Chapitre 2 : Quand le dessin rapproche...
Puisque le café était assez proche de la faculté d’art, moi et mes amis étions revenus plusieurs fois pour nous y délecter. Il fallait bien l’avouer, outre l’accueil chaleureux qui nous était réservé, le café y était merveilleusement bien préparé. Je m’y sentais tellement bien que j’y étais même retourné seule. Ce lieu me donnait envie d’y venir chaque jour. De plus, Alice, la serveuse, nous accueillait à chaque fois avec une nouvelle histoire toute aussi croustillante que les autres. Elle semblait avoir voyagé et connu plein de merveilles et adorait les partager avec ses fidèles clients. À chaque fois que je l’écoutais nous raconter ses aventures, j’avais l’impression de m’y trouver à ses côtés, tellement il était facile de s’y projeter en fermant les yeux.
Ce matin-là, le soleil avait à peine pointé son nez quand je poussais la porte du café, mes affaires de dessin sous la main. Alice m’accueillit avec un grand sourire, que je lui rendis et je m’installai sans bruit dans un coin de la pièce.
« Qu’est-ce que ça sera aujourd’hui ?
— Un café latté, s’il vous plaît, répondis-je en affichant mon plus beau sourire.
— Très bien! À ce que je vois, tu n’es pas venue les mains vides? fit-elle remarquer en pointant du regard mon carnet de croquis.
— Je voulais dessiner ton café pour un sujet en art, répondis-je d’un ton amusé.
— Et peut-on connaître le thème du sujet ?
— Un lieu reposant. » l’informai-je d’un air ingénu.
Je vis sur son visage un léger étonnement puis un sourire le remplaça assez rapidement. Elle tourna les talons puis alla préparer ma commande. J’attendais ma boisson en observant les alentours et me mis au travail dès qu’elle fut déposée sur la table.
***
« Alors ça avance bien? » me tira de mon croquis une douce voix.
Je relevai la tête et surpris les yeux émerveillés d’Alice qui fixaient mon oeuvre encore imparfaite. Je jetai un regard autour de moi et remarquai que j’étais à présent la seule cliente. Hâtivement, je sortis mon portable pour regarder l’heure et commençai à ranger mes affaires quand je vis que j’avais dépassé l’horaire de fermeture.
« Oh excusez-moi, je n’avais pas vu l’heure, je vais partir rapidement.
Un rire s’échappa de ses lèvres et elle me fit signe de rester assise.
-Oh ne t’en fais pas, je ne suis pas pressée ce soir et en plus tu dessines le lieu que j’ai imaginé pour mes clients, donc je ne peux qu’être heureuse.
Elle me sourit sincèrement et je stoppai alors mon geste. Même si elle venait de me dire que ce n’était pas grave d’être resté aussi tard, je ne pouvais tout de même pas partir sans rien lui donner en retour.
— J’aimerais quand même vous offrir quelque chose vu que je suis restée aussi tard… n’importe quel service, déclarai-je avec un grand sérieux.
Elle fut surprise mais accueillit ma demande avec une grande naïveté.
— Eh bien si tu insistes, il y a bien quelque chose qui me ferait plaisir…. que tu m’apprennes à dessiner ! déclara-t-elle sans retenue.
Je l’observai un moment pour savoir si elle plaisantait mais comme il n’en était rien, j’explosai de rire.
— Avec grand plaisir ! »
Nous convînmes d’un lieu de rendez-vous pour le dimanche suivant et je quittai les lieux encore amusée par son expression enfantine.
***
J’avais passé toute la semaine à penser à ce rendez-vous. C’est donc euphorique, que j’atteignais sans grande peine la rivière qui bordait la ville. Alice m’attendait déjà assise dans l’herbe fraîche du matin. Elle portait des habits décontractés et me fit un grand signe de la main quand nos regards se croisèrent. Je la rejoignis en pressant le pas et fus accueillis à ma surprise avec une embrassade. Ne sachant pas comment réagir devant tant de familiarités, je me figeai un moment sur place.
« Oh excuse-moi, c’est une mauvaise habitude que j’ai, m’informa-t-elle, soucieuse de ma réaction. Je suis très vite familière avec les autres quand je suis en dehors du cadre du travail.
— Pas de soucis. » me repris-je.
Il me fallut au moins une bonne trentaine de minutes pour me comporter familièrement avec Alice, mais une fois le cap de passé, nos rires s’élevèrent dans les airs. Bien que je ne la connaissais pas très bien, sa compagnie me donnait du baume au coeur. Sa joie de vivre et ses drôles de mimiques me mirent vite à l’aise et quiconque nous aurait vu, nous aurait prises pour des amies de longues dates.
Puisqu’elle était débutante, je lui appris les bases du dessin et elle s’entraîna pendant que je dessinai le paysage qui s’offrait à nous. Entre quelques coups de pinceaux et de crayons, nous nous racontâmes nos activités de temps libres et nos désirs de voyages.
« Tu sais aussi dessiner les visages ? me demanda-t-elle au détour d’une conversation.
— Oui, pourquoi ? Tu veux que je te dessine quoi ? m’étonnai-je.
Ses yeux s’ouvrirent en grand et commencèrent à pétiller.
— Moi ! » répondit-elle en se désignant.
J’acquiesçai et lui demandai de prendre une pause dans laquelle elle se sentirait confortable. Une fois installée, je m’emparai de mon crayon et commençai par dessiner sa silhouette.
***
« Terminé ! » annonçai-je fièrement.
Alice quitta sa pause et se jeta presque sur moi pour valider ou non son portrait. Elle prit la pause d’un juré et me dévoila un visage impassible. Devant mon air stressé, son petit jeu ne tint pas très longtemps et elle valida mon travail en levant son pouce. Je soupirai rassurée et me laissai tomber dans l’herbe. Alice me rejoignit et nous explosâmes de rire.
« Je peux le garder ? me demanda-t-elle innocemment.
— Evidemment, répondis-je heureuse.
— C’est décidé, je vais l’afficher au café, tu n’as plus qu’à le signer, m’indiqua-t-elle joyeusement.
Je virai rouge devant une telle proposition. Selon moi, mon niveau ne permettait à aucune de mes oeuvres d’être affichée dans un tel lieu mais j’acquiesçai alors timidement.
— En tout cas je me suis bien amusée avec toi, me sortit-elle sans prévenir.
— Moi aussi, lui répondis-je d’une voix apaisée.
— Maintenant que nous sommes amies, c’est à moi de t’inviter quelque part ! »
Elle avait lancé ces derniers mots sans arrière pensée et devant mon air surpris, elle éclata de rire sans retenue. Ce qui était sur c’est que je n’allais pas m’ennuyer avec une telle amie.
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