Chapitre 4
Le lendemain de notre sortie au bar, nous avons passé la journée à découvrir un peu le camping, Rose n’étant jamais venu, mais nous avons également profité de la piscine extérieure ainsi que des toboggans. Nous avons mangé le repas du midi au bar de la plage visité précédemment mais je ne l’ai pas aperçu à nouveau. J’ai cru rêver lorsque sa silhouette est apparue à seulement quelques mètres de notre table hier soir. C’est complètement irréaliste de le revoir ici dix ans après. Grâce à lui, j’ai compris que j’aimais les garçons. Je n’avais vraiment réfléchi à ma sexualité avant lui, je n’avais pas vraiment d’expérience à part une copine durant le collège qui n’a pas durée très longtemps. Il a retourné tout ce que je croyais savoir sur moi tout en me faisant découvrir l’une des plus belles sensations du monde. L’amour.
Je mentirais si je disais que je n’avais rien ressenti en le voyant. Comment le pourrais-je ? Le quitter a été un véritable déchirement. Mais c’était ce que nous avions convenu tous les deux. Ne pas s’attacher trop car nous savions que notre relation avait une date de péremption. La distance entre nous deux villes auraient été impossible à surmonter à l’époque pour deux adolescents.
Rose n’est pas au courant de cette période de ma vie, lorsque nous nous sommes définitivement quittés, nous avons essayé de maintenir le contact. Les réseaux sociaux font des miracles aujourd’hui mais cela n’a pas suffi en ce qui nous concernait et l’éloignement a eu raison de nous, je n’ai jamais su ce qu’il devenait mais visiblement nous risquons de nous croiser durant ce mois.
Au fond, je l’espère un peu. Tu viens de rompre, Gabriel. Ce n’est pas le moment de penser à ça.
C’est plus fort que moi. La présence de Sacha change complètement ma perspective.
En route pour le mobil-home afin de récupérer mon ordinateur afin de travailler un peu sur mon prochain roman sur la terrasse du café. Je traverse le camping priant pour ne pas croiser Sacha au détour d’une allée. Le soleil tape fort, il n’y a pas un seul nuage pour gâcher ce beau ciel d’été. Lorsque j’arrive à notre emplacement, j’entre rapidement pour récupérer ce que je cherche avant de ressortir aussi sec. Le sac du PC sur l’épaule, je sors mon téléphone entendant le son d’une notification :
14H15 De Alex <3 :
Est-ce que je peux t'appeler... ?
14h16 De Gabriel :
Non. Oublie-moi.
Je m’apprête à remettre mon portable dans ma poche lorsque la sonnerie d’appel retentit. Mon sang ne fait qu’un tour en voyant le prénom de Alexander apparaitre sur l’écran. J’aurais dû m’y attendre. Je décroche avant de mettre mon téléphone à l’oreille :
- Gab ? Je n’arrive pas à croire que tu aies répondu…
- Qu’est-ce que tu me veux ? craché-je le ton rempli d’amertume.
- Je voulais simplement entendre ta voix…
- Tu n’en as plus le droit, Alex. Je croyais avoir été clair.
- Je suis toujours amoureux de toi. Je sais que je n’aurais jamais dû faire ça mais j’étais bête et seul.
- Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Je ne ressens plus rien pour toi.
- Tu ne peux pas dire ça. Nous avons passé sept ans ensemble. Tu ne peux pas tout envoyer balader.
- C’est toi qui as tout envoyé valser. Tu aurais choisi de me parler plutôt que de coucher avec le voisin, nous n’en serions pas là.
- Gab…
- Laisse-moi vivre ma vie, sinon je te bloque.
- Très bien… Je t’aime Gabriel.
- C’est bien pour toi.
Je raccroche sans plus de cérémonie, remettant définitivement mon portable à sa place. J’essuie une larme dans le coin de mon œil. Même si je ne ressens plus de sentiment amoureux envers lui, je ne pourrais jamais cesser de l’aimer malgré ce qu’il a fait et c’est sans doute le pire. Il a été important pour moi. C’est impossible de tout oublier. Mais je sais que malgré tout ça, je ne reviendrai jamais vers lui, c’est inconcevable. Il a brisé la confiance que j’avais pour lui et elle ne reviendra jamais. Seul le regret des bons moments reste encore présent.
Je reprends ma marche pour la retrouver déjà installé, je la surprends accompagné de la jolie fille qui courait avec Sacha sur la plage. Elle est jolie avec ses long cheveux brun attaché en deux nattes tombant dans son dos. Ses pupilles vertes se relèvent dans ma direction, fronçant les sourcils. Maintenant que je vois son visage, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part mais cela me semble très flou. En tout cas, elle vraiment belle, je ne serai pas étonné qu’elle soit la petite amie de Sacha. Je m’avance, répondant au sourire que m’offre Rose.
- Je te présente Romy. Elle est en vacances avec son ami pas loin de notre mobil-home. Je l’ai croisé au comptoir et nous avons sympathisé, je l’ai invité à se joindre à nous, m’explique Rose.
- Enchanté, salué-je poliment.
Elle m’imite, laissant mon ami continuer :
- Je te présente, Gabriel, mon meilleur ami.
Elle ouvre grand ses yeux, plaquant ses mains sur sa bouche. D’un bond, Romy se lève pour me serrer dans ses bras. Complètement perdu, je regarde Rose qui hausse simplement les épaules, dans le même état que moi. Elle finit par se redresser, me faisant face et maintenant, plus près, j’ai vraiment cette sensation de déjà-vu.
- Je suis désolée de t’avoir sauté dessus mais je suis tellement heureuse de te revoir, Gabriel.
- Romy…, murmuré-je, Tu as tellement changé. Je ne t’avais pas reconnu.
- Toi aussi, Gab.
- Vous vous connaissez ? s’étonne Rose, apparemment dans le même état que moi, Viens t’asseoir, tu vas me raconter.
Romy me lâche murmurant rapidement quelques mots à mon oreille que mon amie ne comprend pas :
- Il est là, tu sais ?
Ses iris croisent les miennes une seconde et elle comprend que je suis déjà au courant. Mon cœur se serre, si elle est là, il va forcément nous rejoindre.
Est-ce que je suis prêt à le revoir ?
- Alors, je veux tout savoir ! s’impatiente Rose alors que je m’installe prêt d’elle.
- Nous nous sommes rencontrés ici même il y a dix ans, explique Romy rempli de nostalgie, Je vis en Camargue à l’année mais nous avons eu un grave souci dans notre maison et nous avons dû vivre au camping pendant quelques semaines. Le patron est le frère de mon père, il a alors accepté que nous séjournions sur un emplacement le temps des travaux. J’ai connu Gabriel grâce à Sacha, qui avait sympathisé avec lui plus tôt.
- J’ai dû rentrer chez moi à la fin des vacances mais cela a été trop dur de garder contact avec la distance, je termine.
- C’est marrant que vous vous retrouviez ici après autant de temps.
- J’ai fini mes études et je commence à travailler en tant qu’animatrice à la fin de l’été. Mon oncle a accepté que je profite une dernière fois de deux mois de vacances.
- C’est vraiment gentil de sa part, souligne Rose.
Nous continuons de discuter, rattrapant les années perdues. Ce que je ne comprends pas c’est pourquoi avoir arrêté complètement de me parler alors qu’eux deux sont restés amis. Qu’est-ce qui clochait pour qu’ils me laissent ? Je sais que j’ai mes torts dans cette perte de contact mais je suis assez déçu de voir qu’eux sont restés ami malgré les années. Sacha vivait à Belfort à ce moment-là donc lui aussi n’habitait tout près. Enfin… Ils ont sûrement une bonne raison.
- Sacha est censé me rejoindre bientôt. Est-ce que tu veux rester ? s’interroge Romy au bout d’une demi-heure.
- Depuis quand tu me caches des choses, Gab ?
- C’est une longue histoire, Rosie. Je te promets de…
Ma phrase n’a pas le temps d’atteindre son but qu’une silhouette familière traverse les allées, s’arrêtant quelques secondes pour chercher Romy du regard.
De loin, je ne sais pas s’il me reconnaît mais moi, je suis incapable d’oublier son visage. Plus il se rapproche, plus je m’aperçois combien il a évolué lui aussi. Ses traits fins sont devenus plus adulte même s’il a conservé son air d’adolescent. Pendant que mon cerveau tourne à mille à l’heure, mon flux de pensée est soudainement coupé dans son élan :
- Gabriel Mercier ? C’est bien toi ?
Mes cordes vocales se retrouvent atrophiés. Aucun son ne sort de ma bouche alors que je fixe ses yeux verts. Rose et Romy se regardent, impuissante. Je hoche la tête dans un mouvement imperceptible que seul Sacha parvient à remarquer. Doucement, il me prend la main dans une invitation à le suivre.
- Nous revenons, informe-t-il à l’intention des filles.
- Surveille mon ordinateur s’il te plaît. Tout va bien, bredouillé-je.
Nous nous éloignons sur la plage, à l’écart de tous. Les vagues vont et viennent en rythme, mon regard s’attarde dessus trouvant cette danse apaisante. Il s’installe près de l’eau, retirant ses tongs pour que l’eau s’échoue sur ses pieds. Un coup d’œil rapide dans ma direction m’invite à l’imiter, m’installant à ses côtés, dessinant des formes bizarres dans le sable.
- Alors… C’est toi, n’est-ce pas ?
- Oui, j’avoue d’une petite voix.
- Je ne sais pas comment réagir. J’étais persuadé que nous ne nous reverrions jamais.
- Moi aussi, Sacha. J’ai été surpris de voir Romy. Je ne savais pas que vous étiez toujours en contact.
Ma voix se teinte d’amertume malgré moi mais je suis tellement déçu de voir que leur relation n’a pas changé alors que nous avons tous les deux eu le cœur brisé en nous séparant cette journée-là.
- Mes parents ont choisi de déménager dans la région quelques mois après, nous ne nous parlions déjà plus toi et moi. J’ai revu Romy au lycée par hasard.
- Je comprends mieux. Pourquoi ne me l’avoir jamais dit ?
- J’ai été autant dévasté que toi après cette rupture, Gab. Je me suis bêtement dis que cela serait plus simple de t’oublier. Mais comme tu peux le constater, même après dix ans, je suis incapable de ne pas te reconnaître.
- Je t’ai vu hier sur la plage avec Romy, même de loin, je savais que c’était toi.
- Tu m’as sincèrement manqué, Gabriel. Même si c’est étrange de se revoir après tout ce temps, j’aimerai apprendre à connaître ce nouveau toi.
Je lui offre un sourire auquel il répond, son nez se retroussant légèrement, comme avant.
- C’est réciproque, Sacha.
Je tords mes doigts, jouant avec le sable, ne sachant pas si je dois dire ce qui me brûle les lèvres. Visiblement, cela devait le démanger aussi car je l’entends demander doucement :
- Cela va te paraître étrange mais… Tu as quelqu’un dans ta vie ?
- Je viens de rompre. Mon petit ami, enfin, ex maintenant, m’a trompé. C’est une longue histoire. C’est ma famille qui a organisé ce voyage pour moi… Et toi ?
- Je n’ai personne depuis quelque temps déjà.
- Je peux te savoir pourquoi tu me poses cette question ?
- Nous vivons toujours à des centaines de kilomètres de distance… Je ne suis pas prêt à revivre notre séparation, avoue Sacha, l’air maussade, Tu as été mon premier amour Gabriel, mais tu as aussi été le pire. Ne le prend pas mal, ajoute-t-il précipitamment.
- Je comprends ce que tu veux dire, rassure-toi. Je viens de sortir de quelque chose de compliqué et rester ami, c’est pour moi la meilleure idée.
- Je suis d’accord. Bon… Je dois quand même te dire que tu es devenu entre plus beau qu’avant, plaisante Sacha.
J’éclate de rire, lui retournant le compliment. Nous passons encore quelques minutes à discuter du passé avant de nous lever, prêt à affronter le présent.
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