Jour 30 : Violon
La scène est plongée dans le noir, hormis un spot qui m'éclaire. Mes yeux sont fermés, mes doits tremblent légèrement en tenant l'archet. Ce soir, c'est le concert le plus important de ma vie. Ce soir, mes parents sont dans la salle, et maman a un cancer en stade terminal. Ce soir, c'est la dernière fois qu'elle pourra m'entendre jouer devant un public, alors je dois donner le meilleur de moi-même.
J'ai commencé le violon à l'âge de cinq ans, un peu sur un coup de tête. On était dans une boutique de musique, maman cherchait un piano pour l'offrir à papa, je regardais les instruments et j'ai été attiré par un Thomann adapté à mon âge et à ma taille. J'ai demandé à essayer et dès que j'ai posé l'archet sur les cordes, malgré les sons horribles que j'en ai sortis, j'ai su que je voudrais en jouer toute ma vie.
En vingt ans, j'ai perfectionné mon jeu, appris des plus grands, testé des centaines de partitions. On m'a surnommé "le petit prodige" parce que j'ai su apprendre plus vite que la plupart des violonistes et aujourd'hui, je suis soliste à l'Opéra National de Paris et premier violon dans l'orchestre.
Je prends une grande inspiration, souffle lentement, et commence à jouer le Canon en D de Pachelbel. C'est le morceau préféré de ma maman. Papa le lui joue souvent au piano mais elle ne m'a jamais entendu le jouer. Elle ignore que ce dernier va me rejoindre sur scène pour le jouer avec moi. Nous nous sommes entraînés dans le plus grand secret et quand j'ai expliqué la situation au directeur de l'Opéra, il a accepté ce duo.
J'ai prévu de jouer une dizaine des morceaux que maman aime le plus au monde. Bach, Beethoven, Mozart... Je veux qu'elle puisse repenser à ce concert jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux pour toujours. D'ailleurs, sa soeur est là, dans le public, pour filmer la soirée. Je veux que ce soit le plus beau cadeau que j'ai pu lui faire. Je veux que ça la fasse sourire. Je ne veux pas la voir partir...
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