17 H ! C’est un cri de pendule, une libération de forçats. Mais ce soir je sprinte seul jusqu’à l’ascenseur. Les amoureux de la tâche flirtent en heures sup alors que les choqués se ravinent le visage en soutiens psychologiques au fond d’une cellule. La crise est circonscrite. Les pompiers peuvent ramasser les restes de Jacqueline.

Je contourne l’amoncellement des badauds. Le sang coagule les passants en fadaises métaphysiques. Noir sur rouge. Heureusement, la connerie ne tache pas.

Je m’enfile dans les thromboses du mixer direction le 10ième. Je sors en foule continue. Les trottoirs fument le multiculturels. Je me désaseptise aux cris et aux couleurs. Les marchés chantent, les étals chamarrent, le commerce dialogue, les animaux piaillent du réconfort. Des lapins tapinent, des blancs, des mauves, des jaunes, je ballade de la main… je soustrais… je sprinte.

Trois molosses me coursent. Je slalome, zigzag plein les godasses. Putain de journée. Faut pas qu’ils m’attrapent sinon je vais cuire. Bon dieu de corps qui déraille. Je cours l’incendie à pleins poumons. Artères bouchées, gauche, rue bondée, droite, cheville qui dérape, en face, passage couvert. Ils cognent leur poursuite à coup de poubelles. Je débouche sur le boulevard. Gauche sur le trottoir. Ils me rattrapent. Je plonge dans les klaxons, j’esquive un taxi, je funambule sur la ligne blanche. Crissements de craie sur tableau vert, choc de sourds. Un bus clignote sa priorité. Je cambre la fin de mes forces. Elles me propulsent sur le marchepied. Sauvé.

Bouillon de remugles au fond de la gorge, j’expire sur la banquette arrière. Deux lapins contre ma poitrine tremblent sous les dératés de la pompe à sang. Je souris à la promesse des soleils futurs.

Il faut que je les engraisse, que je cultive du coquelicot et de la pâquerette. Chacun a besoin de sa poésie même les truands. Et puis, s’il m’en reste, je ferai une couronne pour Jacqueline. Entre toxicos du boulot faut se soutenir.