42. La fellation de la discorde
Alken
J’ai tout fait pour essayer de la préserver, mais je me refuse à lui mentir. Je ne peux pas faire ça avec elle et j’ai donc fini par céder à sa demande d’explication sur ce qu’il s’est passé avec Marie. Mais là, maintenant, j’ai peur des conséquences car j’ai l’impression qu’elle se replie loin de moi et érige des murailles de plus en plus infranchissables entre nous. Elle descend de sur mes genoux et se réinstalle sur le banc, s’éloignant physiquement de moi autant qu’elle s’éloigne mentalement. J’ai horreur de la voir ainsi souffrir et je lis ses émotions sur son visage avec anxiété et colère.
— Joy, ne réagis pas comme ça, s’il te plaît, tenté-je en posant ma main sur la sienne.
— Réagir comment, au juste ? Excuse-moi d’être choquée, Alken, de savoir que tu as joui avec une autre.
C’est clair que là-dessus, elle a raison. J’ai encore à l’esprit la bouche de Marie remplie de mon sperme, je ressens encore l’extase qu’elle m’a fait connaître quand j’ai explosé entre ses lèvres même si ce n’était pas elle que j’avais en tête.
— Ce n’était pas volontaire, expliqué-je. Je t’ai dit qu’elle m’avait surpris dans mon sommeil. C’était juste une réaction physique, tu sais. Et puis, ce n’était que sa bouche. Il n’y a rien eu d’autre, promis.
— Ce n’était que sa bouche ? Vraiment ? Je vais aller me faire lécher par un autre, on verra si tu trouves que ce n’est rien, tiens ! Ce sera quoi, la fois prochaine ? Ce n’était que son cul, il n’y a rien eu d’autre, promis ?
Je crois qu’elle est en train de réaliser ce qu’il s’est passé et qu’elle cherche à me faire mal à son tour. Je l’ai mérité, sûrement, mais ça m’énerve de me prendre toutes ses attaques alors que j’ai tout fait pour éviter que ça ne se produise et pour y mettre fin.
— Si tu vas te faire lécher par un autre volontairement, jamais je ne te le pardonnerai, Joy. Je n’ai pas envie de te partager et tu le sais bien. Là, c’était vraiment un accident. Je dormais, je t’ai dit ! m’énervé-je. Comment je pouvais savoir que ce n’était pas toi ?
— Je ne sais pas, moi, on suce toutes de la même façon ? Parce que je peux t’assurer que ta façon de faire un cunni est bien différente de celle de mes ex, ou de Théo, tu vois ? Il pourrait y en avoir dix que je reconnaîtrais ta bouche, Alken, s’agace-t-elle à son tour en se levant.
Elle marque encore un point, là. Parce que c’est sûr que sa façon de me sucer, toute en sensualité et en passion, est complètement différente de la gourmandise et l’avidité de Marie. Alors que l’une fait monter la tension lentement et réagit à chacune de mes émotions, l’autre se contente de me bouffer. J’aurais sûrement dû sentir que ce n’était pas ma Joy qui me suçait, mais j’étais trop endormi pour vraiment réaliser qui avait mon sexe dans sa bouche. Je la regarde, un peu désespéré, alors qu’elle rassemble ses affaires.
— Joy, non, vous ne sucez pas toutes de la même façon. Mais je dormais ! Tu te rends compte que c’est presque un viol qu’elle a fait ? Ne me dis pas que tu serais capable de reconnaitre mon sexe au fond de toi par rapport à un autre si tu te réveillais avec un engin tout dur dans ton intimité ? Je n’ai jamais voulu que ça arrive, Joy. Ne pars pas, il faut qu’on discute ! Et que tu m’écoutes. Que tu m’entendes aussi, surtout.
— Mais c’est un viol, Alken ! En couple ou pas, d’ailleurs, il n’y a aucun consentement ! Tu me crois capable de ça ? Est-ce que je t’ai déjà fait ça sans que tu ne sois éveillé ?
— Mais dans mon rêve, ce n’était pas un viol ! Tu étais nue et je te regardais, tu es venue m’embrasser, c’était juste la suite logique. Je ne m’attendais pas à me réveiller avec la bouche d’une autre autour de mon sexe. Putain de rêve, je suis en plein cauchemar, là. Mais je peux te dire que je l’ai tout de suite engueulée. Et c’est pour ça que je la mets dehors, tu comprends maintenant ?
— Tout ce que je comprends, c’est que tu as joui avec une autre que moi et qu’au final, j’ai raison de flipper, Alken. Rêve ou pas, ça fait mal, je peux te l’assurer !
— Mais c’est avec toi que j’avais l’impression de jouir, Joy. Je sais que ça fait mal, mais je n’ai jamais voulu faire ça avec elle. Depuis que je te connais, je ne vois plus aucune autre femme, je n’en désire aucune. Je suis tout à toi, Joy. Crois-moi.
Pendant que je parle, je la vois faire des dénégations de la tête. Je n’arrive pas à ce qu’elle m’entende, à ce que mes mots parviennent jusqu’à son cœur. Je sens le désespoir m’envahir alors qu’elle s’apprête à me laisser tout seul au milieu de ce parc où notre histoire risque de se terminer pour une simple fellation. Certes, j’ai joui, mais c’était vraiment involontaire, comment arriver à lui faire entendre ?
— Je… Oh, bordel, soupire-t-elle en me tournant le dos. Je n’arrive pas à croire qu’elle ait osé… Et je… Merde, comment t’as pu jouir avec elle, si tu n’en désires aucune autre, hein ? Comment tu as pu ne pas te rendre compte que ce n’était pas moi ? Et j’ai même pas les clés de chez toi, bon sang !
— Joy, c’était un rêve… Tout est possible dans les rêves, tu le sais bien. Tu te rends compte que tu me manques tellement, que je pense tellement à toi, que je rêve de toi toutes les nuits, que je n’ai que toi en tête ? Tu es la seule qui est dans mes pensées, Joy. Maintenant et à tout jamais. Je t’ai dit que c’était juste une réaction physique… Presque comme si je m’étais masturbé tout seul dans mon coin. C’était mécanique ! Joy, je ne veux pas te perdre… Tu es tout pour moi… pleuré-je presque alors qu’elle a déjà fait un pas pour s’éloigner.
Elle s’arrête un instant quand elle m’entend sangloter. Je me demande si c’est le signe qu’elle va me pardonner cet écart que je lui ai avoué, mais elle me répond sans même se retourner.
— J’ai besoin de temps, là… Et de réfléchir, loin de tes excuses et de ces images écœurantes qui me passent en tête. On se voit en cours, Alken…
— Je t’aime, Joy. Ne l’oublie pas s’il te plaît, m’exprimé-je tristement alors qu’elle s’éloigne sans un regard vers moi.
Je sais que j’ai merdé, que j’aurais dû trouver la force en moi de retenir mon éjaculation quand j’ai réalisé que ce n’était pas Joy, mais comment faire quand on est branlé et sucé comme je l’étais ? Je ne doute pas de mes sentiments pour ma jolie brune, mais je ne suis qu’un homme. Quand on m’astique la verge et qu’en plus je crois que c’est ma partenaire qui le fait, comment puis-je résister ? J’ai honte, je m’en veux, c’est sûr. Mais j’ai quand même fait preuve d’honnêteté et de franchise envers Joy. Cela devrait la rassurer sur le fait que je ne souhaite pas lui mentir, non ? Cela devrait entrer dans l’équation ? Est-ce que moi je pense à tous les mecs qui ont eu la chance de profiter d’elle avant qu’elle ne se mette en couple avec moi ?
Je me lève à mon tour et me dirige vers le métro que je vois au loin, au-dessus de la route. Je me dis que Joy doit déjà y être, comme d’habitude quand nous nous retrouvons loin de l’ESD pour la pause du midi. Mais cette fois, ce n’est pas simplement pour ne pas qu’on nous surprenne à deux, c’est parce qu’elle ne veut plus me parler, que je la dégoûte sûrement. Et cela me fait mal, comme si on m’avait transpercé d’une lance bien affûtée. Le trajet est rythmé par les sonneries des portes qui se referment et qui sont comme autant d’alarmes qui s’activent pour signaler l’urgence dans laquelle se trouve ma relation avec la jeune femme que j’aime.
J’arrive à l’ESD toujours aussi déprimé et tombe sur Marie qui m’accueille avec un grand sourire depuis son bureau d’accueil.
— Oh Alken ! Tu es déjà de retour de ta pause ? me demande-t-elle comme si elle ne venait pas de mettre en danger tout mon futur avec Joy.
— Oui, je peux te dire que ta connerie de la nuit dernière n’a pas plu à ma petite amie. Tu fais chier, Marie. Pourquoi tu m’as fait ça ? l’attaqué-je sans me préoccuper de vérifier que l’on peut être entendu.
— Ma connerie ? Oh arrête, pas de ça entre nous, Alken… Je voulais te rappeler le bon vieux temps, quand tu aimais jouir dans ma bouche, c’est tout, dit-elle après avoir jeté un œil aux alentours.
Nous sommes seuls mais je baisse néanmoins le ton, mes disputes avec une de mes collègues ne regardent en effet personne d’autre que nous.
— Tu as vu si tu pouvais rentrer chez toi ? Tu as fait tes affaires ? Je ne veux pas risquer une nouvelle agression dans mon propre domicile. De toute façon, si tu recommences, je te jure que je me montrerai moins conciliant et que tu regretteras de t’être approchée de moi.
— Alken, soupire-t-elle en approchant de moi. Je suis désolée, je ne pensais vraiment pas à mal, je voulais juste te faire plaisir et… Te remercier de m’héberger.
— Reste où tu es, Marie. Ne t’approche plus de moi, m’empressé-je de répondre en faisant un pas en arrière. Tu as de drôles de façons de me remercier en me mettant en difficulté avec celle que j’aime. Tu peux rentrer chez toi alors, ou tu as encore besoin de quelques jours ?
— Je… Je ne peux pas rentrer chez moi, Alken. Et si Steve y est ? Tu te rends compte qu’il risque de me frapper encore ?
Malgré son attitude et la colère que je ressens, je sens mon énervement fondre comme neige au soleil devant l’inquiétude qu’elle manifeste et la peur qu’elle exprime. Je me traite intérieurement de con parce que ça ne va pas m’aider avec Joy, mais je ne peux pas la renvoyer chez elle tant que son abruti de copain est en liberté et risque de la frapper. Qui sait ? Il pourrait même aller jusqu’à la tuer, et là, je m’en voudrais à vie de ne pas avoir fait le nécessaire pour la protéger. Elle a abusé, c’est sûr, mais ne mérite pas de mourir pour autant.
— Tu as raison, je suis désolé. Tu peux rester jusqu’à ce qu’on trouve une solution. Mais je te préviens, tu ne me fais plus aucune avance ou je te mets dehors manu militari. C’est bien compris ?
— Oui, je… Merci, merci Alken. Promis.
Je me réfugie ensuite dans ma salle de cours avant que les élèves n’arrivent. Je sais qu’il faut que je laisse du temps à Joy, mais je ne résiste pas à la tentation de lui envoyer un petit SMS avant le début des cours. Je ne sais pas si elle le lira ou pas, mais je tiens à lui rappeler la chose la plus importante pour moi.
— Je t’aime, Joy. Pour le meilleur et malgré le pire.
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