Chapitre 21 - Le chef des rebelles
Assise sur les marches près de l'auberge qui se trouvait dans le quartier maritime, la jeune femme patientait. Jaelith jouait avec son pendentif, dont l'éclat avait mystérieusement disparut. L'œil de Fereyan, car cet ainsi que s’appelait le joyau qu'elle portait, n'était autre qu'un artefact de la déesse elle-même. La manière dont il s'était retrouvé entre les mains de Jaelith était bien singulière. C'était comme si le pendentif l'avait appelé, elle, et personne d'autre. Elle soupira longuement, une lueur d'agacement dans les yeux. Elle attendait le navire qui la mènerait au sud.
Moins d'une heure plus tard, Jaelith Librevent avait embarqué.
Le puissant vaisseau voguait au gré des vents. La mer était calme et bleue, tout comme le ciel sans nuages qui se trouvait au-dessus d'elle. A l'horizon, la petite ville portuaire de Nakdanas était en vue. Jaelith était impatiente de mettre le pied à terre. Pas qu'elle n'aimait pas les voyages en mer, mais elle était pressé d'arriver à sa destination.
Il fallut bien moins d'une heure pour que le bateau s'arrête à bon port. Des marins saluaient leurs connaissances sur le quai, d'autres rejoignaient leur familles qui les attendaient. La plupart des voyageurs s'affairaient et rassemblaient leurs bagages avant de descendre.
La jeune femme attendit que la foule soit dispersée avant de descendre à son tour. Elle s'arrêta sur le quai et se retourna vers le bateau. Elle pouvait changer d'avis et retourner d'où elle venait. C'était peut-être la dernière chance pour elle pour prendre cette décision. Mais Jaelith s'enfonça dans les ruelles de la ville. Elle allait aller jusqu'au bout de ce qu'elle avait décidé. Et elle ne reviendrait pas sur sa décision.
Freyki attendait depuis le matin dans la salle de réunion. Il était debout, en armure, appuyé de tout son poids sur son épée. Il regardait à travers l’une des larges fenêtres, l’air absent. La porte s’ouvrit alors en grinçant. Elrynd et le groupe de paladin qu’il commandait entrèrent, saluant leur souverain d’une révérence. Le roi loup se tourna vers eux.
— Où est-elle ? Vous l’avez retrouvé ?
Elrynd secoua la tête, l’air abattu.
— Malheureusement non, mon roi. Il semble qu’elle est pris la route du sud.
— Le sud ? Mais pourquoi…
Freyki repensa à la conversation qu’ils avaient eue la veille. Tout devint alors clair comme de l’eau de roche.
— Les elfes. Elle est partie là-bas !
— Mais elle devait savoir que nous ne laisserions pas les elfes s’entretuer sans intervenir, pourquoi…
— Je ne suis pas dans son esprit pour comprendre ce qu’elle veut faire en se rendant là-bas toute seule ! Nous devons partir le plus rapidement possible !
Elrynd s’inclina. Il avait compris que les dernières paroles qu’avait prononcées le roi loup étaient des ordres.
— Très bien. Je m'occupe des préparatifs.
Le paladin sortit de la salle en courant. Le roi loup leva les yeux au plafond. De lourds souvenirs tourmentaient son esprit. Sa première rencontre avec Jaelith, leur combat contre le dragon noir, leur première union charnelle, leur séparation calculée par Varen Draze… La tête lui tournait, et Freyki dût se tenir au mur le plus proche pour ne pas tomber.
— Ne met pas ta vie en danger...
Il murmurait pour lui-même cette phrase, mais il espérait que son aimé l'entendrait.
La nature entière se faisait discrète, comme la jeune femme qui parcourait la forêt à cet instant. Sa chevelure couleur de blé flottait au vent. Ses yeux bleus comme l'océan brillaient d'émotion. Son visage fin était pourtant crispé.
La dernière fois qu'elle avait mis les pieds dans la cité d'argent, elle avait été très mal accueillit par l’impératrice. Cette dernière lui avait bien fait comprendre qu'elle ne supportait pas les humains et qu'ils pouvaient mourir, elle ne bougerait pas d'un pouce. Jaelith secoua la tête lentement. Ce qu'elle s'apprêtait à faire, c'était purement et simplement du suicide. Un sourire apparut sur son visage malgré tout. Elle repensa aux paroles de Freyki qui lui avait dit qu'être une moitié pouvait être positif. Elle faisait partit de ces deux peuples. Elle ferait tout pour être entendue. Jaelith entendit un bruit derrière elle. La main sur son épée, elle se retourna lentement.
— Trois jours ?
Le roi loup hurlait dans la salle de réunion. Face à lui, Elrynd hocha la tête.
— Le temps de préparer les hommes et de les réunir.
— C'est trop long. Beaucoup trop long ! Je vous laisse jusqu'à demain matin !
— Mais majesté...
— C'est un ordre !
Le paladin acquiesça avant de sortir de la salle. Ce serait un miracle s’il réussissait à tout mettre sur pied pour le lendemain matin. Freyki s'approcha de la fenêtre et son regard se porta au-delà de la cité. Il s'en voulait d'avoir laissé partir la jeune femme.
— Idiote !
Il frappa du poing le mur de pierre, ce qui le fit souffrir. Mais ce n'était rien face à la douleur que ressentait son cœur. Demain, il partirait pour la retrouver. Il ne savait pas encore ce qu'il lui dirait, mais il savait qu'il le la laisserait plus jamais partir.
Jaelith s'était assise à même le sol. Son interlocuteur eut un rire.
— Eh bien, je ne m'attendais pas à vous voir ici Jaelith. En plein territoire ennemi !
— Moi aussi je suis contente de vous revoir Siara.
L'elfe lui fit un large sourire. La dame paladin ne s'attendait pas du tout à la retrouver aussi rapidement. Le petit camp rebelle se trouvait non loin de la frontière. De nombreux elfes s'y afféraient. Certains s'occupaient d'Hippogriffes, d'autres soignaient des blessés. La semi-elfe leva les yeux au ciel.
— Une guerre civile... C'est la pire chose qu'il pouvait arriver ici.
— Je ne vous le fait pas dire. C'est difficile pour moi de prendre les armes contre mon peuple.
Siaraliane secoua la tête avant de continuer d'une voix triste.
— Tuer ceux qui hier encore étaient des personnes avec qui je discutais... C'est tellement idiot...
— J'imagine que l'Impératrice ne vous a pas laissé le choix ?
— Pas vraiment. A peine suis-je revenue à la cité d'Argent après la chute du dragon noir que nous nous sommes disputées. Et ça a rapidement dégénéré. Regardez le résultat !
L'elfe écarta les bras, montrant à son amie le camp. Jaelith se releva.
— Cette situation ne peut pas durer.
— Je le sais bien, mais je ne peux pas tuer ma propre sœur.
— Mais elle ne se gênera pas pour le faire.
La dame paladin avait dit cela d'une voix froide comme la glace. Siara baissa la tête. Elle savait que Jaelith avait raison, mais n'arrivait pas à se mettre en tête que sa sœur était devenue dangereuse.
— Siara, j'ai besoin d'envoyer un message. Puis-je vous emprunter un de vos éclaireurs ?
L'elfe se releva et hocha la tête.
— Bien entendu. Je suppose que vous voulez mettre le roi Loup au courant de la situation ?
— Oui. Combien de temps faudra-t-il à votre éclaireur pour se rendre à Goldrynn ?
— Par ce temps, je dirais deux à trois heures tout au plus.
Jaelith demanda une plume, de l'encre et un parchemin vierge. Au bout de quelques minutes, le message était écrit. Un elfe s'approcha d'elle. C'était l'éclaireur. Elle lui donna le papier et le vit enfourcher sa monture avant de s'envoler vers le nord. La dame paladin regarda pendant de longues minutes le ciel jusqu'à ce que le petit point disparaisse à l'horizon.
— Vous pensez que le roi Loup va venir nous aider à régler la situation ?
La voix de Siara fit sortir la jeune femme de sa rêverie.
— Oui... J'espère juste qu'il n'en fera pas trop, comme d'habitude.
— Les humains risquent d'avoir des problèmes face aux Drinvels.
— Les Drinvels ?
Siara frissonna.
— Ce sont les troupes d'élites de l'Impératrice. Ils sont experts dans l'art du combat mais aussi de la torture.
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