IL a les traces de l’oreiller plein les joues, les courbatures du canapé plein le dos. ELLE a clamé la fidélité en valeur suprême, ELLE a jeté les fleurs et les pots, des injures à plein seau. IL n’a pas bougé. IL l’a regardée s’écheveler, hurler, pleurer. IL a enduré les insultes puis quand ELLE a voulu le mettre dehors, IL lui a rappelé toujours immobile qu’ELLE était chez lui.

Rigidité de femme outrée, silence d’outre-tombe.

« Salaud » a-t-elle lâché vaincue.

ELLE s’est retirée dans la chambre à coucher. IL s’est endormi sur le canapé.

IL s’extirpe des cuirs de sa jaguar. Parking personnel, ascenseur individuel. Reflet d’acajou et hymne à la joie mais rien n’allège le poids du vide. Sa silhouette dans le miroir. Droite, altière. Peignée sur mesure. Les portes s’ouvrent sur un bureau ovale. Clin d’œil à son image.

IL sait les courbes qui dégringolent, IL connaît les conséquences pour le personnel, l’échec pour lui-même, les noëls où IL sera le perdant, la famille en opposition. Ou plus certainement les fêtes en solitaire sur fond d'appartement ultra chic empli de superlatifs froids parce qu'IL lui laissera le manoir et les souvenirs d’enfants.

IL sonne la secrétaire. Elle accourt avec l'expresso habituel. Blonde naturelle, tailleur noir à poitrine saillante, déhanchements façon syndrôme de Stockholm. Elle pose la tasse émet une phrase de politesse peut-être un compliment. IL ne l'écoute pas. IL ne la regarde pas. IL n'a jamais succombé aux charmes de ses employées. IL n'a jamais su prendre du plaisir au petit personnel. Elle disparaît. IL se connecte à sa messagerie. Les mails aux objets gras s'empilent, certains rouges crient des urgences qu'IL sait fatales. IL contemple son écran calé au fond de son fauteuil Lamborghini signé Gucci. La tasse fume son arôme en arabesques publicitaires, son regard se vide, les mots bavent... Léthargie... Puis IL se redresse, avale le café et interphone la secrétaire :
- Apportez-moi la liste du personnel.