Garry

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J’avais entamé ma troisième semaine de travail, et sur le chemin du journal, enfin trouvé ce que je pensais être le sujet idéal pour mon premier article. Le lycée en face de chez moi était entré en grève. Les banderoles aux fenêtres du majestueux bâtiment en pierre indiquaient ce fait, quelque peu inhabituel à première vue, car c'étaient les élèves qui l'avaient initiée.

En grève

Sauver Cassin

Rivière démission

Lycéens en danger

Mon lycée mon avenir

Contrairement aux ébauches que j’avais accumulées jusque-là, le sujet était dynamique, comme il semble toujours l’être lorsque les conflits éclatent. Ou mieux, comme c’est presque toujours seulement le cas. Soit avec des faits divers de plus en plus violents, soit des images de guerre à chaque fois plus insoutenables, soit encore avec des manifestations toujours plus folles. Un peu comme si les gens avaient perdu leur enthousiasme. Ou que la presse ne savait plus faire que ça.

« La France a peur », comme dirait quelqu'un. Même s'il faut combattre cette émotion, c’est malheureusement ce qui arrive à force de faire peur aux gens. Ils ont peur. Mais les lycéens ne semblaient pas terrifiés par leur avenir ni même tristes ou particulièrement en colère. Ils venaient de quitter l’enceinte de leur établissement sous les faibles protestations de quelques adultes n’étant de toute façon pas en mesure de les arrêter. « Qu’est-ce que vous allez faire ? » dit l’un d’eux. Que pouvait-on donc bien leur faire, effectivement ? Pas grand-chose, visiblement. Sans réponse, ils continuèrent joyeusement leur vagabondage.

Au journal, je me mis immédiatement à rechercher des articles sur cette fameuse grève des lycéens pour nourrir une critique média digne du Dernier. C’est ce que je pensais écrire pour offrir un traitement plus équilibré, moins terrifiant de l’information, et donc plus enthousiaste. J’avais presque terminé l’article, lorsque le meilleur de tous arriva, tendrement accueilli par Aurore :

« Tu as passé de bonnes vacances ? demanda-t-elle.

— Oui. Merveilleuses, dit-il d’une voix calme et heureuse.

— Nikola, je te présente Eleanor. Eleanor, voici ton superviseur.

— Enchanté, me fit-il. »

Je me revois encore en train de paniquer devant mon idole et me présenter maladroitement à cause de l’émotion. Les vacances l’avaient un peu changé mais il ne restait pas moins le grand Nikola von Lorentz. Il s’était coupé les cheveux, mais son air rebelle restait. Sa barbe était moins garnie, mais son air spontané demeurait. Et sa peau bronzée le rendait encore plus sauvage, plus craquant.

Alors qu’il partait pour son bureau, il croisa le grand cycliste ténébreux, comme apparu de nulle part pour le voir :

« Garry.

— Tu n’es pas allé à la montagne, toi.

— Ou alors j’ai passé beaucoup de temps au solarium.

— Non. Tu es décidément allé à la mer. »

Les deux partirent alors comme de bons amis. Des amis, j’en manquais à Strasbourg. Je n’étais pas dans cette ville depuis longtemps et mon travail monopolisait l’essentiel de mon attention, lorsque j’arrivais à me concentrer. Je ne connaissais même pas mes collègues. D’un côté, je me disais que ça allait s’arranger, que de toute façon ce qui comptait, c’était ma carrière. Mais de l’autre, je sentais qu’il me manquait quelque chose.

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