Premier Décembre
Chacha et moi venons d’arriver dans le village de pépé. Il est venu nous chercher avec sa petite voiture et a rangé nos bagages dans le coffre. Tout à l’heure, on a failli se tromper d’arrêt de train à cause de moi. Papa nous avait bien dit avant de partir qu’il était important qu’on apprenne à se débrouiller, mais je sais pas trop ce que j’aurais fait sans ma grande sœur.
Pépé nous demande comment le voyage s’est passé et commence à nous raconter ses blagues. Ça me fait oublier l’incident précédent et je me dis que les vacances vont enfin vraiment commencer.
Il démarre la voiture et nous partons pour la maison dans laquelle Chacha et moi avons laissé tant de souvenirs. Sur la route, on aperçoit le clocher du village, les petites maisons, les prés et les champs. Même si il ne fait pas très beau aujourd’hui, ça me remplit de bonheur. Je crois que Chacha aussi, puisqu’elle continue de parler à pépé en regardant le paysage par la fenêtre.
Ca faisait au moins trois ans qu’on n’était pas venus passer des vacances chez notre grand-père. La dernière fois, on avait 7 et 9 ans, et notre mamie était toujours là.
Lorsqu’il se gare sur le petit parking de gravier, nous redécouvrons avec plaisir le terrain sur lequel pépé passe sa vieillesse. Sa maison, bien sûr, mais aussi le petit abri dans lequel il stocke son bois, le jardin potager, l’enclos des poules et le clapier des lapins. Chacha et moi nous regardons dans les yeux : nous pensons à la même chose.
Quand nous étions petits, nous avons découvert derrière la maison un petit passage entre la clôture et le muret qui donnait sur les prés d’à côté. Lorsque Pépé ne nous surveillait pas, nous avions l’habitude d’emprunter ce passage et de partir à l’aventure dans les bois voisins.
Apparemment, Pépé n’a toujours pas colmaté la brèche ! En voyant le petit sourire de ma sœur, je comprends tout de suite qu’elle commence à échafauder un plan.
Après avoir déposé nos affaires dans la chambre d’amis que nous allons bientôt occuper, Pépé nous propose de nous asseoir dans le salon. Un feu réconfortant brûle dans la cheminée alors que sa vieille télévision diffuse une des émissions de jeux de l’après-midi. Je regarde Chacha et commence à lui chuchoter quelque chose en attendant que notre grand-père revienne.
- Alors ? T’as un plan ?
- Pas tout de suite, on vient d’arriver ! Mais t’inquiètes pas, on va pouvoir continuer l’histoire… J’ai déjà des idées !
Je souris en entendant ces mots qui me mettent du baume au cœur. L’histoire à laquelle elle vient de faire allusion, c’est un jeu que nous avons commencé il y a longtemps dans cette même maison, un jour où nous nous ennuyions.
Dans celle-ci, j’étais Noa, le prince de la forêt et Charlotte était Emmi, la princesse de la montagne. Ensemble, nous traversions le monde pour donner une bonne correction à tous les ennemis qui en avaient besoin. Au fil des années, notre liste d’adversaires s’agrandissait : La Baleine à Bosse, le Gobelin, Cobra, Monsieur Ramdam et, notre plus grand rival : le Goupil. C’était le grand ennemi que nous ne voyions ni n’affrontions jamais mais qui préparait constamment un plan contre nous, toujours avec un temps d’avance. En fait, nous pensions que les renards étaient des espions qu’il envoyait pour en apprendre plus sur nous et que c’est pour ça que, malgré nos régulières balades, nous n’en avions jamais vu un seul.
Pépé revient avec deux tasses de chocolat chaud sur un plateau, accompagné de deux tartines de miel et deux de beurre.
- Et voilà !
- Merci Pépé ! lui disons-nous tous les deux, avant de lui faire un bisou sur la joue.
Après nous avoir vu nous jeter sur notre goûter, Pépé s’assied dans son fauteuil et monte le son de l’émission. C’est un chic type, Pépé. Je le sais, parce qu’il y a pas besoin de parler beaucoup avec lui pour passer un bon moment. Avec Chacha, on s’amuse de le voir donner à haute voix les réponses de « Slam » et de « Questions pour un Champion ». Parfois, quand il se trompe, il a la langue qui claque.
Un peu plus tard, on monte dans nos chambres pour sortir nos affaires et se mettre en pyjama. Il est déjà presque 20h00, maintenant. Pendant que Pépé prépare le repas, on joue au Uno.
- Ah ben là, j’ai regagné, hein, me nargue ma sœur.
- Mais non mais tu triches !
- Rageux.
Je soupire avant de reprendre mon calme.
- Bon, et si on parlait d’un truc vraiment important. Quand est-ce qu’on prend la porte des champs ?
- Tu sais pas être patient, Sam. On est pas biens, là, chez Pépé ?
- Si, bien sûr qu’on est bien, mais je suis pressé !
- T’as dix ans maintenant, faut que tu fasses preuve de patience. Comment tu veux les battre, les méchants, si t’es pas patient ?
- Oh, la gamine. On dit plus « méchant », on dit « antagoniste », en fait.
Elle me met une pichenette dans la tête.
- Et non mais ça fait trop mal !
- Ça t’apprendra, petit con ! Fais pas trop le malin avec moi, à te prendre pour une grande personne.
- T’es nulle des fois.
- Et toi tu grandis vite, et mal.
Pépé vient nous chercher pour le repas. Il a préparé une potée parce qu’il sait qu’on aime ça et qu’on en mange que chez lui, en Auvergne. Il me dit que demain, il nous apprendra à fendre le bois si on prend nos précautions.
Le soir, je peine à m’endormir. L’ambiance est chaleureuse, mais j’ai un peu trop hâte de partir à l’aventure avec Chacha. J’attends qu’elle s’endorme et je vais voir la neige tomber par la fenêtre. Le pré qui se trouve à côté de chez Pépé est large et bordé de forêt. C’est magnifique.
C’est là que j’aperçois un renard par la fenêtre, en plein milieu du pré. C’est la première fois.
Alors, sans trop pouvoir expliquer pourquoi, j’enfile mon bonnet, mes bottes et mon blouson et je sors discrètement de la maison pour aller le rejoindre.
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