Nikola von Lorentz, le dernier journaliste du siècle, un magicien dans son genre, mon héros de jeunesse. Comment décrire notre relation ? J’étais son élève et il était mon professeur. C’est lui qui a conquis cette adolescente rebelle un peu perdue dans la vie qui en avait après le monde entier. Lui qui a redonné espoir à cette jeune fille que l’avenir intimidait tant. Moi.

J’ai voulu devenir journaliste, suivre ses pas, faire éclater la vérité. C’était presque un rêve à portée de main. Il suffisait de passer l’examen d’entrée dans son journal. Une épreuve écrite, un entretien et une épreuve pratique. Mais je doutais déjà avant même le début de la première étape.

Le plus inquiétant, ce n’était pas le nombre de candidats dans la grande salle d’examen, lequel nombre devait facilement avoisiner les cinq-cents personnes et plus. La météo était fraîche et il neigeait à Strasbourg, mais la salle bien chauffée, sans pour autant chasser ce frisson de mon corps, cela non plus n’affectait pas mon humeur. Les examinateurs, en revanche, oui.

« Bonjour à tous ! Permettez-moi de me présenter, je suis Bradley Williams, le président du journal auquel vous candidatez tous aujourd’hui ! Je tiens très sincèrement à vous remercier de votre intérêt pour Le Dernier ! L’épreuve dure quatre heures ! Je vous rappelle qu’elle consiste en cinquante questions de longueur et difficulté semblables de deux points chacune et que toute note inférieure à quatre-vingt-dix pourcents est éliminatoire ! Si vous réussissez, je serai ravi de vous accueillir pour la prochaine étape ! Il est neuf heures, vous pouvez commencer ! »

Le président, un homme avec une moustache et des cheveux gris, avait de toute évidence un goût prononcé pour le théâtre. En effet, avec sa voix forte et puissante qu’il accordait à des gestes vigoureux, il dominait l’audience tel les plus grands chefs d’orchestre. En plus de cela, il y avait quelque chose d’inquisitoire dans la façon dont il nous faisait face.

Parmi les cinq examinateurs majoritairement féminins, sur la gauche, à l’écart, se trouvait l’objet de ma nervosité : Nikola von Lorentz lui-même. Il avait une chemise rouge comme un révolutionnaire italien, une crinière de cheveux châtains et une barbe d’aventurier. Je redoutais plus que tout la sévérité des deux hommes.

L’épreuve finie, j’avais le poignet en compote et le cerveau en bouillie. C’était le vide. L’incertitude suivant les jours d’examen et l’attente des résultats. Les premiers jours qui ont suivi, j’étais plutôt calme. Je visitais la ville, me promenais ou restais emmitouflée dans la chambre de l’hôtel et profitais de la chaleur d’un bon chocolat en regardant la neige au-dehors.

Mais mon anxiété augmentait au fur et à mesure que les jours passaient. Le cœur contrit, deux semaines plus tard, j’apprenais faire partie des cinquante personnes sélectionnées pour passer l’entretien. J’étais tellement heureuse que ces sursauts d’émotions faisaient mal à mon pauvre cœur. Je me disais que j’étais prête pour la prochaine étape.