87. Vil ambassadeur

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Ysée

Le silence qui règne dans la voiture nous menant à mon rendez-vous est pesant. Davit, toujours aussi professionnel, jette des regards réguliers sur nous dans son rétroviseur mais ne se permet pas de faire la conversation, respectant la distance que nous avons instaurée entre nous. Enfin, c’est surtout moi, je dirais car, quand Mat est venu me chercher pour m’escorter, je l’ai reçu froidement et j’ai mis une vraie distance. Je ne veux plus prendre le risque d’entretenir la confusion et le petit sourire qu’arborait le Français en me voyant s’est vite estompé quand il a compris mon état d’esprit.

Je l’observe du coin de l'œil et il a l’air absorbé par ses pensées. Il est magnifique, dans son petit costume bien cintré et avec ses lunettes de soleil remontées sur son front. En le regardant, comme ça, je ne peux m’empêcher de me remémorer nos étreintes et la façon dont il sait me faire jouir. Mais c’était un plan cul, rien de plus, il faut que je parvienne à me mettre cette idée en tête.

Je me demande s’il a repris contact avec son ex et si elle est déjà en route pour le rejoindre ici. Dans mon esprit un peu torturé, j’imagine la blonde arriver à l’aéroport, toute fringante et toute mignonne et sauter dans les bras de Mat qui l’accueille, rayonnant. Je les imagine s’embrasser et ça me fait comme une pointe dans le cœur. Il faut que je me mette à penser à autre chose car je vais me retrouver à les imaginer copuler et là, ce n’est pas sûr que je puisse résister à mes envies d’aller me terrer dans un recoin perdu du pays pour me retirer du monde.

Lorsque nous arrivons à l’ambassade, Mathias s’énerve un peu à l’entrée car il doit laisser son arme de service mais je lui fais signe de se calmer et d’obtempérer. Sans un mot, il me comprend et, même si clairement, il n’est pas à l’aise avec cette demande, il obtempère sans trop rechigner. Nous suivons une des chargées d’accueil jusqu’à l’étage où elle nous demande de patienter dans un petit salon richement décoré. C’est fou comme certains pays versent dans l’ostentatoire.

— Monsieur Bezov va vous recevoir. Si vous voulez bien me suivre.

La petite brune qui s’adresse à nous ainsi me fait penser à nouveau à cette Justine qui ferait mieux de rester là où elle est. Mathias se lève en même temps que moi et s’apprête à me suivre quand je l’arrête en le retenant par le bras.

— Mathias, il vaut mieux que j’y aille seule, sinon ça risque de froisser l’Ambassadeur. Il faudra que tu m’attendes ici ou, au pire, devant la porte. Je veux mettre toutes les chances de notre côté pour essayer d’obtenir les marchés que nous recherchons depuis quelque temps.

Et, si je veux être honnête, ça me fait plaisir de profiter de cette occasion pour remettre le couvert sur le fait que je peux tout à fait vivre sans lui et m’en sortir même s’il n’est pas dans les parages. Et que je n’aime pas les filles qui me font penser à l’ex de mon garde du corps.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Ysée, grommèle-t-il.

— Et moi, je pense que je suis assez grande pour savoir ce que je peux faire ou pas. De toute façon, sans arme et au milieu de tout ce monde, tu comptes faire quoi ? Tout va bien se passer.

— Pas besoin d’une arme pour casser des dents au besoin. Mais bon… A vos ordres, Madame la Ministre. Sonne-moi si besoin…

Je l’observe se rasseoir avant de pénétrer dans le bureau où je suis accueillie par l’Ambassadeur. L’homme est grisonnant mais il semble encore dans la force de l’âge. Une sorte d’aura à la George Clooney se dégage de lui et son sourire étincelant, presque carnassier, me fait frissonner. Il ne se gêne pas pour prendre le temps de me détailler de la tête aux pieds, comme si j’étais un morceau de viande qu’il se prépare à dévorer. Sympathique, cette mission confiée par la Gitane.

— Bonjour, Ambassadeur. Merci de me recevoir.

— Bonjour, Ysée. Je suis ravi de vous rencontrer. C’est un vrai plaisir de mettre un joli visage sur ce nom. Installez-vous, je vous en prie.

Alors que j’allais m’installer en face de son bureau, il pose sa main sur mon épaule et me guide jusqu’au petit canapé qui se trouve sur le côté de la pièce. Un peu embarrassée, je m’assois en faisant attention à ce que ma robe ne remonte pas trop sur mes jambes et je refuse poliment le verre de champagne qu’il me propose.

— Nous sommes ici pour travailler, Monsieur Bezov, et je ne vais pas abuser de votre hospitalité. Vous savez bien pourquoi je suis venue vous voir.

— Et alors ? Autant lier l’utile et l’agréable, non ? L’un n’empêche pas l’autre, vous savez ? Il faut bien profiter de la vie, sourit-il en se servant une coupe.

— Disons que la situation de mon pays est grave et trop sérieuse pour que je puisse m’autoriser à me divertir. Je garde ça pour mon temps personnel. Vous savez que je suis ici parce que votre Président a annoncé publiquement qu’il était prêt à nous aider militairement ?

Il ne me répond pas tout de suite et vient s’installer sur le petit canapé, juste à côté de moi. Il est légèrement tourné vers moi et ses jambes sont entrées en contact avec les miennes. Je doute que ce soit le fruit du hasard, surtout quand, nonchalamment, il pose une de ses mains sur mon genou. Vu l’enjeu de la rencontre, je me retiens de le repousser trop vivement mais dégage quand même ma jambe en me reculant autant que je peux sur mon coin du divan.

— Je sais, tout ça, élude-t-il en balayant ma remarque de la main. Je vous offre un moment tranquille avant d’entrer dans les négociations. Vous êtes vraiment ravissante dans cette petite robe, Ysée, c’est… troublant.

Il n’a pas l’air si troublé que ça quand il se penche vers moi et passe sa main derrière ma nuque pour me la caresser, toujours en sirotant son champagne. Le contact de ses doigts sur ma peau est horripilant. Ses yeux sont dirigés droit vers mon décolleté et j’ai vraiment le sentiment qu’il espère que je vais me donner à lui pour obtenir les armes que je suis venue chercher. Il est tellement proche de moi que je sens l’odeur un peu âcre du champagne dans sa respiration et, pour éviter qu’il ne continue son petit manège, je me lève.

— Je pense que nous ne nous sommes pas bien compris, Ambassadeur. Je suis là pour faire du commerce, pas pour m’amuser. Je préfèrerais qu’on parle du contrat que nous pourrions signer entre nos deux pays.

J’essaie de m’éloigner un peu mais il se lève à son tour et dépose sa coupe de champagne sur la table basse avant de se rapprocher à nouveau de moi. J’ai l’impression de voir une hyène qui se rapproche de la carcasse qu’elle s’apprête à dévorer. Il a un air à la fois sournois et concupiscent qui me dégoûte.

— Je pense que je vais avoir beaucoup de mal à me concentrer, soupire-t-il en caressant ma joue du bout des doigts. Vous me faites bien trop d’effet pour que mes pensées ne soient pas brouillées par des images… qui n’ont absolument rien à voir avec des négociations classiques.

— Monsieur Bezov, un peu de tenue,voyons. Je vous ai dit que je n’étais pas là pour ça ! m’écrié-je en repoussant sa main avec plus d’agressivité que je ne l’imaginais. Je pense que je reviendrai quand vous aurez calmé un peu vos pulsions parce que là, les négociations sont stériles !

Pas du tout rebuté par mes propos et mes gestes, j’ai plutôt l’impression que ma résistance l’excite car son sourire malveillant est revenu et il fait quelques pas vers moi, les mains tendues comme s’il voulait empoigner mes seins. Je me recule mais me trouve rapidement acculée contre son bureau alors qu’il ne s'arrête qu’une fois juste devant moi. Je sens ses mains qui se posent sur mes hanches et j’essaie de me libérer mais il a une poigne très ferme et je ne parviens pas à me dégager.

— Monsieur Bezov, je vous ai dit que je n’étais pas intéressée ! crié-je en tentant de le repousser pour éviter que sa bouche ne se pose sur moi.

— Il faut savoir donner de sa personne pour son pays, Douce Ysée, sourit-il en se pressant contre moi. Il est important de satisfaire les désidératas des personnes à qui on demande de l’aide.

Il profite de ma surprise pour resserrer sa prise sur moi et se coller contre mon corps. Il a déjà ouvert son pantalon et son sexe se frotte contre ma jambe alors que sa bouche est venue mordiller mon cou. J’essaie de le repousser mais il est trop imposant et je me débats sans parvenir à lui faire cesser son assaut.

— Mais arrêtez ! C’est du viol !

Je crie et parviens enfin à lui asséner un coup de genou dans l’entrejambe, ce qui me permet de me dégager mais il n’est pas découragé pour autant et se jette à nouveau sur moi. Je sens ses lèvres venir se poser sur les miennes alors qu’il arrache presque le haut de ma robe pour me l’enlever. Je le mords et il crie à son tour avant de me mettre une baffe qui m’assomme presque. Me voilà à genoux devant lui qui défait son pantalon et je crois que je ne vais pas échapper au viol. Il a trop de force et je suis trop sonnée par le coup qu’il vient de me donner pour lui résister.

— Mais qu’est-ce qu’il se passe ici ? Bordel, mais tu vas la lâcher, oui ? crie Mathias en français.

Je crois que l’Ambassadeur met un petit temps pour se rendre compte de ce qui est en train de se passer car je sens toujours ses mains sur mes épaules mais tout à coup, la pression se relâche et j’ai le temps de voir Mathias se saisir de mon agresseur par le bras. Il le tire violemment en arrière et je parviens à me dégager.

— Mathias, c’est bon, calme-toi, parviens-je à dire alors qu’il se montre agressif et pratique une clé de bras pour immobiliser Bezov qui grimace sous la douleur. Laisse-le, on s’en va, ça vaut mieux.

— Tu plaisantes ? Il allait abuser de toi et tu veux que je le lâche et qu’on se barre ? gronde-t-il sans lâcher sa prise, fulminant. Ces types se croient tout permis et tu veux laisser passer ?

— Viens, Mathias, insisté-je en lui prenant la main. On ne peut rien faire de plus, ici. Il faut qu’on retourne au Palais pour prévenir Marina. S’il te plaît, ne complique pas encore plus les choses.

— Tu te rends compte que tout ce qu’il mérite, là, c’est que je lui coupe les roubignoles et les lui fasse manger ? grommèle-t-il en le relâchant sans ménagement avant d’enlever sa veste pour la passer sur mes épaules. Et c’est le minimum de ce que j’ai envie de lui faire.

Je ne réponds pas, encore sous le choc de ce qu’il vient de se passer et me serre contre lui, rassurée par sa présence alors que nous nous dépêchons de quitter l’Ambassade. Heureusement qu’il est intervenu sinon, c’était cuit pour moi. J’en veux à la Gitane de m’avoir mise dans cette situation, et je m’en veux de ne pas avoir vu la catastrophe arriver. Franchement, j’en ai marre de jouer la pute pour avoir des armes. Il doit bien exister un autre moyen pour sauver le pays, non ?

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