14 décembre

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J’ai échoué. Tout ce à quoi j’aspirais à été réduit en miettes. Rien ne s’est déroulé comme je l’avais espéré parce que je n’ai eu aucun courage. J’ai raté mon année et j’ai quitté le stage en plein milieu parce que je n’étais pas d’accord avec ce que l’on m’enseignait.

J’enrage. Tous les jours, mes dents grincent et mes yeux ont envie de pleurer.

Tous ces hypocrites ne parlent que d’argent et n’ont pas la moindre conviction. Elèves comme professeurs. Ils se croient objectifs, impartiaux, parfaits, honnêtes mais posent des questions pièges, trompent, trichent, favorisent. J’ai été dégoûté par l’attitude de mes collègues et de mes maîtres qui ont tous fait passer leurs intérêts avant l’envie de rendre la justice. Tout ceux que j’admirait ou respectait m’ont déçu.

Le jour de ma démission, j’ai croisé Armand et je n’ai pas réussi à le lui dire. Je suis passé devant lui sans lui parler, j’avais trop peur qu’il me voie pour ce que j’étais : un lâche.

J’ai arrêté l’école et que je suis rentré à la maison, je me sens comme une merde. Aujourd’hui, je ne mange plus rien et je ne trouve plus le sommeil. Quand je me lève et quand je me couche, j’ai l’impression que tout est fini, que je ne suis plus qu’une ombre qui rôde dans cette maison et qu’il ne me reste rien à faire.

Mais si c’était ici que je me dirigeais depuis ma naissance, si c’était pour me retrouver seul, dans ma chambre plongée dans le noir, pourquoi avoir fait tout ça ? Pourquoi avoir vécu ? Pourquoi même être né ?

Quand j’ai quitté l’école, je me suis senti courageux. J’avais l’impression d’être rebelle à la tyrannie et de dire « non » à ce qui me paraissait être injuste. Mais aujourd’hui, je suis le seul imbécile à souffrir.

Je suis le seul a avoir piétiné mon rêve et chaque minute de ma vie, je constate cette amère réalité.

Je rumine jour après jour. Je me dit que si j’avais vraiment intégré la justice, j’aurais pu faire la différence, j’aurais pu réussir là où d’autres avaient fini par être corrompus, partiaux, inefficaces. Mais c’est trop tard.

Mon père ne m’a pas dit un mot depuis que je suis rentré, mais je sais ce qu’il pense, son regard le trahit. Il me méprise, il doit me prendre pour un vrai parasite.

Bon sang, mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter un caractère pareil ? Je n’ai jamais été cruel, je n’ai jamais manqué de respect ou d’amour à l’égard de qui que ce soit. Est-ce que mon cœur n’était pas assez fort ? Pas assez bon ? Je n’ose même plus lire les livres de mon enfance, de peur d’être écrasé par la supériorité morale des héros.

Bon sang, si Dieu existe, pourquoi est-ce qu’il me déteste à ce point ?

Maman frappe à ma porte et entre dans ma chambre. Elle ouvre les volets et me demande comment je vais, aujourd’hui.

Tu me demandes comment ça va, sincèrement ? Tu ne m’as jamais parlé, tu ne m’as jamais défendu face à Papa. Tu ne m’as jamais aidé, jamais aimé et maintenant, tu me demandes si ça va ? Je ne vais même pas te répondre. Tu es une hypocrite, comme tous les autres.

Et ces autres, n’en parlons pas. Armand, Chacha, Marie, tous ceux qui m’ont laissé croire qu’ils m’aimaient m’ont laissé tomber. Toi, au moins, tu as eu la décence de ne pas faire semblant.

Je suis désolé de te dire ça, Pépé, mais tu avais tort. Quand tu me disais de m’ouvrir au monde qui m’entourais, tu te trompais. Tout ce que j’en ai toujours tiré, c’est du chagrin. J’aurais dû me fier à mon instinct depuis le début : je n’ai pas d’alliés.

- Je t’ai apporté quelque chose, Sam. J’espère que ça te remontera le moral.

Je fais semblant de dormir. Pour quoi veux tu que je me lève ? Un chocolat chaud ? Un jeu vidéo ? Tout ça, c’est du vent.

- J’ai appelé ta sœur pour qu’elle vienne nous rendre visite ce weekend. Ça te fait plaisir ?

Une nouvelle qui m’enchante. Maintenant, sors de ma chambre et laisse-moi dormir.

Je l’entends poser quelque chose sur mon bureau avant de se diriger vers la porte.

- Repose-toi bien, Sam. Je t’aime, chuchote-t-elle.

Elle referme la porte, me laissant dans ma tour sombre, à l’étage de la maison. Je ne daigne même pas regarder ce qu’elle a pu m’apporter…

Bon allez, si c’est un chocolat chaud, au moins, ça me fera un peu de sucre pour la journée. Je me lève, j’allume ma lampe de chevet, je mets mes lunettes et je découvre un cadeau merveilleux.

C’est pas vrai. Où est-ce qu’elle a trouvé ça ? Le livre qu’elle vient de poser sur le bureau n’est autre que « Comment devenir un héros », le carnet sur lequel nous notions toutes nos aventures, avec Chacha.

Je le relis de A et Z et poursuis mon exploration avec la nouvelle version que j’ai écrite il y a quelques années. Tout y est et tout me revient en tête. La Baleine à Bosse, Monsieur Ramdam, le temple des Lémuriens, les glyphes du Volcan.

L’inspiration me vient alors, et j’ai soudainement l’envie de raconter une nouvelle aventure du prince Noah et de la princesse Emmi. Pourquoi ne pas tout simplement commencer par le moment où ils se sont rencontrés ? Lorsque j’ai terminé, deux heures et demie plus tard, je pose le livre aux côtés de ma réécriture et de mon Carnet de Décembre. Quand j’y pense, ce ne sont ni plus ni moins que trois fois la même histoire, mais racontée différemment. J’aime assez cette idée.

Maman rouvre la porte de ma chambre pour voir comment je vais et me trouve sur mon bureau. Elle s’apprête à repartir mais je saute de ma chaise pour aller la rejoindre. Elle n’a pas le temps de me demander comment je me porte que je l’enlace déjà.

- Merci, Maman.

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