Ysée

Ce matin, après une nouvelle nuit passée sagement dans les bras de Mathias qui semble ne plus vouloir me quitter, je me lève plus reposée et plus en forme que ces derniers jours. Pas de cauchemars quand je dors auprès de mon Chef, un vrai miracle. Et c’est donc fraîche et bien disposée que nous nous réunissons autour de Jérémy pour le petit brief du matin. J’admire Mathias qui est allé se rafraîchir au petit cours d’eau derrière le camp et qu’on dirait tout droit sorti de son domicile personnel plutôt que de la tente où nous avons dormi. Il est toujours aussi magnifique et il porte le treillis comme d’autres portent le costume et la cravate : naturellement et de manière super sexy. Il faut que j’arrête de baver, moi.

Mathias explique que nous allons conserver la position ce matin et qu’il faut qu’il y ait plusieurs groupes qui aillent explorer les villages des alentours afin d’obtenir des renseignements à la fois sur les troupes ennemies mais aussi sur Daryl. Il informe tout le monde qu’il risque d’y avoir une attaque prochainement et que le temps est donc compté, ce qui explique son idée de faire quatre groupes de deux pour explorer et de laisser une personne avec Jérémy au campement pour garder les affaires et s’occuper du blessé. Quand il demande s’il y a un volontaire pour jouer à l’infirmière, je lève immédiatement mon bras.

— Je vais le faire, Mathias, ça ne me dérange pas de rester ici.

Je vois à son air surpris qu’il ne s’attendait pas à ce que je me dévoue à cette tâche loin de l’action et il me demande de venir à l’écart pour échanger avec moi sans que le groupe ne nous entende.

— Vraiment ? Tu… Ysée, si tu culpabilises encore, je vais te jeter à la flotte. Pourquoi tu ne veux pas venir, aujourd’hui ? Ça va ?

— Ne t’inquiète pas, Chef, c’est juste que je trouve Jérémy tellement sexy. C’est beau, un homme qui se laisse chouchouter, tu ne crois pas ?

J’adore la tête que fait Mathias quand je sors ça le plus naturellement du monde, comme si c’était la simple et pure vérité. Il est à la fois surpris mais surtout super jaloux, je crois, et je ne peux m’empêcher d’éclater de rire.

— Il doit reprendre des forces, bougonne-t-il, pas s’épuiser. Alors sois gentille et évite de trop le chauffer quand même.

— Mais non, Mathias. Si je reste, c’est pour deux raisons. La première, c’est que j’ai eu mon lot d’émotions ces derniers jours et qu’un peu de repos me fera du bien à moi aussi. Et puis, la deuxième, je crois que j’ai un peu peur de tomber sur un village et de découvrir que Daryl y est enterré… Je… Je préfère avoir un peu de temps pour affronter les choses si ça arrive, tu vois ?

— Je vois, oui… Tu as raison, repose-toi et lâche-toi sur Jérémy s’il est décidé à se balader. N’hésite pas à l’engueuler. Et arrête d’avoir ce genre de pensées.

— Ne t’inquiète pas pour Jérémy, je vais me lâcher sur lui et serai attentive à la moindre de ses demandes ou envies ! Quelle qu’elle soit !

A chaque fois, ça marche et j’adore ça. Il ne résiste pas et me fait voir sa jalousie en me lançant un regard noir. Quel plaisir de le provoquer ainsi.

— Ravi que la situation te semble si agréable. Je vous laisse, alors. Je sifflerai quand on rentre, histoire d’être sûr que vous êtes présentables.

Je pouffe, dépose un petit bisou sur sa joue pour le rassurer un peu et vais m’occuper de Jérémy alors que les groupes s’éloignent rapidement. Par contre, on est loin du programme annoncé car il passe la matinée à somnoler et à ne se réveiller que par courts épisodes. Je crois que le soldat avait vraiment besoin de ce repos.

En début d’après-midi, les équipes commencent à revenir et je suis contente de voir que Mathias fait partie des premiers à rentrer et qu’il a l’air pressé de mettre fin à mon tête-à-tête avec son collègue. Quel jaloux, ce type, j’adore.

Les résultats des explorations sont peu probants jusqu’à ce que Séb revienne avec Ladko et une jeune femme blonde qui est tout de suite orientée vers Mathias. J’ai une forte envie de m’approcher et de savoir ce qu’ils se disent, mais clairement, la Silvanienne veut que la discussion se passe en petit comité et je ne peux qu’observer de loin, frustrée de ne pas savoir ce qu’il se passe.

Quand enfin leur conciliabule se termine, je vois que Mathias a l’air tout réjoui. Et c’est quoi, cette façon de regarder cette blondasse ? Je me suis peut-être fait des idées sur lui, finalement. Maintenant qu’il en a une plus jeune et moins torturée que moi, je suis déjà oubliée ? Ou alors, peut-être que c’est le décolleté qu’elle arbore qui l’intéresse. Vu comment il mate, ça ne m’étonnerait pas qu’il se dise qu’il aimerait savoir ce qu’elle cache sous son haut. Putain, j’en reviens pas ! Il la prend dans ses bras, maintenant ! Mais comment ose-t-il ? J’enrage de le voir faire et je me promets que si ce soir, il essaie de venir dans ma tente, il va se faire recevoir, le Don Juan !

Quand il s’approche de moi, je joue à l’indifférente et fais comme si j’étais surprise qu’il vienne me voir. Pathétique. Du grand n’importe quoi, mais je n’arrive pas à faire autrement.

— Des nouvelles ? demandé-je en essayant de cacher le tremblement dans ma voix.

— Uep. Je pars avec Ladko et Seb, la petite demoiselle a parlé de passage de rebelles dans leur village il y a quelques jours, on va voir s’ils ont laissé des traces. Je peux te confier Jérémy, encore ?

— Je ne peux pas venir avec vous ? On ne sera pas trop de trois avec toi si c’est un piège qu’elle vous tend, cette… femme, finis-je par dire en retenant l’insulte que j’avais sur le bout de la langue.

Il suffit que je l’évoque pour que tout de suite, il lui jette un nouveau regard et je me demande s’il n’est pas en train de m’inventer une excuse pour aller prendre du bon temps avec elle et ses amies au village. Tu m’étonnes qu’il veuille y aller juste avec Séb et Ladko. Ils doivent se dire qu’une petite orgie, ça les détendrait !

— Justement, tu seras mieux ici, si c’est un piège. Je te préfère en sécurité pour le moment. Dita pense qu’il faut qu’on soit discrets et je suis d’accord avec elle.

— Discrets ? Ah oui, je vois. Fais comme tu veux, c’est toi le Chef.

Putain, pourquoi est-ce que je n’arrive pas à cacher la pointe de jalousie que je ressens et qui le fait sourire niaisement ? Et cette conne de Dita qui est tout sourire en nous observant. Tu rigoleras moins, Petite Conne, quand je t’aurai mis mon poing dans la gueule. Ou que Mathias t’aura abandonnée au petit matin, satisfait, et qu’il passera à la prochaine pouffiasse qu’il croisera.

— T’es mignonne quand tes yeux pourraient tuer, Madame la Ministre. Je file, ne fais pas de bêtise, je reviens vite. Enfin… j’essaie !

Tu parles qu’il va essayer ! Et en plus, il me provoque et insiste en passant son bras dans le dos de cette Dita de malheur pour l'entraîner à l’écart du camp. Franchement, j’ai été conne de croire qu’on se rapprochait et je commence à ruminer dans mon coin quand Jérémy attrape ma main.

— Tu ne vois pas qu’il se moque de toi et te provoque ? Ça l'amuse, de faire ça. Et toi, comme en plus tu marches à fond dans ses bêtises, ça ne fait que l’encourager. A ta place, je les suivrais, jolie Infirmière. Pour moi, ils ont des news sur ton frère et tu devrais y aller. Et vu le sourire satisfait du Chef, elles doivent être bonnes.

Je regarde, surprise, le blessé, qui se marre en m’observant. J’essaie de comprendre tout ce qu’il dit… et ce qu’il ne dit pas mais sous-entend. Je suis donc si transparente que ça ? Mathias serait vraiment parti parce qu’il y a des infos sur Daryl ? Mais alors, pourquoi ne pas me le dire ? Pour ne pas créer de faux espoirs en moi ! Quelle bécasse je fais !

— Jérémy, je te jure que si tu te plantes, quand je rentre, je viens rouvrir ta plaie avec mes dents et j’y enfonce des tisons brûlants jusqu’à ce que tu meures dans d’atroces souffrances.

— Merde, Mat avait raison, t’es flippante, ricane-t-il. File et fais gaffe à toi. Le village est tout près, sûrement.

— Et encore, tu n’as pas tout vu !

Je me penche vers lui et dépose un rapide baiser sur ses lèvres, ce qui a le mérite de le surprendre totalement et il en reste bouche bée.

— Ça, c’est juste pour te remercier de m’avoir ouvert les yeux. Ne va pas t’imaginer autre chose, je voulais juste admirer à quel point tu pouvais ouvrir ta bouche ! ris-je en récupérant mon sac à dos.

Avant de m’enfoncer dans le bois, je jette un dernier regard vers le campement et constate qu’il ne s’est toujours pas remis de mon petit smack, ce qui me fait rire. Je me dis aussi que si un jour, Mathias l’apprend, ça va barder. Mais bon, c’est un prêté pour un rendu. Il n’avait qu’à pas mettre la main aux fesses à la petite conne qui est venue presque s’offrir à lui. Je ne sais pas ce qu’il y a au bout du chemin, mais j’ai retrouvé l’espoir. Peut-être que Daryl est tout proche et que je vais le retrouver dans les minutes qui suivent ? Mais si c’est le cas, pourquoi n’est-il pas venu lui-même ? Pourquoi faut-il que nous allions au village ? Alors que je me rapproche du groupe qui avance sans aucune discrétion, mes inquiétudes me reprennent et je m’interroge sur les raisons de cette absence. Et si Jérémy s’était totalement planté et que les trois mecs étaient juste en route pour aller tirer leur coup ? Franchement, si Mathias me fait un coup comme ça avec cette Dita, je vais débarquer et lui couper toute envie de retenter sa chance avec moi jusqu’à la fin de ses jours !