05. Topless et crème solaire

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Joy

— Joy, qu’est-ce que tu fais là ?

Je plonge mes yeux dans ceux d’Alken et soupire en lui tournant le dos tout en tirant sur le drap pour me recouvrir. Le canapé du salon est plutôt confortable, même si j’aurais préféré dormir dans le grand lit de la chambre que je partage avec les garçons. Cependant, outre l’envie de leur laisser un peu d’intimité, je voulais surtout arrêter de les voir fricoter, se bécoter et jouer les amoureux transis.

— Théo ronfle, c’est insupportable, marmonné-je en me redressant finalement pour m’étirer.

— Et pourquoi ce n’est pas lui qui est venu sur le canapé, si c’est lui qui ronfle ? Il ne veut pas te laisser seule avec Kenzo pour éviter qu’il ne fasse des bêtises avec toi ? sourit Alken sans se rendre compte que les bêtises ont déjà lieu, même si je ne suis pas concernée.

— S’il ronfle, c’est qu’il dort, contrairement à moi. Ton fils doit avoir un sommeil de plomb. Bien dormi ?

Je déteste lui mentir, mais ce n’est pas vraiment à moi de lui dire quoi que ce soit à ce sujet.

— Toujours les mêmes rêves, Joy. Et toujours le même espoir qu’un miracle se produise. Et toujours le même retour brutal à la réalité au réveil le matin. Bref, il va falloir que je me fasse une raison. Et toi, tu n’as pas trop rêvé de Pedro ? Que de compliments il t’a faits !

— La jalousie te va bien, Alken, tu n’en es que plus séduisant, mais elle est un peu déplacée étant donné ce qu’il s’est passé entre nous, soupiré-je en me levant, grimaçant en sentant mon genou tirer. Je crois que je ne vais pas sortir aujourd’hui, Pedro m’a épuisée, j’ai le genou en vrac.

— Il faudrait que tu mettes ton genou au repos complet pour au moins quinze jours, tu sais ? Tu vas finir par te faire une vraie blessure sinon. Je vais voir ce que Manolo propose et peut-être que je resterai aussi à l’hôtel si ça ne correspond pas à mes envies. Tu veux que je fasse monter un petit déjeuner dans notre suite ?

— Je sais, mais c’est compliqué avec une directrice qui te dit d’entrée que les absences sont interdites. Et puis, je n’allais quand même pas vous regarder danser hier. Bref, je vais aller réveiller les garçons. On sera mieux à petit-déjeuner sur la terrasse du restaurant avec ce soleil, non ?

— Oui, tu as raison, la terrasse et le soleil, il faut qu’on en profite. Le retour dans le Nord va être difficile, sourit-il. Et laisse, je vais aller réveiller les garçons. Tu dois ménager ton genou, toi.

— Non, non, c’est bon, il faut que je récupère mes affaires dans ma valise, de toute façon, dis-je en me dirigeant déjà vers la chambre.

J’ai bien fait, d’ailleurs, parce qu’ils sont tous les deux à poil, en train de se tripoter, leurs deux sexes bandés ne laissant aucun doute quant à leur activité. Épuisant, rageant, blasant. Je les interromps presque avec plaisir en récupérant de quoi m’habiller, et leur dis que ça chauffe pour leur popotin et que j’en ai marre de les couvrir, avant de prendre la salle de bain et de profiter d’une bonne douche. J’enfile ma robe du premier jour en me demandant si Alken va encore en profiter pour reluquer mon décolleté, et glisse dans mon sac mon maillot de bain et de quoi aller à la plage. Aujourd’hui, farniente pour mon genou et moi.

Théo et Kenzo font moins les malins lorsque nous descendons petit-déjeuner, un peu mal à l’aise de savoir que j’ai dormi sur le canapé parce qu’ils ne savent pas se tenir. Oh, l’envie de rejoindre Alken m’a bien pris, j’ai même hésité, mais c’est trop facile. Ici, loin de l’ESD, d’Elise, de Markus et de toute cette histoire, Monsieur se prend à vouloir de nouveau fricoter avec moi, mais qu’en sera-t-il à notre retour ?

— ¡ Hola amigos ! Vous êtes prêts pour la balade ?

Manolo nous gratifie tous d’une accolade et attrape une chaise à la table d’à côté avant de se laisser tomber dessus et de récupérer mon verre de jus de fruit qu’il sirote d’une traite. En voilà un qui prend ses aises.

— Moi, je reste là aujourd’hui, je vais aller à la plage. Tu veux mon café, peut-être ? Ou finir mon pain au chocolat ? ris-je en tapant sur sa main alors qu’il la tend vers mon assiette, le sourire jusqu’aux oreilles.

— Il mé faut dé l’énergie pour lé grande tour qué je vais faire avec tes amis, tou comprends ? Tou es soure qué tou ne veux pas vénir avec nous ? C’est un coin magnifique !

— C’est quoi cette excursion, Manolo ? demande Alken. Je n’ai pas super envie de marcher et peux très bien passer la journée au bord de la piscine.

— Mais vous m’abandonnez tous ? geint-il théâtralement. Yé voulais vous montrer tous les monumentos dé la région, moi ! La cathédrale San Cristobal, La Plaza de la revolution, le fort El Morro et bien d’autres cosas encore !

— Non, moi je viens, dit Théo. J’ai hâte de faire un peu de tourisme ! On part pour la journée, c’est ça ?

— Oui, cariño, toda la journée ! Kenzo, tou viens con nosotros, amigo ?

— Si Manolo. Je viens ! Avec plaisir ! J’aime les aventures comme ça !

— Je vous souhaite donc une bonne journée, messieurs, souris-je en me levant.

Je dépose un baiser sur la joue des deux amoureux secrets et fais de même à Manolo, avant de me sentir conne car je ne sais pas quoi faire avec Alken. Professeur, on ne l’embrasse pas sur la joue devant les autres, si ?

— On se retrouve ici pour le déjeuner, Prof ?

Ça, c’est bien, j’imagine. On ne ressent pas le froid entre nous, c’est normal, vu qu’on est en “vacances” ensemble. Rien de déplacé. Il faut vraiment que je me détende, le gros secret de ce voyage à Cuba, il n’est pas sur mes épaules, mais bien sur celles des deux loustics qui se caressaient tout à l’heure.

— Oui, Joy. On fait comme ça. Bonne matinée à toi. Et bonne journée les jeunes ! Faites-nous de belles photos !

J’abandonne toute cette testostérone et repasse par le hall de l’hôtel pour rejoindre le sentier qui mène à la petite plage que nous avons visitée le jour de notre arrivée ici. Loin de tous ces hommes, ceux que je jalouse d’être ensemble, celui avec qui j’aimerais être mais qu’il vaut mieux que j’évite, je vais peut-être pouvoir un peu mieux respirer et profiter de ce séjour.

J’aurais mieux fait de profiter de la touche que j’avais assurément avec Pedro. Au moins, j’aurais sans doute été moins frustrée, sexuellement parlant. Mais si le feeling est passé côté danse, je ne me voyais pas aller plus loin avec lui. Peut-être à cause du regard perçant et jaloux d’Alken.

Une fois ma serviette installée, je récupère mon maillot dans mon sac et enfile le bas comme je peux sous ma robe avant d’enlever cette dernière. Il n’y a quasi personne et j’hésite à faire une petite séance de topless, constatant qu’un petit groupe de jeunes femmes ne se gêne pas à une centaine de mètres de moi. Ce sera toujours une marque de bronzage de moins. Je prends le temps de bien m’enduire de crème solaire et m’étends sur ma serviette en soupirant de plaisir. Si ça, ce n’est pas le bonheur, je ne m’appelle pas Joy.

— Salut Joy, je peux m’installer près de toi ? me surprend une voix grave que je ne connais que trop bien.

J’ouvre les yeux et constate en effet qu’Alken vient d’arriver, sa serviette à la main, seulement vêtu d’un short moulant et de lunettes de soleil qui m’empêchent de confirmer qu’il est en train de mater mes seins.

— Fais-toi plaisir, je n’ai pas privatisé la plage, dis-je alors qu’il étend déjà sa serviette à mes côtés, le sourire aux lèvres.

— Tu restes sur la plage ? Tu ne vas pas te baigner ? s’enquiert-il alors que je constate qu’il s’est vraiment mis très près de moi.

— Pas pour l’instant, mais ne te gêne pas pour moi, vas-y si tu veux. Tu ne devais pas rester à la piscine ?

— Je me suis dit que c’était bête de rester chacun de notre côté, Joy. Tu sais que j’aime passer du temps avec toi en plus, non ?

Je me tourne vers lui en soupirant. Il ne m’aide pas du tout, là. Comment puis-je garder mes distances alors que tout ce dont j’ai envie, c’est d’être auprès de lui ?

— Je ne suis pas un jouet, Alken, tu sais ? Tu ne peux pas me prendre et me laisser comme bon te semble, t’amuser avec moi et me rejeter quand c’est plus compliqué, regretter et espérer que je revienne quand tu le souhaites.

— Joy, je n’ai jamais joué avec toi et je n’ai jamais voulu te jeter, il faut que tu me croies. Est-ce que j’ai le droit d’espérer avoir une nouvelle chance ou c’est juste mort de chez mort ?

— Tu m’as pourtant jetée sans hésitation. Alors oui, peut-être que je n’ai pas eu la réaction que tu attendais en te laissant de l’espace plutôt qu’en te soutenant comme apparemment tu le voulais, mais si chaque fois que ça se complique un peu, tu cherches à me briser le cœur, c’est mort de chez mort, je confirme.

— Joy, la seule chose que je souhaite plus que tout, c’est reprendre notre relation là où elle s’est arrêtée. Ici, ça me semble le meilleur endroit pour renouer, tu ne crois pas ?

Je sens sa main qui se pose sur ma cuisse et la caresse doucement et je ne la repousse pas, incapable de résister à l’envie que j’ai de le sentir contre moi.

— Et une fois de retour à Lille, qu’est-ce qu’il en sera, hein ? Avec la pression de l’école, ton spectacle, nos plannings incompatibles ? Je ne sais pas, Alken…

— On peut y réfléchir, non ? Sauf si tu souhaites que je te laisse tranquille. Je ne sais pas ce que tu veux réellement. On n’a jamais vraiment parlé de nous deux, en fait.

— Ce que je voudrais, c’est que tout soit plus simple, que je puisse suivre ma formation sans avoir à me soucier de savoir si ma relation avec l’homme que j’aime va tous les deux nous faire virer. Mais, ça, c’est impossible, malheureusement.

— Impossible alors on se résigne ? Ou impossible et on le rend possible ? Je suis heureux d’entendre à nouveau que tu m’aimes, Joy. Quand je te vois dans les bras d’un autre homme, j’ai des doutes. Moi aussi, je t’aime et je te le redis pour que tu saches que mes sentiments pour toi n’ont pas évolué. Joy, j’ai envie d’essayer de trouver des moyens pour que ça ne s’arrête jamais avec toi.

Je crois que je suis en train de me faire avoir comme une bleue. Clairement, j’ai envie de dire amen à tout ce qu’il peut me proposer, là. Et de le rassurer sur le fait que, quand bien même je me retrouve dans les bras d’autres hommes, il n’y a qu’aux siens que je pense.

— Tu veux bien me mettre de la crème dans le dos ? lui demandé-je en me mettant sur le ventre sans répondre à sa question.

— Tu sais que c’est une vraie torture de te toucher comme ça et de rester raisonnable ? me demande-il en s’exécutant néanmoins.

Je sens ses mains se poser dans mon dos et me masser délicatement les épaules en descendant petit à petit le long de mon dos. Ses doigts frôlent le bord de ma poitrine, descendent jusqu’au tissu de mon maillot et je me retiens de me tortiller alors qu’il caresse mes flancs.

— Comme c’est une torture de te voir tous les jours à l’ESD alors que tu as mis un terme à notre relation, Alken… Merci, je pense que c’est bon…

— Oh, déjà ? Je trouve ça pourtant bien agréable. Tu m’en mets aussi ? Et je suis désolé pour la torture, mais je suis prêt à y mettre fin. Enfin, si on veut pouvoir renouer notre relation, il faudra en parler au moins à Kenzo. Et peut-être à Théo. Ça évitera le côté glauque de l’hôtel.

— Tu crois que ton fils serait prêt à ça ? soupiré-je.

Je me redresse pour le badigeonner à son tour de crème, et me retiens difficilement d’être aussi tactile qu’il l’a été avec moi il y a quelques instants.

— Tu es sûre que tu ne me caches rien sur votre relation à tous les deux ? Je le trouve super épanoui depuis que nous sommes ici et que vous partagez une chambre.

— Il ne se passe rien entre Kenzo et moi, Alken, dis-je avec assurance malgré ma grimace.

— Ça doit être le soleil ou les vacances alors. Joy, je ne sais pas où on va, ni même si on va quelque part à deux, mais je suis content de te retrouver comme ça, proche et franche avec moi, et je suis juste heureux de pouvoir passer du temps avec toi. Sans rien demander de plus. Pour l’instant !

Je dépose un baiser sur sa nuque et me rallonge sur ma serviette sans un mot de plus. Je vais craquer, je le sens. Tous les voyants sont au rouge, je ne rêve que de cela depuis la seconde où il m’a larguée. Il a paniqué, je le sais, mais ça ne fait pas moins mal pour autant. Malgré tout, lui et moi, ça me paraît tellement évident que j’ai du mal à m’imaginer vivre sans lui. Sans l’homme, j’entends, juste avec le prof. Ce n’est définitivement pas assez, même si je sais que mon petit cœur risque de souffrir.

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