1 : A terre
rue Saint-Pierre
Marseille (13)
samedi 8 avril 1972
Le laiton martèle le sol du pavillon Lucien Cornil. Les yeux embués, l’homme au feutre marine, voûté sur sa canne ouvragée de métal et palissandre, claudique, machinal, jusqu’à la sortie du hall de l’hôpital, puis descend les marches du perron pour rejoindre son véhicule.
Les rayons du soleil méditerranéen se réfléchissent sur les chromes et la laque anthracite de la Mercedes ; ils pourraient éblouir son regard clair, mais à cet instant précis, plus rien ne semble compter pour lui. Son pas se traîne jusqu’à sa voiture, chancelle. Ses lèvres se mettent soudainement à trembler, sa canne choie sur le bitume et lui s’effondre sur le toit de sa berline, qu’il macule de ses larmes et frappe du poing, à en heurter son alliance.
Lentement, il se laisse glisser le long de la carrosserie, secoué de ces pudiques sanglots qu’il ne veut montrer à personne. Il restera encore plusieurs minutes assis par terre, à pleurer sa fille à chaudes larmes. Celle qu’on lui a présentée inerte sur un brancard, le corps recouvert d’un drap blanc. Un corps sans vie qu’il est venu reconnaître, à la demande de l’inspecteur chargé de l’enquête depuis sa disparition, trois jours plus tôt.
La chambre mortuaire, les paupières closes, le cou de la jeune femme, meurtri. Salomé Dellière, vingt-quatre ans, n’est plus. Et son assassin court toujours…
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