Chapitre 20 - Partir avant la tempête
Elle était là, immobile, sur le sol. Le roi loup avançait vers la silhouette immobile telle un automate. Aucun son ne sortait de sa gorge. Lentement, il tendit ses bras vers elle. C'est alors qu'il s’aperçut qu'il en manquait un.
Où était passé son bras droit ? La question ne trouva pas de réponse et il se focalisa à nouveau sur Jaelith. Il prononça son nom une première fois mais n'avait obtenu aucune réponse. Enfin, il l'avait rejoint et se pencha sur elle, murmurant une seconde fois son nom. Sa main gauche caressa le visage pâle aux yeux vitreux, puis la souleva doucement.
Sans qu'il ne s'en rende compte, Freyki s'était mis à pleurer. Les larmes coulaient telles des rivières le long de ses joues et retombaient sur le corps sans vie de celle qu'il avait aimé de toute son âme.
Freyki se leva en sueur. Il détestait ce genre de rêves. Pourtant, il n'y attachait pas autant d'importance que Jaelith. Mais cette fois-ci, c'était étrange. Il se sentait mal et avait l'estomac tout retourné. Il tourna la tête vers le côté et vit que sa compagne était déjà levée. Il se leva, se lava et s'habilla avant de pousser la porte de la chambre. La journée qui s'annonçait allait être compliquée.
Dès la première heure, le roi Loup avait convoqué ses deux généraux. Si le général Uchen Nomrid avait l'habitude de ce genre de réunion, ce n'était pas le cas d'Elrynd Kervalen. Le paladin était anxieux.
— Pardonnez-moi de vous avoir fait revenir d'urgence Uchen, mais je n'avais pas le choix. J'ai besoin de votre avis.
Le susnommé s'inclina avant de répondre :
— Ne vous excusez pas pour cela et venons-en aux faits.
Freyki hocha la tête. Sa voix résonna dans la petite salle du conseil de guerre.
— Pour faire simple, c'est la guerre civile chez les elfes, au sud. Un messager est venu nous prévenir hier soir. Selon lui, ce serait le chaos.
Le paladin frissonna. Il savait que certains elfes étaient venus aider les humains pendant l'attaque du dragon noir, mais il ne comprenait pas pourquoi le roi accordait autant d'importance à une guerre civile qui n'avait pas lieu dans son royaume. Il tourna la tête vers le souverain et osa lui poser la question :
— Quel est l'intérêt de nous immiscer dans une guerre qui n'est pas la nôtre ?
L'homme à la cicatrice se racla la gorge.
— Nous avons une dette envers les elfes, c'est le moment de s'en acquitter.
— Une guerre civile ne nous regarde pas. Ce n'est pas comme si ils étaient attaqués par des dragons venus du sud, ou par une armée d'une autre contrée.
Freyki tapa du poing sur la table.
— Vous voulez dire que nous devrions les laisser s'entretuer les bras croisés ?
Elrynd pensait à cet instant que c'était le genre de paroles qu'aurait sorti Jaelith. D’abord surprit, il ouvrit la bouche pour répliquer, mais se retint. Il laissa son souverain continuer son discours qui se termina avec l'envoi d'un groupe d'une centaine d'hommes armés à la frontière sud. A peine le général Uchen était-il sortit de la salle qu'Elrynd s'adressa au roi d'une voix colérique :
— Vous allez envoyer des hommes là-bas justes pour lui faire plaisir ?
— De quoi parlez-vous ?
Le regard du paladin était noir.
— C'est parce que Jaelith vous l'a demandé, c'est ça ?
Freyki secoua la tête.
— Non... Nous avons une dette et...
— Arrêtez de dire ça. Je sais très bien que vous vous fichez du sort des elfes comme de votre première chemise ! Vous allez envoyer des hommes à la mort pour obtenir ses faveurs ?
L'homme à la cicatrice leva les yeux au plafond en soupirant.
— Je pourrais vous mettre en prison tout de suite, mais je préfère vous mettre en garde et vous demander de bien gentiment cesser, Elrynd.
— Une solution de facilité.
Le paladin sortit de la salle, énervé, et claqua la porte derrière lui, laissant Freyki seul. Ce dernier se laissa tomber sur son siège avant de prendre sa tête entre ses mains. Au fond de lui, il savait qu'Elrynd avait raison. C'était pour elle qu'il avait pris cette décision. Et pour elle, il était prêt à faire n'importe quoi.
Jaelith était perdue dans ses pensées. Elle surveillait vaguement les apprentis paladins qui s'entrainaient. La jeune femme jouait avec l'œil de Fereyan dont la pierre précieuse ne brillait plus depuis longtemps.
— Jaelith !
La voix d'Elrynd la sortit de sa rêverie. Elle se tourna vers son supérieur qui avait l'air fâché.
— Que se passe-t-il ? Il y a un problème ?
Le paladin hocha la tête.
— Qu'est-ce que tu penses de l'idée d'envoyer une centaine d'homme pour arrêter une guerre civile ?
Elle était surprise de la question.
— Une centaine d'homme ? Sans avoir plus d'informations ? Ce serait idiot.
— C'est pourtant ce que s'apprête à faire le roi.
— Mais c'est complétement idiot !
— A toi le lui faire comprendre. Il n'a pas voulu m'écouter.
Jaelith se dirigea en courant vers le donjon, laissant là le général. Elle retrouva rapidement son amant qui n'était pas encore sortit de la salle du conseil de guerre. Freyki leva la tête vers elle. Il allait prendre la parole quand la jeune femme essoufflée par sa course s'était mise à hurler :
— Quand cesseras-tu de prendre des décisions aussi insensées ?
— De quoi parles-tu ?
— Elrynd vient de me dire que tu voulais envoyer des hommes au sud pour s'occuper de la guerre civile. C'est la vérité ?
L'homme à la cicatrice hoche doucement la tête. La jeune femme explosa :
— Tu ne possèdes aucune information sur ce qu'il se passe exactement là-bas ! Personne n'a jamais mis les pieds dans la cité d'Argent à part moi !
La jeune femme prit sa respiration, et d'un regard noir, elle annonça de but en blanc :
— C'est moi qui partirai là-bas.
Freyki se leva d'un bond de son siège.
— Il n'en est pas question !
— Pourquoi ?
Elle attendait les arguments du roi loup, mais devant son silence, elle continua :
— Je suis déjà allé là-bas. Je suis à moitié elfe. Il n'y a que moi ici qui pourrait faire entendre ma voix.
— C'est trop dangereux.
— Si je suis seule, oui. Mais je serais accompagnée par ta centaine d'homme.
— Non !
Le regard de l'homme s'était planté dans celui de Jaelith. Cette dernière secoua la tête. Visiblement, elle avait l'air fâché.
— Freyki, je ne suis pas un animal de compagnie que tu peux commander à ta guise.
— Ce n'est pas ce que j'ai dit !
Le roi loup soupira. Il posa ses mains sur les frêles épaules de la jeune femme.
— Jaelith... Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit, est-ce si difficile à comprendre ?
La jeune femme le repoussa. Le visage rouge, elle hurla presque :
— Et voilà ! Encore une fois tu ne comprends pas !
Elle se retourna et allait sortir de la salle. Freyki cria :
— Je suis le roi ici !
Il regretta immédiatement d’avoir prononcé cette phrase. Jaelith s'arrêta et tourna lentement sa tête vers lui. D'une voix froide, elle lui lança :
— Oui, tu es roi. Tu le répète assez souvent, je l'ai bien compris à force.
Il y eut un silence, puis la jeune femme partit, laissant là l'homme à la cicatrice.
Jaelith n'adressa pas la parole à son amant du reste de la journée. Freyki avait bien essayé de lui parler, mais elle faisait comme si il n'existait pas. Elle s'était couchée bien avant lui le soir venu et avait dormit d'un sommeil sans rêves.
Lorsqu'elle se réveilla, le soleil n'était pas encore levé. Elle s'habilla sans faire le moindre bruit puis fit une toilette rapide dans la salle d'eau. Lorsqu'elle revint dans la chambre, Freyki dormait toujours. Jaelith l'observait. Elle aurait voulu rester là et dormir à ses côtés, mais elle ne pouvait pas laisser la situation se dégrader d'avantage au sud du continent. Une partie d'elle-même devait se trouver là-bas auprès de ses frères et sœurs elfes. Ses yeux se posèrent sur le corps endormit, puis doucement, sans faire de bruit, elle sortit de la chambre. Rares étaient les gardes à se trouver dans les couloirs à cette heure matinale, et elle ne croisa personne. Une fois sortie du donjon, elle respira l'air frais.
Le soleil apparut doucement au loin, brillant de mille feux, inondant de sa chaleur la cité. Les chants des oiseaux et le bruissement du vent dans les arbres étaient les seuls bruits que l'on pouvait entendre. Elle espérait que Freyki ne se réveille pas tout de suite. Elle ne voulait pas avoir à lui expliquer sa décision. La jeune femme ne voulait pas d'une autre guerre. Elle ne voulait pas voir à nouveau le sang couler. Sa décision était prise au moment même où l'éclaireur lui avait apporté la mauvaise nouvelle. Elle irait seule à la cité d'argent. Elle irait trouver les deux sœurs et tacherait de mettre fin à cette guerre ridicule. Et elle ne voulait pas entrainer ceux qu'elle aimait dans cette mission suicide. Car elle savait que ses chances de réussir son entreprise étaient bien minces.
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