demande la petite en faisant une démonstration alors que sa grande sœur pouffe.
— Non, plutôt comme ça, répond Lila en papillonnant des yeux, ce qui fait éclater de rire Ysée.
— Vous voilà bien entouré, Snow, je vous plains.
— Vous avez bien visualisé le regard de Lila ? Parce qu’elle a vu juste à votre sujet, ris-je en attirant l’ado pour la chatouiller à son tour, lui tirant un éclat de rire.
— Disons que je sais jouer des charmes que m’a donnés la Nature afin d’éviter que ce séjour ne se transforme en troisième guerre mondiale. Vous êtes si prévisibles, vous, les hommes.
— Ben voyons, ricané-je. Toujours la faute des hommes, hein ? J’ai bien vu que vous saviez jouer de vos charmes, Ysée, croyez-moi.
— Vous voyez, les filles, quand un homme est pris en faute, il rejette tout sur nous. Une belle leçon ! Je sens que votre séjour à la campagne va être très instructif ! Heureusement qu’il y a Florent qui vous donne une meilleure image, ajoute-t-elle alors que mon collègue nous rejoint et s’assoit à côté de nous.
— N’essayez pas de monter mes nièces contre moi, Ysée, il n’en ressortira rien de bon. A moins que vous aimiez prendre une fessée, tout du moins, la provoqué-je, sourire aux lèvres.
— Je peux vous dire que je ne suis plus une gamine et que la personne qui essaierait de s’en prendre à mes fesses a intérêt à courir vite si elle veut échapper à ma colère !
— Vous ne savez pas ce que vous ratez, Madame la Ministre, soufflé-je à son oreille en me levant. Qui vient m’aider à préparer le repas ?
— Moi, Tonton ! crie Sophia en se levant d’un bond. Tu viens, Lila ? On va faire à manger pour tout le monde !
— Si tu veux, ma Puce. Allons-y. On va apprendre à Tonton à faire à manger comme de vrais Silvaniens et surtout, on va le protéger de la colère d’Ysée ! Il en a besoin, le pauvre !
J’observe les filles courir à l’intérieur de la maison avec le sourire aux lèvres. Bon sang, ces gosses…
— Elles sont Team Snow, désolé ma belle. Bon courage pour les retourner.
Je n’attends pas sa réponse et entre à mon tour pour m’atteler en cuisine. Le point positif de toute cette merde, c’est que je peux rattraper le temps perdu avec Lila et Sophia, que j’ai trop délaissées parce que je détestais revenir en Silvanie. Finalement, le pays a ses avantages, et je ne parle même pas de l’emmerdeuse sexy qui semble apprécier discuter avec Florent pendant que nous bossons pour nourrir tout le monde. Etonnamment, j’arrive à ne pas trop penser à celle qui, sans s’en rendre compte ou même le vouloir, m’a éloigné de ma famille de cœur. Trop de souvenirs ici, et pas tous joyeux.
Je prends une petite douche froide quand je me souviens que la dernière fois où je n’ai pas été pro, j’ai joué avec la vie d’une femme… Ouais, je crois que je vais me tatouer sur la main le “No zob in job” de Julia. Ça vaudra mieux. On ne joue pas avec la Ministre, Snow, c’est une mauvaise idée.
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