Chapitre 40 - La demande enfin exaucée

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Freyki sombrait dans les ténèbres. Il ne sentait plus la douleur, plus la tristesse, plus rien. Juste une chose étrange et réconfortante. Une faible lueur. Il tendit sa main vers elle et entendit alors une voix familière. Sa voix.

Alors il ouvrit les yeux. Lentement. Les premières sensations qu’il avait ressenties étaient une horrible nausée, et une vive douleur au bras gauche. Il se rappelait qu’il avait tué l’elfe maudit, et que son corps était tombé sur le sol lorsqu’il l’avait transpercé avec Anh’Feiyl. Il se rappelait aussi qu’il avait vu l’épée tomber à terre, sa main toujours fermement agrippée à celle-ci. Avec difficulté, il tourna la tête vers son bras qu’il souleva doucement. Ce n’était plus qu’un moignon entouré de bandages sanglants. Le roi loup reposa son bras délicatement sur le lit et soupira longuement. La douleur était insupportable. Il se trouvait dans une chambre immense qu'il ne connaissait pas. Quelqu'un entra. C'était le sage.

— Vous êtes enfin réveillé. Cela fait trois jours que vous dormez.

— Mon bras...

La voix affaiblie avait du mal à articuler correctement. Kerninos secoua la tête.

— Je suis désolé, mais nous ne pouvions rien faire pour votre bras. C'est déjà un miracle que vous soyez encore en vie après une telle blessure.

Freyki tourna la tête vers la fenêtre. Il murmura :

— Jaelith...

— Vous voulez que je la fasse chercher ?

— Non... Pas tout de suite.

Il ne voulait pas qu'elle vienne alors qu’il était dans cet état. L'elfe continua.

— Elle s'est beaucoup inquiété pour vous ces derniers jours. Il a fallu que je la retienne de partir se battre à vos côtés.

Un léger sourire apparut sur le visage du balafré. Il reconnaissait bien là le caractère de sa promise.

— Voulez-vous que je vous apporte quelque chose à boire ou à manger ?

— De l'eau.

Le sage sortit de la salle, le laissant seul. Il n’avait pas fait une vingtaine de mètres qu’il tomba nez à nez avec Jaelith. Le visage de cette dernière reflétait une indicible tristesse. D’une voix tremblante, elle demanda :

— Son état s’est-il amélioré ?

— Il vient tout juste de se réveiller.

Un léger sourire illumina le visage de la jeune femme.

— Puis-je lui rendre visite ?

— Il a besoin de repos. C’est une blessure sérieuse qu’il a reçu. Vous devez le savoir...

Elle baissa la tête. Elle se rappelait parfaitement quand Elrynd était venu à Ergon. Freyki n’était pas à ses côtés. Et à la voix du général, elle savait qu’il lui était arrivé quelque chose de grave. Jaelith se souvenait avoir demandé à plusieurs reprises, la voix étouffée par un sanglot, les larmes aux yeux, s’il était encore en vie. Le paladin lui avait expliqué que son état était critique et qu’il avait été gravement blessé. Elle avait fondu en larmes avant de le suivre à la Cité d’Argent. Kerninos poussa un long soupir.

— Allez-y, mais ne restez pas longtemps.

La jeune femme le remercia avant de prendre la direction de la chambre.

Freyki entendit la porte s’ouvrir doucement et pensa que c’était le sage qui revenait. Il fut surprit de se retrouver face à sa compagne. Cette dernière murmura son prénom doucement, comme si il dormait encore.

— Je suis réveillé. Tu n’as pas besoin de parler à voix basse.

Elle s’approcha lentement près du lit. Son regard gris et vide le cherchait, et de sa main gauche il lui prit doucement le bras.

— Je suis là.

Sa voix grave avait résonné dans la chambre. La main de Jaelith se posa sur la sienne. La voix tremblante, elle se pencha vers lui.

— J’ai cru que le pire était arrivé quand Elrynd est revenu. J’ai cru… J’ai cru…

Elle pleurait à présent. La main du balafré se posa sur sa joue. Tristement, il avoua :

— J’aurai voulu pouvoir te prendre dans mes bras… Mais il m’en manque un.

Les mains de la jeune femme se posèrent sur son bras droit, doucement, pour ne pas lui faire mal. Elle les glissa lentement vers l’avant-bras manquant et étouffa un autre sanglot.

— Tu dois tellement souffrir. Freyki, si seulement j’avais pu être à tes côtés.

— Ce n’est pas grave. C’est juste étrange comme sensation. Il y avait une main. Et elle n’est plus là.

Il regardait son bras bandé, ayant du mal à s'imaginer que sa main droite avait disparue. Il pensait que ce n’était qu’un bras, que le plus important maintenant était qu’il soit resté en vie. Pour elle. Pour leur enfant à naitre. Le souverain posa tendrement sa main sur le ventre naissant de sa compagne, un large sourire sur le visage.

— Un enfant… Je n’arrive toujours pas à y croire.

Il se sentait fier à cet instant.

— J’ai du mal à y croire aussi, Freyki. L’héritier que tu attendais tant.

— Garçon ou fille, peu m’importe.

Le roi loup se redressa sur son lit avant d’attirer Jaelith vers lui. Il s’était blottit contre elle, comme un enfant. Ils étaient dans cette position quand Kerninos était revenu.

— Je vois que vous êtes toujours aussi têtue princesse. Quand à vous, vous avez besoin de repos.

A contrecœur, Freyki vit la femme de sa vie sortir de la chambre. Le sage déposa la carafe d’eau fraiche sur la grande table de la salle, puis se tourna vers le blessé.

— Vous ne vouliez pas la voir pourtant.

— Je sais…

— Vous êtes rassuré de savoir qu’elle va bien ?

— Oui.

Le balafré prit le verre que Kerninos lui tendit et le but d’un trait.

— Même si je sais qu’elle est forte, j’ai toujours tendance à m’inquiéter pour elle.

— Qui ne le serait pas ? La princesse est quelqu’un d’extrêmement têtue. Quand elle a une idée en tête, elle n’en démord pas.

Kerninos repensait à la nuit où elle s’était échappée sur un coup de tête et eut un léger sourire.

— Une princesse…

L’elfe hocha la tête.

— Elle est la fille unique de notre regretté prince Jaelen Lokliar.

Jaelith était debout sur l’un des balcons du palais. Le soleil, même si il se faisait de plus en plus rare à cette période de l’année, lui réchauffait les épaules.

Derrière elle, une voix claire prononça son nom.

— Jaelith !

Elle reconnut Feiyl et tendis les bras vers lui avec un large sourire sur le visage. Ce dernier s’était blottit contre elle.

— Tu as pu le voir ?

La jeune femme hocha la tête.

— Oui… Il venait de se réveiller. Il a l’air d’être sorti d’affaire, même si…

Elle repensa à son bras manquant.

— Même si le rétablissement va être dur pour lui.

Jaelith passa sa main dans les cheveux de l’adolescent.

— Il arrivera à s’en remettre. Même si il lui manque un bras, il continuera à vivre.

Ce dernier demanda innocemment :

— Ton ventre va encore grossir ? Il y a beaucoup d’œufs à l’intérieur ? Pendant combien de temps faut-il que tu les gardes au chaud ?

Elle se retint de rire. Décidemment, le petit dragon n’y connaissait pas grand-chose aux humains à ce sujet et elle allait passer un temps fou à lui expliquer.

— Même si elle n’est qu’à moitié humaine, elle fait partie de la royauté de Saleah. Il ne s’agit pas de n’importe qui, roi Loup.

— Je ne pouvais pas le savoir. Personne ne pouvait le savoir.

Freyki passa sa main dans ses cheveux puis se rallongea en soupirant.

— Elle aurait pu être la fille d’un ennemi, une esclave ou même ma propre sœur que cela ne m’aurait pas dérangé.

— Vous n’êtes pas mariés, et pourtant vous lui avez fait un enfant. N’avez-vous pas peur que ce dernier soit considéré comme un bâtard par vos pairs ?

— Je me fiche bien de ce qu’ils pourraient penser. Jaelith est la seule femme sur cette terre qui est digne de porter mes enfants.

Kerninos secoua la tête, l’air grave.

— Je comprends parfaitement tout ce que vous venez de me dire. Cette jeune femme est belle, intelligente et de descendance divine. Mais personne dans ce royaume, ni même sur cette terre ne serait digne de lui être destiné.

— Vous pensez que je ne la mérite pas ?

— Personne ne la mériterait.

À ces mots, Freyki éprouva une cruelle honte. Il avait toujours pensé que leurs statuts à tous les deux n’avaient aucune importance. Il était roi. Elle était paladin. Même si aucun sang noble ne coulait dans ses veines, il la voulait auprès de lui. Et quand il avait appris qu’elle était la petite fille du noble Théodore Cederman, il avait été heureux. Il pouvait enfin faire sa demande sans devoir prouver à tous que Jaelith n’était pas une intriguant sortie d’on ne sait où. Aujourd’hui, malgré son rang, il avait l’impression de ne pas être digne d’elle. Et l’elfe n’avait fait que renforcer cette impression. Kerninos, voyant la détresse dans les yeux de son interlocuteur, continua.

— Cependant, je sais que l’amour que vous éprouvez pour elle est profondément sincère. Le sien envers vous l’est tout autant. Je ne m’opposerais pas à votre union, si c’est ce que vous voulez savoir. Elle serait même bénéfique pour nos deux contrées.

— Qui dois-je supplier pour avoir le droit de lui demander sa main ?

Kerninos s’était mis à rire devant le sérieux du balafré, et lui répondit :

— Personne, à part elle bien entendu.

— J’aimerai pouvoir me lever tout de suite et lui demander.

Le sage secoua la tête.

— Vous êtes à peine remis de vos blessures. Ce ne serait pas une très bonne idée. Mais si vous êtes aussi impatient, je peux toujours aller la chercher afin que vous lui fassiez votre demande.

Freyki tourna sa tête vers l’elfe, l’air plus déterminé que jamais.

— Oui, s’il vous plait.

Jaelith referma doucement la porte de la chambre derrière elle. Elle avait été très surprise que le sage lui ait demandé de venir auprès de Freyki. Elle avait d’abord pensé que son état avait empiré mais Kerninos l’avait rapidement rassurée. La jeune femme avança lentement vers le lit où se trouvait son aimé et prononça son nom de sa voix douce.

— Freyki… Tu voulais me parler ?

Ce dernier respira un grand coup. Pourquoi faire sa demande à ce moment lui était-il si compliqué ? Il n’avait pas hésité un seul instant lorsqu’elle était revenue à Goldrynn. La voix rauque du souverain résonna dans la pièce.

— Jaelith. J’ai besoin de te parler sérieusement.

Il leva sa tête vers elle, et cette dernière secoua la tête avec un léger sourire.

— Tu vas encore me demander de devenir ta femme, je me trompe ?

Le balafré étouffa un rire. Il demanda :

— Je suis si prévisible que ça ?

Sa compagne posa doucement sa main sur le visage du roi loup, lui caressant tendrement la joue.

— Freyki… Je pense qu’il est temps pour moi d’arrêter de fuir.

Il ne répondit pas et la laisse continuer.

— En fait, j’ai toujours pensé que ce mariage, notre mariage, serait un frein à ma liberté. Pourtant…

La jeune femme étouffa un sanglot.

— Pourtant c’est auprès de toi que je veux rester. C’est à tes côtés que je veux vivre. Je sais très bien que je ne serais pas aussi libre qu’auparavant. Mais c’est ce que je veux. Pour moi et pour notre enfant.

Elle posa ses mains tremblantes sur son ventre.

— Ma réponse est oui, Freyki. Oui, je veux devenir ta femme. Si tu y tiens tant, alors je deviendrais ta reine et la mère de tes enfants.

Le balafré n’avait pas répondu. Lentement, serrant les dents parce que la douleur le faisait souffrir, il se leva de son lit. Puis il l’avait prise contre lui, La tête de la jeune femme contre son torse, il caressait sa douce chevelure dorée. Lentement, son regard vide se tourna vers lui, et il avait l’impression qu’elle le voyait. Elle l'enflammait de toute son âme. Leurs visages se rapprochèrent. Les lèvres se touchèrent, d'abord lentement, tendrement, puis avec passion.

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