La vie à Cork
Léanne :
J’avais déjà vu au cirque le talent de certaines personnes pour dompter des animaux mais ce qui venait de se produire était d’un toute autre nature. Liz et Arthur venaient de contrôler une bonne partie des animaux de la ville. Ils s’étaient juste rassemblés sans le moindre bruit à les écouter. Visiblement, le pouvoir des talentueux nous réserve encore de nombreuses surprises. Liz et Arthur ne cessait de se regarder sans vraiment comprendre ce qu’il venait de se passer. C’est Thomas qui brisa le silence le premier :
« - Comment vous avez fait ça les gars ? C’était juste énorme.
-Ben j’en ai aucune idée. On a juste joué de la musique comme d’habitude, dit Liz.
-Mon frère nommé cela la mutation. Il pensait que le gène pouvait évoluer après s’être réveillé et d’après lui, le porteur de gène pouvait aussi développer une sorte de pouvoir en rapport avec son don. Visiblement, ce qu’il disait était la vérité. Mes jeunes amis, les musiciens possèdent le pouvoir du contrôle des animaux tout simplement, expliqua John en souriant.
-Cela signifie que Léanne, Thomas ou moi auront surement une sorte de pouvoir aussi ?
-Il est très probable Léo. En attendant, allons à l’Université. »
On ne pouvait vraiment pas la rater. Elle était majestueuse et on aurait dit Poudlard. Le bâtiment encadrait une large pelouse bien verte. Il y avait pas mal d’étudiants assis dans l’herbe à réviser ou à discuter. Il faisait quand même un peu froid mais pourtant les étudiants n’étaient pas trop habillés. Nous avons visité la bibliothèque Boole, une rapide recherche Internet m’appris qu’il s’agissait d’un mathématicien et pionnier de l’algèbre logique. John nous faisait visiter les bâtiments principaux tout en nous expliquant leurs histoires. Nous avons donc appris qu’il existait quatre pôles différents : Arts, études celtiques et sciences sociales, Commerce et droit, Médecine et santé, Sciences, génie et agroalimentaire. Le bâtiment principal était entièrement en pierre. Il y avait de larges escaliers recouverts de tapis.
Apres deux ou trois détours, nous sommes arrivés au département de mathématiques. Il y avait plusieurs classes et quelques amphithéâtres. Un seul était encore plein d’étudiants, visiblement captivés par le professeur. A travers la porte vitrée, je pouvais le voir, debout sur le bureau en train de faire de grands gestes. Il riait beaucoup tout comme l’ensemble de sa classe. La sonnerie ne les arrêta pas dans leur élan. Dix minutes plus tard seulement, l’enseignant descendit du bureau et libéra les étudiants. Après que tout le monde fut sorti nous avons suivi John dans la salle de classe afin qu’il nous présente au jeune mathématicien.
« -Marc ? demanda John. Voici de jeunes gens qui souhaitent te rencontrer. Les enfants, voici, le professeur Marc Bubble.
-Enchanté tout le monde. Bon, êtes-vous ici pour parler d’analyse vectorielle et d’algèbre linéaire ou pour parler de Léonard de Vinci, répondit Marc en souriant.
-Comment êtes-vous au courant pour cela ? demanda Léo.
-Il y a quelques temps, j’ai rêvé de plusieurs personnes dans une salle blanche avec une boule lumineuse au milieu. Le lendemain matin j’avais un tatouage du symbole Pi dans la paume de ma main. Puis j’ai développé un talent encore plus grand pour les mathématiques et j’ai passé l’agrégation pour devenir enseignant ici. C’était un de mes rêves. Il est maintenant réalisé.
-Est-ce que, par hasard, vous auriez reçu une lettre d’un certain professeur James Casenine ? demandais-je.
-Oui, il y a une semaine environ mais je l’ai jetée car il voulait que je vienne dans un centre mais j’ai refusé. Je ne sais pas pourquoi mais je n’arrivais pas à lui faire confiance.
-Vous avez bien fait, dit Thomas. Nous devons vous expliquer toute notre histoire pour que vous puissiez comprendre nos motivations. »
Pendant près de trente minutes, Thomas, Léo et moi, lui racontions comment tout avait commencé. Des débuts de Léo et Mary à notre rencontre tous les quatre. Nous lui avons expliqué comment Thomas et moi avions pu nous échapper et comment nous avions rencontré Liz et Arthur à Londres, tandis que Léo et Mary étaient restés prisonniers. Enfin nous lui avons raconté comment nous nous sommes retrouvés à Cork avec le professeur John Casenine le frère ainé de James.
«-Si j’ai bien compris, vous avez besoin de mon aide pour sauver votre amie Mary ? s’enquit Marc.
-C’est exact, Monsieur Bubble, dit Léo.
-Ah non pas de monsieur, on dirait mon père puis appelez-moi Marc, on a quasiment le même âge, répondit-il en riant.
-Exactement, enfin Mary est notre amie mais elle est un peu plus que ça pour Léo, rajouta Thomas en lui faisant une tape amicale.
-Thomas… Je ne pense pas que parler de ma relation avec Mary va changer quelque chose. Bon, quand est ce que l’on se met en route, dit-il afin de changer de sujet ? »
Marc nous invita à passer la nuit chez lui car il était trop tard pour aller au Centre. Comme il n’avait pas de place pour tous nous héberger, Liz et Arthur sont allés dormir chez John et nous avons pris tous les quatre la direction du centre-ville. Marc habitait dans un sublime immeuble de la Washington Street, juste au-dessus d’un pub et à côté du palais de justice. Il nous rassura en disant que l’appartement était bien isolé que l’on n’entendait jamais les bagarres en dessous. Son appartement était un peu plus grand que nous ne l’imaginions. Il avait une chambre d’ami plus un canapé qui pouvait se déplier.
Il décida de nous préparer un plat typiquement irlandais : un Shepherd’s pie, une sorte d’hachis parmentier irlandais. Bon… Qui ne tente rien, n’a rien comme on dit. Après une heure, le repas était prêt. Une bonne odeur embaumait tout l’appartement. Le plus drôle, c’est que Marc semblait étonné d’avoir aussi bien réussi sa recette. Il nous avoua que d’habitude, son plat prenait feu ou alors ce n’était pas assez cuit. Cela nous fit beaucoup rire. La table était mise et nous avons pu passer à table. Le repas était vraiment très bon, le mélange de viande était très fondant et sa purée excellente. Il avait également fait un Apple crumble cake en dessert, un gâteau fondant et croustillant à la fois. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas aussi bien mangé.
Après ce bon repas, nous avons pu prendre une douche et cela faisait plus de 40h que je ne m’étais pas douché avec ces voyages. Je ne vais pas vous mentir, je l’ai beaucoup appréciée. Marc nous proposa de sortir au bar en dessous car une troupe de comédien devait jouer le soir-là. C’était une troupe espagnole , La Conserjería, qui interprété des petits sketchs assez drôles. Le comédien principal, un certain Felipe Galilei, était excellent. Il semblait vivre son personnage à fond. On était au premier rang et il nous a bien fait rire, avec ses intonations et ses cris de détresse. On sentait qu’il aimait vraiment son métier. Je remarquais que Thomas et Léo n’arrêtaient pas de discuter entre eux et semblaient songeurs. Je n’arrêtais pas de donner des coups à Thomas car je trouvais ça malpoli. Puis il s’approchait doucement de moi et me dis en chuchotant :
« -Tu as vu ses mains à Felipe ?
-Ben elles ont quoi de spécial ?
-Regarde bien mon cœur. »
Je m’arrêtais pour l’observer mais il faisait beaucoup de gestes avec ses mains. Mais l’espace d’un moment, je vis une sorte de tatouage. Après deux ou trois minutes à le regarder, je pouvais affirmer que Felipe Galilei avait un tatouage représentant les deux masques de théâtre (celui de la tragédie et celui de la comédie), au milieu de la paume de sa main. Cela était impossible, il ne pouvait pas être un talentueux car John Casenine nous avait dit que nous ne pouvions pas vivre au-delà de trente ans, or l’acteur en avait plus, ou en tout cas il faisait plus (je m’excuse auprès de lui pour ça) Je regardais Thomas l’air surpris tandis qu’il me souriait.
C’était sûr, il fallait que nous parlions à cet homme après la représentation. La pièce se termina une heure plus tard sous les applaudissements du public. Les comédiens reçurent une standing ovation. La plupart des clients du pub commençaient à sortir lorsque nous décidâmes d’aller en coulisse. On avait à peine passé le rideau que j’ai percuté Felipe Galilei. Il rigola en nous voyant.
« -Qu’est-ce qu’une bande de jeunes rigolos comme vous faites dans les coulisses d’un petit pub ?
- Monsieur Galilei, nous étions simplement venus voir la pièce, commença Thomas. Puis On a vu que…
- Vous l’avez aimé ? coupa Felipe. Je suis sûr que oui. C’est peut-être même pour cela que vous êtes là. Vous voulez un autographe ? Non je suis sûr que ce n’est pas ça. Peut-être des cours de théâtre mais j’en doute aussi.
-Essayez de vous calmer, dis-je. Avant que vous ne nous coupiez, nous aurions voulu savoir d’où venez le tatouage que vous avez dans la paume de votre main.
-Ah non ,vous allez faire comme eux, dit-il en reculant. J’ai déjà donné et je ne veux pas y retourner, rajouta Felipe en paniquant.
-De qui avez-vous peur ? On peut vous protéger si vous avez besoin, dit calmement Marc.
-Mais enfin de vous, des gens du centre qui m’ont kidnappé et gardé prisonnier pendant 10 ans.
-On ne fait pas partie du Centre, nous sommes comme vous, expliqua Thomas en montrant la paume de sa main, tatouée d’un engrenage. Nous avons fui le Centre aussi mais notre amie est encore retenue prisonnière. Naturellement, nous allons la récupérer demain avec des amis talentueux. Nous ne vous demanderons pas de venir mais pourrions-nous avoir vos coordonnées. Je pense qu’il y a deux ou trois choses que l’on aimerait vous demander, si vous n’y voyez pas d’inconvénients. »
Après un temps d’hésitation, il accepta. Il s’approcha à nouveau de nous et retourna sa main pour montrer son tatouage avec les deux masques de théâtre. Chacun notre tour, nous placions notre main au milieu : d’abord Thomas et son engrenage, Marc et le symbole Pi, et enfin Léo et moi avec le pinceau et le crayon entrecroisés. On formait décidemment un drôle de groupe. Soudain la main de Felipe , celle de Léo ainsi que la mienne se mirent à briller. Nous les avons rapprochés l’une de l’autre et un mot apparu au-dessus : Arte. Puis, une boule jaillit de nos mains. Elle avait une teinte orangée et fonça droit sur le mur ou elle explosa comme une bombe de peinture. Elle s’étendait comme un écran. La teinte orangée varia et soudain on vit une image qui se mit en mouvement.
Nos mains avaient créé une projection mentale. Felipe demanda en rigolant si on pouvait s’en servir pour regarder des films à la maison mais personne ne releva la blague, trop intrigué par cette projection. Nous nous sommes tous les cinq approchés doucement. La scène semblait se déroulait à Paris, je voyais un jeune garçon au cheveux long en train de mesurer la largeur d’une colonne grecque. Je le voyais noté les dimensions dans un carnet. Visiblement il s’agissait d’un des deux architectes.
La scène changea, on vit le même jeune homme dans un avion où il lisait attentivement une lettre. Je reconnais tout de suite le monogramme en bas, c’était celui de James Casenine. On vit la même personne devant un grand bâtiment que nous avons tous reconnu comme étant le Centre. Il regarda sa montre digitale. Elle affichait 28 novembre 2019, c’est à dire aujourd’hui. Le plus troublant état l’heure : 22h 30. C’était précisément l’heure qu’il était. Ce n’était pas un souvenir ou un rêve, non , c’était la réalité. James Casenine avait convaincu une autre personne.
La scène se figea mais un nom apparu : Victor d’Artois. Probablement le nom du jeune homme. Je me souvenais aussi que lorsque nous y étions la première fois, le professeur Casenine nous avait avoué qu’il y avait d’autres talentueux dans le Centre. Je ne sais pas s’ils sont là-bas de leur plein gré, mais il faut leur faire voir la vérité derrière tout cela. Une raison de plus d’y retourner, mais l’objectif premier est de sauver Mary. Qui sait ce qu’elle pouvait endurer ? Après cette vision quelque peu mouvementée, nous avons laissé Felipe Galilei, en prenant son numéro de téléphone et son adresse mail. Nous sommes rentrés tous les quatre et nous nous sommes assez rapidement endormis.
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