Jour 6 : Périple
C'est mon premier jour dans les Alpes suisses, je suis crevée par le trajet, et mon mec veut déjà partir en randonnée. C'est facile pour lui, il a dormi pendant les quatre-cent trente trois derniers kilomètres, il pète le feu ! Et il ose me dire que ça m'aidera à détendre mes jambes après être restée assise si longtemps... Il se fout de moi ? J'ai tout préparé, j'ai conduit, je viens de défaire nos valises et de préparer un repas relativement correct vu que Monsieur voulait que ce soit rapide parce que, je cite, la route l'avait crevé... J'ai bien envie d'aller à cette rando juste pour le plaisir de le perdre et de revenir me reposer.
Quinze kilomètres de marche à pied avec des dénivelés, des montées, des sentiers plus ou moins fins... Sachant que j'ai bossé jusqu'à hier dix-neuf heures à l'hôpital, que c'est moi qui ai préparé les bagages pour nous deux, que j'ai prévu les repas jusqu'au moment où JE pourais aller en courses, que j'ai conduit... Bref, je ne suis pas en état. Tout ce que je veux, c'est dormir... Mais si je n'y vais pas, il va me faire une scène et non seulement je serai obligée d'y aller pour le calmer, mais en plus je devrai supporter ses bouderies et ses jérémiades.
Je lui tends son sac à dos, je prends le mien, et les râleries commencent. L'eau de sa gourde n'est pas assez fraîche, son sac est trop lourd, c'est pas le genre de sandwich qu'il aime... Si il n'est pas content, il n'avait qu'à le préparer son fichu sac ! Des semaines qu'il est ingérable. Des semaines que je pense à le quitter. J'aurais dû le faire avant de partir. Quand on sera rentrés, je lui signifierai qu'il n'a pas à défaire ses valises et qu'il peut repartir avec chez sa mère. En attendant, allons randonner.
Dieu merci, la nature a toujours eu le don de m'apaiser. Le chant des oiseaux, les odeurs de terre et de plantes, le parfum des fleurs. Je ne pensais pas y arriver mais finalement ce circuit de quinze kilomètres s'est fait tranquillement et comme j'ai volontairement marché quelques pas derrière mon futur ex, j'ai pu en profiter sans l'entendre. De toute façon, même si j'avais été à côté de lui, ça n'aurait rien changé. Il met toujours de la musique et je dois me taire pendant qu'il trace son chemin. C'est à se demander pourquoi il me force à l'accompagner.
En attendant, venir ici en automne, c'est la meilleure idée que j'ai eue ! Les couleurs sont sublimes, les senteurs m'enchantent, il ne fait ni trop chaud, ni trop froid... et en prime, comme c'est hors saison, j'ai eu le chalet moitié prix ! Les cailloux roulent sous mes pieds, les fougères me chatouillent les mollets, le vent me caresse le visage, et le bruissement des feuilles murmure à mes oreilles à quel point les arbres sont heureux que je sois sur leur chemin (oui, bon, ça je l'imagine, je ne parle pas le langage de la nature, mais ça fait du bien de se dire que quelqu'un ou quelque chose se réjouisse que je sois là).
Demain, je ferai les courses pour la semaine mais dans deux jours, je sais que je prendrai à nouveau ces chemins de terre balisés pour profiter à fond de ce magnifique endroit. Je crois même que je vais y venir chaque année, seule ou avec mon futur chéri (en espérant que je ne tomberai pas sur le même genre de mec que je me coltine actuellement...), histoire de déconnecter un peu avec le quotidien. Un bol d'air frais et pur, ça change de l'odeur aseptisée de l'hôpital; le chant des oiseaux est bienvenu pour oublier les cris de douleurs des patients et le bla bla incessant des médecins (surtout de ceux qui nous prennent, nous les infirmières, pour leurs larbins et qui pensent que sans nous ils pourraient travailler tout aussi bien...); la vue dégagée est bien plus agréable que la couleur des murs... Bref, vive la rando !
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