Chapitre 5
Après cette soirée, quelques jours sont passés où une nouvelle dynamique s’est installé un peu malgré nous, je dois l’avouer. Rose a rapidement sympathisé avec Romy, les deux filles ont plus ou moins le même tempérament et ce qui veux dire par là, c’est qu’elles ont toutes les deux envies de m’ennuyer. Bêtement, j’ai espéré ne pas recroiser Sacha des vacances. C’est puéril. Je le sais parfaitement mais je me souviens de cet été deux milles neuf. Je suis tombé pour lui tellement fort, tellement vite… Une part de moi est effrayé à l’idée que tout cela recommence.
Je serai incapable de l’oublier une seconde fois.
A côté de ça, malgré ce que j’essaie de faire croire, Alexander est toujours dans mon cœur. Enfin, ce n’est pas vraiment exact. Ce sont nos moments en couple ainsi que notre complicité qui me manque. J’aurai adoré partager de telle vacances avec lui. Avant cette histoire, nos avions prévus de partir près des côtes de Saint Tropez pour profiter de la plage, du soleil et surtout de nous-même. Il a vraiment tout gâché. Nous avions tellement de projet tous les deux. Se retrouver seul d’un coup, sans rien, même pas un toit à moi sur la tête. Je fais tout pour être joyeux mais les jours comme aujourd’hui, j’aimerai rester dans mon lit. C’est d’ailleurs ce que je fais à presque dix heures du matin alors que Rose est surement déjà sortie pour boire son café sur la mini terrasse du mobil-home.
La tête encore dans les nuages, j’attrape mon téléphone sans vérifier mes messages, je n’ai pas la foi de lire ceux que Alexander m’envoie tous les jours de notre appel. J’aurai aimé que les choses se passe différemment entre nous, je ne pensais pas qu’il s’accrocherai autant après notre dernière dispute. Sortant enfin du lit pour commencer cette journée de visite à Arles avec Romy et Sacha. J’attrape un t-shirt et un short qui traîne sur les couvertures, les enfilant avant de passer la porte.
- Bonjour.
La surprise me fait reculer de quelques mètres alors que deux billes vertes me fixent. Ce n’est clairement pas la voix de Rose qui m’a salué. Non. C’est celle de Sacha. Qui doit voir la sale tête que j’ai au réveil, les cheveux encore en pétard et la trace de l’oreiller sur la joue.
- Nous n’attendions plus que toi, sourit Rose.
- Nous ne devions pas nous retrouver à midi ?
- Rose et moi, avons pensé que cela serait sympa de passer la matinée ensemble.
- Tu dors toujours autant visiblement, constate Sacha un rire camouflé au fond de la gorge.
GE-NIAL.
Je suis certain qu’il le fait exprès pour me mettre mal à l’aise, déjà, à l’époque, il adorait ça. J’étais jeune et un rien provoquait ce sentiment d’embarras que je peux encore avoir par moment. J’ai conservé une part de moi assez réservé constant avec le côté très extravertit de Rose qui me sort régulièrement de ma zone de confort.
Toujours debout devant eux, mon amie m’intime de m’asseoir, se levant pour me préparer une boisson bien chaude, histoire de me remettre les yeux en face des trous, pendant que je m’exécute, m’installant près de Sacha. Il me chuchote rapidement à l’oreille qu’il plaisantait avant de reprendre sa discussion avec Romy sur le programme de la journée. Je les écoute d’une oreille, émergeant tranquillement et dégustant le délicieux café au lait que m’a préparé Rose.
- Vous souhaitez visiter quelque chose en particulier ? questionne Romy.
- Je ne sais pas trop. Qu’est-ce qu’il y a de vraiment intéressant ?
- Eh bien, Rose, je vous propose d’aller voir l’amphithéâtre romain et puis le théâtre antique. J’aime beaucoup ces lieux, suggère-t-elle, Et bien sûr, flâner un peu dans Arles sinon ça n’a aucun intérêt.
- Cela me convient, je n’ai jamais eu l’occasion d’aller là-bas, se réjouit Sacha.
Toujours à moitié endormi, je hoche la tête lorsque leurs yeux se tournent dans ma direction. Ils se mettent d’accord pour que cela soit Romy qui conduise, connaissant la région comme sa poche. Les deux filles se lèvent pour aller en cuisine, voir si nous avons de quoi préparer des sandwichs avec les quelques courses de nous avons fait à notre arrivés. Seul avec Sacha, je sors mon portable au son d’une nouvelle notification :
10h36 De Alex <3 :
Je t’aime
11h02 de Maman :
J’espère que tout va bien mon grand, tu nous manques. Ta sœur devrait appeler bientôt. Bisous maman.
Je tape une réponse rapide à ma mère, la rassurant sur mon état de santé ainsi que sur notre séjour. Je comprends son inquiétude, ces dernières semaines n’ont pas été facile. Ma famille a été là pour me ramasser à la petite cuillère. Je ne pourrais jamais les remercier suffisamment pour m’offrir ces vacances loin de tout. Cela me fait du bien malgré les tentatives de Alexander pour me récupérer. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de grimacer en lisant son sms. Le regard de Sacha sur moi me perturbe plus que je ne puisse le dire alors que je remets le téléphone dans ma poche ignorant, une fois de plus, Alex.
- Est-ce que tout va bien, Gab ?
- Excuse-moi, c’était Alexander.
- C’est ton ex petit ami, c’est bien ça ?
- Oui. Depuis mon départ il m’envoie un message par jour quasiment.
- Tu ne veux pas le bloquer ?
- Je n’en ai pas vraiment le courage pour le moment, soufflé-je tristement.
- Je comprends, cela faisait combien de temps que vous étiez ensemble ?
- Sept ans, cela aurait fait huit en décembre.
- Tu veux m’en parler ? interroge Sacha.
Je perçois l’hésitation et le doute dans sa voix avant d’esquisser un sourire amusé :
- Ce n’est pas étrange de parler de ça avec une personne qui est également mon ex petit-ami ?
- Tu n’as pas tort, rigole-t-il, Si tu as envie de le faire, je t’écouterai, ajoute Sacha doucement.
- C’est gentil. Ce n’est rien de fou en vérité, cet imbécile m’a trompé avec le voisin. Nous passions une période un peu compliquée dans notre couple et, je ne sais pas, au lieu de m’en parler il a jugé mieux de coucher avec lui dans notre lit.
- Je suis vraiment désolé pour toi.
- Merci. Le pire dans tout ça, c’est que tout aurait pu s’arranger s’il avait fait de meilleur choix.
- Tu ne méritais pas cela, Gabriel.
Je n’ai pas le temps que les filles reviennent avec tout le nécessaire pour confectionner nos repas du midi, espérant poursuivre notre conversation plus tard. Nous passons une petite heure à préparer notre pique-nique avant de prendre la route direction Arles dans la voiture de Romy, qui est au volant, Rose à ses côtés.
Nous mettons une heure pour arriver à l’abord de la ville, Romy cherchant un chemin peu encombré par les touristes pour se rendre au parking du centre. Pendant que Rose, en excellant GPS, essaie de l’aider avec son téléphone, j’observe les alentours. Arles est magnifique, en particulier le quartier de l’Hauture où se situe les lieux que nous voulons visiter aujourd’hui. Cet endroit fait partie de la vieille ville, au cœur son ancienne cité médiévale, avec ses bâtiments aux allures d’époques et pour son patrimoine riche en histoire.
Une fois garé proche du marché, nous sortons de la voiture pour explorer à pied afin trouver un lieu agréable ou manger. Nous parcourons les rues jusqu’à atteindre le Jardin d’été. Les yeux remplis d’étoiles, nous découvrons le jardin adossé à un ancien rempart, nous descendons les marches en forme de fer à cheval avec en son centre un bassin surplombé de verdures. C’est vraiment magnifique, je n’ai pas les mots pour le décrire. Nous marchons doucement, profitant de l’apaisement transmit par le lieu. Des arbres locaux tapissent le parc mais je reconnais quelques espèces exotiques comme des magnolias d’Asie, des cèdres de l’Atlas ou du Liban ou encore l’étonnant ginkgo biloba avec ses grandes feuilles en forme d’éventail. D’après Romy, c’est une espèce qui peuplait déjà la planète au jurassique. J’envoie des photos à Lisa, lui disant combien j’aurai aimé partager cela avec elle.
Nous mangeons rapidement sur un banc avant de nous balader. Nous sommes émerveillés par les différentes statues, les discussions se font assez rare, préférant écouter Romy, et parfois Sacha, jouer les guides touristiques pour Rose et moi, ce qui nous amuse beaucoup.
- Nous sommes à présent devant la tour Roland avec juste ici la statue en marbre de Niobé, fille de Tantale, réalisée par Hippolyte Lefebvre en mille huit cent quatre-vingt-dix-sept. C’est l’entrée sud du théâtre antique.
- C’est incroyable que tu saches tout ça Romy ! s’exclame Rose impressionnée.
- C’est grâce à ma formation, il faut connaître les lieux touristiques par cœur, plaisante-t-elle.
- Est-ce que voulez y aller maintenant ? questionne Sacha.
- Oui, tant que nous sommes là.
Nous nous dirigeons vers la petite file formée par la billetterie, attendant patiemment notre tour. Lorsque nous pénétrons dans le théâtre, je suis époustouflé par l’endroit mais également par les commentaires de Romy qui ne cesse de m’impressionner par sa connaissance :
- Il a été construit sous l'empereur Auguste, au 1er siècle avant Jésus Christ. À l'époque romaine, on y organisait des déclamations, des présentations théâtrales. L’empereur Auguste l’a fait construire pour célébrer le dieu Apollon, à sa propre gloire. Il a été partiellement détruit au Moyen Âge pour bâtir des églises, construire des habitations. À l’heure actuelle, le théâtre d’Arles accueille des concerts, est un décor de cinéma, sert de cadre à des festivals. Il était composé de trois parties. La cavea qui accueillait les spectateurs, se compose de trente-trois rangés de circulaires. La scène où se trouvait une plateforme de bois qui cachait les machineries du théâtre. Le mur du fond décoré de colonnes corinthiennes, il n’en reste que deux sur la centaine qui existait.
- C’est vraiment fascinant, Romy, j’affirme, admirant les vestiges qui se dressent devant moi.
- Merci de faire tout ça pour nous, sourit Rose vite imité par Sacha.
L’édifice se visite assez rapidement mais nous en profitons pour prendre des photos souvenirs tous ensemble devant les gradins ainsi que devant la scène installée pour les représentations organisée par la ville. J’en fais une avec Rose seule, afin de l’envoyer a ma sœur. Les deux filles s’amusent près de la scène au milieu des autres visiteurs, prenant des poses plus farfelues les unes que les autres.
- Si nous faisions comme elles ? suggère Sacha dans mon oreille.
- Tu veux un souvenir de nous ?
- Oui. J’ai envie de me souvenir de ces moments avec toi.
Une petite demi-heure après le théâtre, nous sommes arrivés à l’amphithéâtre, à seulement quelques minutes de notre précédent lieu. Nous avons pris notre temps, vagabondant dans les rues encore aux allures d’époques. J’aime beaucoup cette ambiance un peu passé que transmet ce quartier de Arles.
- Il a été bâti au 1er siècle de notre ère. La ville d'Arles connaîtrait les jeux taurins depuis le douzième ou le treizième siècle. Cependant ces courses se déroulaient alors sur des places ou dans des enclos improvisés, car depuis la fin de l'empire romain, l'amphithéâtre avait été peu à peu transformé en une véritable petite cité fortifiée, avec plus de deux cents habitations, des églises et des tours. Le dégagement de l'amphithéâtre permet de redécouvrir les vestiges antiques qui redeviennent un lieu de spectacle. Il présente un plan ellipsoïdal. L'édifice comporte deux niveaux de soixante arcades en plein cintre., commence Romy alors que nous commençons la visite.
Nous marchons sur les pierres, parfois déséquilibré par la rudesse des lieux, pour rejoindre le centre de l’arène. Les explications de Romy intéressent les touristes qui nous suivent partout pendant qu’elle continue, le sourire aux lèvres :
- Au rez-de-chaussée, les arcades sont ornées de pilastres doriques surmontés d'un entablement nu. Au second niveau, les piédroits sont décorés de demi-colonnes engagées de style corinthien. Trois tours, de taille et de style différents, construites lors de la transformation de l'édifice en cité fortifiée, s'élèvent au nord, à l'est et à l'ouest. Les arcades, à l'origine surmontées d'un attique, délimitent un espace entouré d'un déambulatoire. De cette galerie partent couloirs et escaliers rayonnants qui permettent d'accéder aux diverses sections de gradins. Les gradins les plus hauts, très endommagés, ont été remplacés par des structures métalliques.
Elle nous guide partout, pendant nous prenons des photos tel de véritables enfants. Elle semble tellement passionnée par ce qu’elle explique que je comprends son choix de devenir animatrice. Romy est vraiment faites pour ça.
- La cavea est soutenue par trois niveaux de galeries concentriques interrompues par des passages menant aux vomitoires. La galerie rayonnante nord et les travées concentriques qui la coupent abritent la chapelle, simple autel sous une voûte, et l'infirmerie équipée d'un bloc opératoire. Les galeries situées au niveau de la piste, couvertes de dalles de pierres, abritent de nombreux locaux annexes, comme une salle de presse et un restaurant. Il y a toril, dans la partie sud, qui est divisé en neuf cases, couvertes d'un plancher percé de trappes. La galerie du second niveau est surplombée d'une voûte en plein cintre. A côté de l'entrée sud se trouve le local d'équarrissage.
Lorsque Romy termine sa phrase, la quasi-totalité des personnes présente l’applaudissent et la remercie d’avoir partagé tout son savoir. Certains lui demande même de prendre une photo avec elle, voulant garder un petit souvenir de cette visite agréable. Gênée, elle accepte pendant que nous nous amusons dans les allées, tous les trois, capturant des souvenirs de ce moment.
Plus tard, après avoir passé le reste de la journée à parcourir les rues de Arles, ramenant par moment un petit souvenir acheter dans une boutique, nous nous retrouvons dans la voiture dans le même ordre qu’à l’aller. Du coin de l’œil, je vois bien Romy nous regarder alors que Sacha se rapproche de moi pour me montrer chaque image de la journée dans son téléphone, souriant lorsque nos deux visages souriants apparaissent côte à côte, me replongeant à nouveau dix ans plus tôt, me rappelant un souvenir qui doit encore être accroché quelque part dans ma chambre d’adolescent.
Annotations
Versions